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En finir avec l'homme «providentiel»

par Kharroubi Habib

Les marées humaines qui défilent depuis bientôt deux semaines dans les rues de nos villes clament à l'unisson à la fois leur rejet de l'humiliant cinquième mandat, du processus électoral qui y conduirait inéluctablement et du régime qui cherche à se maintenir à travers cette innommable cuisine politique. Contrairement à ce qu'a prétendu Bouteflika, ni lui ni les autres « décideurs » ne les ont entendus ni ne sont prêts à consentir à leurs revendications. C'est la raison pour laquelle la voix de ces marées humaines doit monter en puissance pour démontrer au pouvoir qu'elles n'accepteront aucun arrangement qui lui permettrait de ne pas satisfaire leur revendication primordiale qui est ni plus ni moins que son départ. Elles ne doivent surtout pas tendre l'oreille aux « conseilleurs » qui arguant que le pouvoir n'étant pas prêt de céder à la rue, la voie des urnes en avril pourrait permettre aux anti-cinquième mandat mobilisés de mettre en échec son prétendant et ouvrir ainsi avec son vainqueur celle du changement radical qu'ils demandent.

Ceux qui distillent cette inepte solution avancent masqués et la justifient au nom de la préservation de la stabilité du pays et cela paradoxalement au moment où s'est bouchée pour le pouvoir la perspective d'une élection présidentielle de laquelle se sont retirés pratiquement tous les acteurs politiques susceptibles de lui donner un semblant de crédit en tant que compétition électorale. En fait, ces « conseilleurs » plaident sans le dire ouvertement la cause du seul candidat présentable restant en lice qu'ils créditent pouvoir faire échec au cinquième mandat et avoir pour programme et volonté de satisfaire les revendications portées par l'insurrection populaire en cours.

Les écouter serait accepter le fait que c'est au peuple à céder malgré l'unanimité qui est la sienne à refuser la voie des urnes avant que le prétendant au cinquième mandat et le régime ne dégagent. Ces « conseilleurs » et le candidat dont ils prônent le soutien électoral sont pour le moins crédules quant au machiavélisme imaginatif du pouvoir sinon sciemment en collusion avec celui-ci en lui offrant une solution qui lui sauvegarde l'essentiel et leur donnerait dans le même temps droit d'être partie prenante dans la redistribution des cartes qui aura inéluctablement lieu avec la succession de Bouteflika.

En persistant dans la candidature malgré la déferlante contre un processus électoral auquel prendrait part le postulant au cinquième mandat, Ali Ghediri, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a clairement donné à comprendre que c'est au peuple à se plier à sa volonté et non l'inverse. Ce qui est façon pour lui d'exiger de ce peuple qu'il le plébiscite en tant qu'homme « providentiel ». N'est-ce pas ainsi que débute toute dictature ? Aux Algériens de démontrer qu'ils peuvent résoudre la crise nationale sans retomber dans les scénarios qui en ont été à l'origine et ont tous pour acteur premier un prétendu « homme providentiel ».