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Les faux dévots

par El Yazid Dib

« ?.mais les dévots de cœur sont aisés à connaitre, jamais contre un pécheur ils n'ont d'acharnement ; ils attachent leur haine au péché seulement » Molière

Il y a beaucoup de Tartuffe en l'absence de Molière. A une semaine non encore accomplie l'attente se lit dans une campagne qui ne démarre pas à toute vitesse. Les faux dévots sont à la manche. Ils montrent tous patte blanche. Prêchent la bonne parole et sourient sous cape. L'angoisse chez eux se le dispute au silence des autres, ceux envers qui ils doivent produire du charme et de la séduction. Sauf que les prophètes ne sont plus dans l'ère numérique et ne se rassasient plus ni de ces faux bains de foule ni de ces faux adeptes. Par contre les faux dévots en raffolent.

Le vote reste le moyen le plus expressif dans toutes les libertés politiques. Il est l'un des piliers les plus essentiels pour la construction de la démocratie.

D'une manière ou d'une autre, ce vote va s'exercer. S'il se fera ce ne sera pas grâce à ces affiches et à ces mauvais coureurs de voix. S'il ne se fait pas, c'est toujours à cause d'eux. Alors, s'il s'agissait de voter l'Algérie ; l'urne aurait aussi sa propre voix. Mais comme le jeu est complexe et inquiétant par rapport à ces faux dévots ; le souci d'aller poster son impression reste une tache conscience ardue. Vraiment. On peut voter Parti, mais pas ses honteux candidats. On peut voter candidats, mais pas dans ces Partis renégats.

On n'a pas besoin d'être convaincu par certaines voix en déphasage pour aller voter ou non. Si on le fait ce n'est aucunement pour le faciès photoshopé ou la face corrigée de l'un ou de l'autre. Ces portraits qui souillent la virginité des murs et des panneaux ne reflètent en vrai qu'une hypocrisie que l'on tente d'amadouer par les effets techniques de la photogénie. En réalité ce ne sont, pour certains que des flétrissures d'une société civile qui n'arrive plus à se reconnaitre.

L'on n'a jamais cessé de dire que la chaise fait tourner la tête et provoque des nausées. La gestion d'une campagne voire d'une carrière qui pointe le fait aussi. Les sièges pivotent et tremblotent au gré des allégeances, des évasions et des humeurs. A peine lancée, que l'ardeur s'étouffe aux premiers couacs d'une impossibilité de s'investir dans le cœur de cet électeur que l'on ne voit qu'à un moment précis. Cet électorat sait par habitude que son choix, s'il est fait et exprimé ; il résulte d'une adhésion à une personne et non pas à un programme puisqu'il ce dernier n'étant qu'un dépliant n'existe pas du tout. En fait de programmes tout y est presque dit et promu. Rien n'arrive à différencier l'un des autres. De simples mots génériques à lancer à une foule échaudée déjà. Alors que le peuple attend un saut qualitatif dans son existence et la vie de tous les jours. Par fondement politique un candidat doit refléter l'ambition citoyenne.

Il doit exprimer un besoin réclamé par l'électeur. Ces candidats commencent déjà à fustiger le pouvoir actuel au moment où d'autres qui n'avaient même pas pu remplir leur devoir citoyen, jettent l'éloge à un pouvoir qui fait tout pour réussir. Ils sont bavards à s'attarder dans le bien humanitaire de tous les citoyens.

Chacun dit pouvoir remodeler le régime, une fois élu. Les plus hardis proposent de revoir le système dans toute son entièreté. Une 2 eme république est annoncée pour naitre dans un climat nécessaire de rupture et redorant le blason vilipendé de l'acte de voter. Le vote actuel est un marquage personnel.

La voix est directement affectée à une personne, loin du parti et ce qu'il représente comme courant politique. Partir voter est certes un acte de haute citoyenneté mais dans les conditions complexes actuelles mélangeant les vertus d'un parti et les prétentions des candidats cet acte s'avérerait un effort difficile pour convaincre les plus indécis. Néanmoins la fibre nationale et l'attachement sentimental aux fondements de Novembre, feront en sorte que la raison des uns l'emportera sur la déraison et la suffisance des autres.

Ils sont là, réunis autour de leurs siens pas plus. Ils se vantent chacun allant de son aura d'avoir à faire une fois intronisés des monts de merveilles et de miracles. Mais en somme un député ne gère rien. Il n'a ni budget, ni cagnotte. Démuni de moyens à même de pouvoir réaliser ce qu'il prétend pouvoir faire ; il n'aura pour les plus audacieux qu'une voix à émettre et une main à lever pour les plus généreux. L'angoisse électorale va se situer pour nombreux adeptes entre le zèle de certaines candidatures et l'insouciance de tout l'électorat. Ceci est valable pour les autres formations en lice.

La câlinerie exercée envers les militants ne sera pas de la même conviction qu'exigerait un lectorat vif et vivace. Le plus docile des militants ne peut soutenir une liste imposée ou tractée par une fermeture d'espoir et d'avenir. Sauf si dans l'ailleurs des partis le constat est le même. Si dans certaines listes le risque est insignifiant par rapport à la locomotive qui les draine, dans d'autres des plus attendues, il est vital, sinon mortel. Si l'on ne rafle pas plus de la moitié des sièges ou à moindre risque égaler le score des précédentes législatives ; l'issue est censée être toute indiquée. Abdiquer et partir à jamais mourir loin des listes et de leurs ateliers de confection serait un ultime respect à rendre aux électeurs médusés. Convaincre d'abord les siens demeure ainsi le meilleur moyen d'éviter que le risque révolutionnaire se tasse dans les alentours.

L'on peut aisément avoir son siège et partir s'y asseoir et se voir après l'écoulement d'un mandat comme un lendemain qui n'aura jamais su se finir. Que de d'élus, que de parvenus, que de parrainés se sont laissés aux abords d'une société qui ne pardonne pas. Apres l'euphorie élective et l'usufruit de la mandature, ne resteront que le fiel, l'isolement et une aisance matérielle qui ne va plus servir l'ego ou le besoin de se sentir encore en bon charme. La vie post-électorale est un enfer, plus ennuyeuse qu'une battue en retraite et ils le savent pertinemment.

Il y aura comme un aveu d'échec qui vous coincera dans un p'tit coin isolé d'où s'évaderont les cris et les hourras, les banderoles et les portraits à la Nicolae Ceausescu. D'où ne vous accompagneront que de vagues souvenirs d'un enthousiasme qui vous a mené aux cimes de l'utopie croyant faire de vous l'adoré, l'adulé du peuple.

Les paroles vont s'user et disparaitre une fois les micros débranchés et les oreilles retendus vers une amère réalité. Le tapage va s'éclipser au bout de quelques jours. Les serments et jurements s'envoleront, les faux dévots s'auréoleront mais pas pour l'éternité. 5 ans, ça passe. Et puis ? Débaptisation, d'exaltation.