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La politique du plus fort

par Abdelkrim Zerzouri

Que reste-t-il du boycott d'Israël par les pays arabes ? L'Etat hébreu, qui ne se fatigue pas de tenter divers procédés de phagocytage du monde arabe, vient de faire de grands pas dans ce sens, sans trop focaliser l'attention de l'opinion publique. Cette dernière est occupée, en ces moments, à dénoncer le «deal du siècle», alors que le principe de la «non normalisation» des relations diplomatiques entre les pays arabes et Israël commence à voler en éclats.

En témoigne l'annonce ces derniers jours de la «normalisation» des relations diplomatiques entre Israël et le Soudan. Une annonce, faite par le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le président du Conseil souverain soudanais, Abdel Fattah Bourhane, qui laisse clairement voir que des discussions discrètes entre les deux pays étaient engagées depuis longtemps avant d'aller rapidement vers ce «couronnement» avec la chute de l'ex-président soudanais Omar Al-Bachir, en avril 2019. Une grande victoire pour Benjamin Netanyahou, qui va peser en faveur de sa réélection au mois de mars prochain, à laquelle fait face une grande déception au sein de la Ligue arabe, car le Soudan figure parmi les pays arabes, avec l'Iran, comme l'un des plus fidèles à la cause palestinienne, apportant un soutien considérable au Hamas. Bien sûr, il faut s'attendre à une réaction hostile de la rue au Soudan, mais le fait d'avoir amené un pays arabe à ce stade de la reconnaissance publique de la normalisation de ses relations avec Israël marquera les esprits et provoquera des fissures, déjà, béantes, dans les rangs de la Ligue arabe, dont le prochain sommet devrait se tenir à Alger, à l'invitation du président Tebboune. Au début du mois en cours, lors de leur rencontre au Caire entre le président de Ligue arabe Aboul-Gheit et le président palestinien Mahmoud Abbas, le premier a affirmé que les Arabes représentent «une sauvegarde solidaire» pour les Palestiniens.

On ne sait à quel temps conjuguer cette position ? De toute évidence, les pays arabes sont dispersés sur beaucoup de questions de politique internationale et les principes qui les réunissaient naguère ne sont plus mis en valeur, notamment la défense de la cause palestinienne. Israël se fait aider dans cette stratégie de division des rangs dans le monde arabe par leur grand soutien, en l'occurrence les Etats-Unis, qui ne fait plus dans l'hésitation depuis l'intronisation de Donald Trump à la présidence. Ce dernier ne fait plus dans la dentelle diplomatique. Il impose avec fracas sa domination dans tous les dossiers. Il y a lieu de faire remarquer que le Soudan n'est pas un cas unique dans cette politique de rapprochement des pays arabes avec Israël, puisque d'autres pays l'ont devancé sur ce plan, entretenant jusque-là des relations souterraines mais qui peuvent remonter à la lumière à tout moment. Dernier en date, qui fait sa transformation dans ce contexte, le Maroc.

Diverses sources médiatiques crédibles signalent à ce propos que le Premier ministre israélien a fortement insisté auprès de Washington pour obtenir une reconnaissance US de la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. Pas gratuitement, bien sûr, car en contrepartie, il compte obtenir une «normalisation» franche des relations avec le Maroc. Un pas que les Etats-Unis n'ont pas encore franchi, notamment en raison d'une résistance au sein du Congrès, dont le président de la commission de défense du Sénat américain, sénateur américain James Inhofe, a réaffirmé lors d'un récent dîner diplomatique, la position inébranlable du Congrès soutenant le peuple sahraoui et sa lutte pour sa juste cause et décrivant la présence du Maroc au Sahara occidental comme illégale. Une sortie qui ne peut pas être fortuite.

Cela semble même sonner comme une réponse à ces remous israéliens qui chercheraient à obtenir la reconnaissance par Washington de la marocanité du Sahara Occidental. Car, si cela ne tenait qu'à la seule décision du président Trump, une telle reconnaissance coulerait de source. Palestiniens et Sahraouis sont avertis, mieux vaut pour eux de chercher dorénavant les soutiens des peuples et des représentants élus démocratiquement, car les dirigeants des Etats sont de plus en plus enclins à suivre la politique du plus fort.