Il est
intéressant de comprendre pourquoi les jeunes s'ennuient chez nous en Algérie
et comptent tous fuir à l'étranger, quitte à emprunter le périlleux chemin des harraga. Quand on tente de percer la psychologie de
l'Algérien de ces dernières décennies, deux principaux traits flottent
malheureusement à l'horizon. Premièrement, une régression terrible due à divers
facteurs (sociaux, économiques, politiques, moraux, effets coloniaux,
islamisme, etc.), voilée de surcroît par un moralisme de façade. Deuxièmement,
l'anomalie est trop banalisée dans la représentation des idéaux, les repères,
les valeurs et les vertus qui gèrent le milieu social. Ce qui a fait surgir
dans le cerveau du citoyen des nouvelles habitudes qui ne collent ni à la
morale traditionnelle ni à la réalité moderne. C'est pourquoi, même touchant
des salaires motivants, des primes et des privilèges de toutes natures, nos
cadres et nos élites en général s'en plaignent et rêvent de quitter, eux aussi,
le pays! Mais qu'est-ce qui rend l'Algérie si repoussante à ses propres enfants
? Un pays où «Kr'aht» (j'en ai marre), «m'elîte» «â'yite» (fatigué), «l'eg'ya» «dégoût-age»
(haut-le-cœur) sont devenus autant de râles ordinaires et contagieux. Indépendamment
du chômage de masse, la hogra, les parasites des
pots-de-vin et de la bureaucratie qui frappent de plein fouet la dignité de
notre jeunesse, le secret se trouve peut-être aussi dans le manque d'espaces de
loisirs et de décontraction, de centres culturels, de bibliothèques
municipales, de cinémas, de théâtres, etc. Nos autorités y ont-elles pensé ? Et
puis, les citoyens, eux-mêmes, ont-ils bien assimilé déjà cette simple notion
du jardin public où les gens peuvent se reposer, lire, passer un bon moment
entre amis sans être malmenés ou dérangés pour prétendre ou même juste penser à
la culture et au théâtre ? Savent-ils toujours entretenir une ambiance de
courtoisie dans les rues, les cafés, les restaurants et les terrasses où
l'élégance des comportements et des manières est vivement souhaitable ?
Pourquoi ne sait-on pas conjuguer nos traditions avec la modernité dans le
respect et l'ordre ? Ce sont tous ces petits détails qui font les grandes
différences et traînent les citoyens, en plus des problèmes quotidiens qu'ils
subissent, à des situations de burn-out et de
désespoir ! Que signifie la culture du week-end, des vacances et des congés
pour une famille ou un fonctionnaire de classe moyenne en Algérie ? Pourquoi
tuer le temps est-il le sport national le plus pratiqué par la plupart des
nôtres, surtout durant le Ramadhan? Sans doute, le
sentiment de marasme qui s'abat sur nous n'est pas tombé du ciel mais résulte
des actes de chacun de nous dans la société, de notre refus à nous assumer dans
la collectivité et d'être interactifs avec les autres. On voit bien que même
les rares festivals culturels, les concerts musicaux, les pièces de théâtre qui
peuvent égayer un tant soit peu ce pesant climat sont désertés par nos masses,
soit faute de moyens et d'argent, soit parce qu'ayant le cœur trop chargé,
celles-ci ne peuvent pas, hélas, s'occuper de leur propre confort et distraction! Or, on oublie souvent que ces choses-là sont
primordiales pour la santé morale et l'épanouissent du peuple.