Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

En quoi l'accompagnement des chômeurs est-il utile ?

par M. T. Hamiani*

L'accompagnement des demandeurs d'emploi consiste en l'établissement d'une relation personnalisée entre le chômeur et son conseiller, pouvant donner lieu à une contractualisation. Des entretiens plus ou moins fréquents jouent un rôle :

- d'orientation dans la recherche d'emploi ou dans l'accès à des formations complémentaires ;

- d'expertise implicite ou explicite de l'effort de recherche.

Les schémas d'accompagnement présentent une grande diversité :

- selon qu'ils mettent plus l'accent sur l'orientation ou le suivi ;

- selon la fréquence des rendez-vous avec les demandeurs d'emploi et l'intensité du suivi ;

- selon les modalités des rendez-vous (accompagnement individuel ou collectif) ;

- selon la nature des opérateurs (publics ou privés), tôt ou tard le les opérateurs privés seront dans l'obligation d'assurer un accompagnement réel (et non via l'internet) pour améliorer le rendement en matière de placement.

Situation n°1

L'accompagnement a le plus souvent des effets positifs, y compris sur les chômeurs de longue durée, mais la rentabilité des dispositifs n'est pas toujours assurée.

Dans l'ensemble, et en faisant abstraction de la variété des modalités d'accompagnement, les chômeurs de longue durée qui bénéficient d'un accompagnement renforcé retrouvent plus souvent du travail, et plus rapidement, que des individus très comparables, mais qui bénéficient d'un accompagnement moins intensif ou d'aucun accompagnement. On peut aussi observer une moindre récurrence du chômage ou une hausse des revenus dans les emplois retrouvés.

Le plus souvent, les programmes d'accompagnement entrainent une hausse de retour à l'emploi. Néanmoins, ces dispositifs sont assez longs : leur rentabilité n'est pas toujours assurée, même lorsque l'on prend en compte le gain social induit par une sortie du chômage, lequel reste très difficile à estimer.

Situation n°2

Le caractère obligatoire de l'accompagnement peut être bénéfique, tandis que la menace de sanction en tant que telle peut avoir des effets indésirables.

Les mécanismes analysés dans la littérature et qui peuvent rendre l'accompagnement efficace sont de deux sortes :

- l'accompagnement renforce les connaissances du chômeur sur le marché du travail, l'efficacité de sa recherche d'emploi, sa confiance et sa motivation ;

- la contrainte induite par l'accompagnement, ainsi que les menaces de sanction qui le complètent parfois, sont en soi une motivation pour trouver plus vite un emploi.

La volonté de combiner les deux dimensions justifie souvent qu'on donne un caractère obligatoire à l'accompagnement, et des auteurs soutiennent que certains chômeurs trouvent un emploi rapidement pour éviter d'entrer dans un accompagnement obligatoire et contraignant. En revanche, les schémas ne reposant que sur la menace de sanction, s'ils peuvent fonctionner pour des chômeurs jeunes et proches de l'emploi, ont généralement des effets indésirables sur les chômeurs précaires, comme la démotivation et la hausse de l'inactivité.

Situation n°3

Les chômeurs de longue durée manquent à la fois d'information sur le marché du travail et de confiance en eux ; l'accompagnement peut y remédier.

Par manque de données, une minorité de travaux documentent les mécanismes intermédiaires qui conduisent de l'accompagnement au retour àl'emploi. Lorsqu'ils le font, ils illustrent le rôle d'un effort de recherche accru

(davantage de prises de contact par exemple) ou d'une efficacité accrue de cet effort (des prises de contact mieux ciblées). Mais cette littérature dit encore peu de choses sur les leviers qui enclenchent ces évolutions. Cependant, deux pistes sont bien documentées.

Les chômeurs les plus éloignés de l'emploi peuvent avoir une connaissance imparfaite de leur bassin d'emploi, des offres disponibles et des attentes des employeurs. Certaines expérimentations qui se contentent de transmettre de l'information peuvent rendre leur recherche plus diversifiée, plus pertinente et plus réaliste, et améliorer l'accès à l'emploi et les conditions d'emploi. Cela signifie que la composante d'information, qui est présente dans toutes les formes d'accompagnement, joue certainement un rôle en tant que tel.

Certains travaux montrent que l'accompagnement a des effets sur les compétences non-cognitives que sont la perception de soi et la motivation, et il peut s'agir d'un ressort important de l'efficacité de la recherche d'emploi. L'accompagnement collectif, où sont constitués des groupes de demandeurs d'emploi aux caractéristiques similaires, est une piste pour jouer sur ces leviers-là, et son efficacité est souvent démontrée.

Situation n°4

Des questions restent sans réponse et justifieraient des recherches supplémentaires.

Si ces pratiques systématiquesont mis en lumière des résultats intéressants, et notamment une appréciation globale des bénéfices de l'accompagnement, ellesont également permis de mesurer ce qui est encore mal documenté, comme par exemple :

- une description plus nuancée des modalités de l'accompagnement, premier pas vers une évaluation différenciée de l'efficacité des diverses approches. Cela nécessite des données très précises ; mais aussi la capacité méthodologique à distinguer, au sein d'interventions qui mêlent plusieurs ingrédients, le rôle de chacun d'eux et leurs complémentarités éventuelles. Les travaux qui isolent le rôle de l'information sont un exemple intéressant.

- une connaissance plus fine des effets de l'accompagnement sur les attentes des chômeurs et sur leurs actions de recherche d'emploi, et notamment de leur évolution dans le temps. Ainsi, la dynamique des effets de l'accompagnement et leur persistance sur longue période sont mal documentées et mal comprises.

