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Une moralité à défendre ?

par Abdelkrim Zerzouri

Le Parlement européen a-t-il perdu sa crédibilité et son honneur avec ces histoires de corruption qui planent sur cette Assemblée qui représente les voix des citoyens européens, ou a-t-il recouvré sa dignité en neutralisant en son sein les voix des élus corrompus ? Secoué ces derniers jours par des affaires scabreuses, le Parlement européen semble tenir la tête haute en tentant de couper celles des élus éclaboussés par les dossiers au suffixe gate, dont le Marocgate, qui désigne tout scandale comparable à la célèbre affaire Watergate, qui a entraîné la démission d'un président américain, en l'occurrence Richard Nixon. Du moins confiner au silence ces têtes pourries. C'est ce qui s'est passé lors du dernier vote d'un texte, largement adopté (356 voix pour, 32 contre et 42 abstentions), critiquant sévèrement les atteintes à la liberté d'expression et aux droits humains au Maroc. Une première depuis deux décennies, et ce, malgré les tentatives d'influence par des diplomates et d'élus marocains dépêchés à Strasbourg à la veille de ce vote. Le Parlement européen a exprimé également sa préoccupation par les révélations selon lesquelles «les autorités marocaines auraient tenté de corrompre des élus du Parlement européen».

Ce vote intervient justement près d'un mois après l'éclatement de ce scandale, qui n'a pas encore livré toutes ses vérités, mais qui fait son bonhomme de chemin dans ce sens. Les langues commencent à se délier et des témoignages très compromettants se font jour dans le cadre de cette affaire du Marocgate. Et, il ne serait pas très difficile de confondre les suspects du Parlement européen dans des affaires de corruption, où le Maroc s'implique corps et âme, particulièrement quand il s'agit de votes sur des dossiers liés à l'Algérie et le Sahara occidental, pour forcer la main aux élus et les amener non seulement à «épingler» l'Algérie sur des dossiers de droits humains et rejeter tout ce qui est en faveur du Sahara occidental mais à militer dans ce sens, aussi, au sein du Parlement pour convaincre la majorité à se joindre à eux. Maintenant, on se demande jusqu'où ira cette opération «mains propres» au sein du Parlement européen ?

Dans l'immédiat, des enquêtes sont en cours contre certains élus soupçonnés de corruption, et dans le moyen terme, le Parlement européen veut aller vers la consolidation de son règlement pour anticiper les conflits d'intérêt et la corruption, selon sa présidente. Même si on sait pertinemment que les textes votés par le Parlement ne sont pas contraignants, et qu'ils doivent être appliqués par les gouvernements des pays membres pour avoir tout leur sens, c'est l'image d'un pays ou un autre qu'on altère à travers un vote tronqué ou des droits d'un peuple qu'on écrase sous les liasses d'euros. Et, au-delà de ces comportements qui portent préjudice à des pays tiers, c'est une affaire de moralité qui pèse sur tous les travaux du Parlement européen, et qui fait que les levées de l'immunité de plusieurs élus s'opèrent sans résistance.