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Arrondir les angles ?

par Abdelkrim Zerzouri

Poignée de mains entre les présidents américains et chinois, pourparlers pas si confidentiels que cela en a l'air entre de hauts responsables des services de renseignements américains et russes sur l'Ukraine, des informations non démenties à propos d'une insistance américaine auprès des autorités ukrainiennes pour engager des négociations avec les Russes afin de trouver un accord qui mettrait fin à la guerre avant l'hiver?le temps est-il propice à l'accalmie ? La rencontre sur l'île indonésienne de Bali, à la veille du Sommet du G20, entre Joe Biden et Xi Jinping en dit long, et d'une manière claire, sur les orientations de la géopolitique américaine. Donnant un coup sec au gouvernail, le Président Biden s'est entretenu «sur le ton de la sincérité» avec son homologue chinois, qu'il n'a jamais rencontré en face-à-face depuis qu'il est arrivé à la Maison Blanche. Il y a tout juste quelques semaines, la tension était à son paroxysme entre les deux pays, notamment à cause du soutien américain à Taïwan, en sus d'une intense rivalité économique et un alignement chinois sur les positions russes dans le dossier ukrainien. Par quel miracle est-on arrivé à ce stade du dialogue et de la concertation entre les dirigeants des deux pays ? Car, c'est de concertation qu'il s'agit entre les deux dirigeants, qui se sont entretenus durant trois heures sur tous les dossiers et avec l'esprit d'arrondir les angles de nombreux sujets de discorde entre les deux puissances rivales. Comment est-il possible de faire prendre au cours de l'histoire ce virage en si peu de temps ? Ce ne sont que des signes annonciateurs d'une nouvelle ère pacifique, où la diplomatie, visible et celle de l'ombre, auront à jouer des rôles prépondérants pour régler les différends et, surtout, garder les canaux de la communication ouverts, comme l'a clairement signifié le Président Biden. Mais, on ne pouvait imaginer un tel scénario occuper les devants de la scène mondiale, après plusieurs mois de crise multidimensionnelle qui commence à peser sérieusement de tout son poids sur les puissances de ce monde, elles-mêmes. Ce changement, s'il arrivait à se concrétiser, est-il dû à la décroissance économique qui fait fléchir les économies des puissances mondiales, américaine, chinoise et européenne, avant de parler d'autres pays qui font face à une grave crise alimentaire ? Peut-être que ces dirigeants ont compris que le monde est sur le point d'atteindre un point de non-retour sur le plan militaire, avec la menace de l'utilisation des armes nucléaires, ainsi qu'en matière d'effondrement de l'économie mondiale. Peut-être, aussi, que ces dirigeants ont compris que leur avenir politique est en jeu face à des populations, de plus en plus mécontentes, face aux difficultés de la vie quotidienne.

Des grèves pour revendiquer de meilleurs salaires et des manifestations de colère exercent une pression sur ces dirigeants qui doivent bien craindre la sanction de l'urne au prochain rendez-vous électoral. Tous ces facteurs peuvent influer sur les décisions des hommes politiques, qui ne cherchent que le bien-être de leurs populations, et qui doivent savoir quand il faut reculer pour éviter de leur faire supporter des malheurs qu'ils ne pardonneraient pas. La paix maintenant, et tout de suite, ou le chaos. Le choix est-il fait par les grandes puissances qui se réunissent, les 15 et 16 novembre, en Indonésie, de se concentrer sur les défis mondiaux pressants ?