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L'amour de la patrie ne se décrète pas

par Abdelkrim Zerzouri

Le patriotisme, au-delà de la définition lexicale du mot qui désigne le dévouement et l'attachement sentimental d'un individu à sa patrie, son lieu de naissance, où il y a également une volonté de le défendre militairement lorsque cela s'avère nécessaire, il faut vraiment de nos jours aller lui chercher un sens dans le tréfonds de l'histoire du pays. Car, présentement, l'amour de la patrie est un sentiment très rare. Tout le monde en convient de cette défection chez les Algériens, qui se rappellent leur patriotisme seulement lors de grands rendez-vous footballistiques. Passé ces moments d'émotion où l'emblème national est porté haut, avec fierté, par la population juvénile, on oublie trop vite la patrie, si on ne la malmène pas de toutes parts. On fait du mal à sa patrie en mettant en péril son économie nationale, sa souveraineté et parfois jusqu'à son intégrité territoriale. C'est ce qu'on fait avec allégresse tous les jours, en trichant avec le fisc, en privilégiant les circuits informels, jusqu'à mettre à genoux la patrie en complotant des coups fourrés dans son dos. Cette partie faite pour être aimée. La patrie, soyons sérieux, qui y pense vraiment aujourd'hui ? Celui qui tire profit de sa générosité feint de l'aimer à fond la caisse. Et gare à vous s'il vous arrive de parler de patriotisme à quelqu'un d'autre, il vous rira au nez. Non, personne ne prendra pour argent comptant les paroles d'un président américain (JFK), qui a dit à ses compatriotes : « Ne demandez pas ce que votre patrie a fait pour vous, dites ce que vous, vous avez fait pour votre patrie ». Cela résume grosso modo ce que doit être le patriotisme, le vrai. Hélas ! il se fait rare de nos jours. Et pour pallier cette défection, les pouvoirs publics n'ont pas trouvé mieux que de soumettre prochainement au gouvernement un projet de décret visant à inculquer le patriotisme aux élèves. Le décret en question propose d'ériger les musées en un espace éducatif et scientifique autour de la mémoire historique et d'inculquer aux enfants, écoliers et organisations de la jeunesse l'amour et le dévouement pour leur patrie. Ce sont là des choses, des procédures sociales et éducatives qu'on devrait faire sans avoir besoin d'un décret. L'initiative laisse pantois. L'amour de la patrie, en règle générale, ne se décrète pas. On l'a ou on ne l'a pas. C'est ailleurs qu'il faut aller chercher les moyens qui peuvent ancrer ce sentiment chez les générations montantes, surtout. Pour aimer sa patrie, un jeune doit se sentir libre et vivre dans un climat d'égalité de chances. Il doit, surtout, voir ses aînés lui donner l'exemple de cet amour de la patrie. Pas l'exemple des chouhada et des moudjahidine seulement, dont l'exemplarité sur ce registre est unanime. Un décret du genre ne fera certainement qu'empirer les choses. Le patriotisme se perd dans le brouhaha des intérêts politiques étroits, et il est d'une urgence capitale de prendre des initiatives sur le plan moral pour remédier à la situation. Pas en pondant un quelconque décret mais en se sacrifiant, chaque jour, chacun dans son petit périmètre d'activité, par le travail, pour donner notre amour à la patrie. Le patriotisme se mesure en temps de guerre par la volonté de défendre le sol natal sur le plan militaire, au prix de sa vie, en temps de paix, il faut faire en sorte de hisser la patrie très haut dans le développement, sans attendre une quelconque rétribution matérielle.