- une compréhension plus précise de l'influence de la conjoncture économique générale sur l'efficacité des programmes d'accompagnement. Pour en juger précisément, il faudrait pouvoir comparer l'effet causal d'un même dispositif dans différentes situations du marché du travail ; très peu de recherches en ont les moyens.

- enfin, une prise en compte plus fréquente des effets d'équilibre général : l'accompagnement améliore-t-il l'employabilité de certains en grande partie au détriment d'autres demandeurs d'emploi ? Où est-il un outil susceptible de « faire baisser le chômage » ?

Ces questions sont aussi importantes pour la recherche que pour la décision publique et justifieraient que de nouvelles études soient entreprises pour apporter des éléments de réponse.

Les mécanismes de l'accompagnement

L'accompagnement s'appuie sur l'idée que, sur le marché du travail, la rencontre entre l'offre et la demande d'emploi peut être entravée par une information imparfaite, telle que les candidats n'ont pas connaissance de toutes leurs possibilités d'emploi ni des méthodes pour effectuer une recherche efficace. L'accompagnement a pour but de réduire de telles frictions en offrant de l'information et du conseil personnalisés, qui peuvent à leur tour augmenter la motivation et l'effort des candidats, améliorer leur stratégie de recherche et favoriser un appariement meilleur et plus rapide entre candidats et offres de travail.

Mais les principes d'activation sont aussi motivés par la question de l'aléa moral : les demandeurs d'emploi insérés dans le cadre des emplois d'attentes pourraient réduire leurs efforts de recherche tant que ce revenu de remplacement est disponible. Cela conduit à introduire des dimensions de contrôle, éventuellement assorties de sanctions, pour inciter les personnes à maintenir leur activité de recherche à un niveau élevé.

Parfois, les politiques d'activation penchent vers l'une ou l'autre conception. Mais souvent, les deux approches sont jointes : elles outillent, soutiennent et contrôlent les chômeurs tout à la fois. Au premier ordre, l'effet attendu de ces actions est d'augmenter la fréquence des actes de recherche (rechercher des offres, y répondre), et d'améliorer leur efficacité (mieux identifier les offres, répondre à des offres plus adaptées, mieux se présenter). S'il existe des marges d'amélioration dans ces dimensions, c'est-à-dire si certains chômeurs ne repèrent pas certaines offres existantes, répondent àdes offres qui ne leur correspondent pas, etc., alors l'accompagnement peut augmenter la fréquence des accès à l'emploi ou la qualité des emplois obtenus. Dans le cas contraire (par exemple, les offres sontpeu nombreuses et facilement identifiées), ces interventions auront des effets limités. Cela est difficile à anticiper a priori, et dépend à la fois des caractéristiques du marché du travail et des compétences, de la motivation et des efforts des demandeurs d'emploi. De manière générale, l'activation agit sur l'offre de travail (c'est-à-dire la demande d'emploi), ce qui suppose à la fois qu'il existe des marges d'amélioration des comportements d'offre et une demande de travail (des offres d'emploi) suffisamment abondante pour que cette efficacité supplémentaire trouve un débouché.

Il existe par ailleurs des effets potentiellement négatifs. Dans la théorie classique de la recherche d'emploi, un chômeur qui anticipe de rencontrer davantage d'offres d'emploi va refuser plus souvent l'offre courante dans l'espoir d'en obtenir une meilleure dans l'avenir. Il est donc théoriquement possible que la réduction des frictions dans la recherche d'emploi s'accompagne, non d'une durée de recherche plus courte, mais au contraire plus longue, cet allongement étant compensé, en principe, par des situations d'emploi meilleures. Inversement, lorsque l'accompagnement est assorti de mesures de suivi et d'évaluation, il peut conduire à accepter rapidement des offres et, in fine, à occuper des emplois plus rapidement, mais de moins bonne qualité.

Paradoxalement, l'effet des programmes d'accompagnement peut se réaliser avant même le début de l'intervention. En effet, l'annonce de la participation à un programme d'accompagnement peut modifier le comportement du demandeur d'emploi avant l'entrée dans le dispositif en générant un effet de menace ou un effet d'attraction.

Lorsque le demandeur d'emploi est peu enclin à y participer, il peut intensifier ses efforts de recherche pour éviter d'être orienté vers le programme. Au contraire, lorsque le chômeur anticipe un effet positif du programme sur ses chances de trouver un emploi, il peut réduire ses efforts de recherche avant son entrée dans le dispositif. Dans certains cas, la contrainte associée aux programmes d'accompagnement, surtout lorsque la dimension obligation est forte, peut conduire les personnes à se retirer du marché du travail : on verra que lorsque ces comportements sont avérés, ils concernent souvent les femmes.

La participation au programme peut aussi avoir un effet de verrouillage (lock-in effect), conduisant à une diminution transitoire des efforts de recherche d'emploi et donc à une baisse du taux de retour à l'emploi. C'est le cas par exemple, lorsque le dispositif demande une forte implication du demandeur d'emploi, comme dans le cas d'une formation, et ne lui laisse pas assez de temps pour postuler à des offres d'emploi.

Il faut noter que, si les politiques d'accompagnement ont souvent pour objectif explicite l'accès à l'emploi et les conditions de cet emploi, elles peuvent aussi avoir des effets sur l'insertion sociale dans un sens plus large, et sur des dimensions psychologiques de motivation et de confiance en soi. Ces dernières peuvent constituer des effets intermédiaires qui agissent sur l'engagement dans la recherche d'emploi, mais peuvent aussi représenter des bénéfices en tant que tels.

Conclusion

Il est grand temps que la caisse nationale d'assurance chômage CNAC, à travers son centre de recherche d'emploi, financeces techniques, initiées par les conseillers du SPE, formés en la matière dans le cadre de plusieurs opérations de coopérationavec Pôle Emploi et le Bureau International du Travail.

*Cadre du secteur de l'emploi