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Nouveau revers diplomatique pour Paris

par Kharroubi Habib

En prenant l'initiative d'organiser une réunion à Paris sur la Libye, le duo Hollande-Ayrault s'est fixé pour objectif de faire avaliser à ses participants qu'ils doivent accentuer la pression sur le Premier ministre libyen du gouvernement d'entente nationale pour le pousser à accélérer la constitution d'un nouveau gouvernement élargi intégrant le très controversé et sulfureux général Khalifa Haftar. Mais en choisissant arbitrairement qui réunir pour faire entendre cette exigence à Faiz Serradj, le duo français a incontestablement fait se cabrer celui-ci qui tout en reconnaissant qu'il lui faut ouvrir l'exécutif libyen aux parties qui en sont absentes, a pris ses distances par rapport à son initiative en l'assimilant à juste titre à une tentative d'ingérence cherchant à lui forcer la main pour qu'il convienne d'un élargissement de son gouvernement non en fonction de la réalité libyenne, mais des desiderata d'intervenants étrangers dans le conflit.

La réunion de Paris s'est conclue par un « bide » retentissant qui déconsidère encore un peu plus la diplomatie française qui en l'occurrence a fait à nouveau la preuve qu'elle n'est pas aussi influente internationalement que veulent le faire accroire ses acteurs. Mais son échec risque aussi d'exacerber les ressentiments chez les parties libyennes en conflit. Tant au sein de celle pour qui cet échec est celui du plan sur lequel il y a eu accord entre elle et Paris, que de celle qui avec Faiz Serradj s'estime avoir fait l'objet d'une tentative de remise en cause de sa reconnaissance internationale qui en fait la seule autorité légale de Libye.

Il reste à espérer que Paris tire l'enseignement que l'échec de la réunion sur la Libye lui fait obligation : de ne pas s'entêter à vouloir garder la main sur le dossier libyen et de convenir que la France qui a une écrasante responsabilité dans le chaos et l'impasse politique dans lesquels la Libye est plongée n'est pas le médiateur indiqué et impartial pouvant prêcher la réconciliation aux parties en conflit dans ce pays.

Si la France persiste à s'estimer acteur incontournable dans le conflit libyen, elle ne fera que rassembler contre elle les Libyens qui voient dans sa prétention l'expression d'une politique néocolonialiste et susciter l'opposition d'Etats pour qui il n'y a aucune raison de lui reconnaître ce statut. Se déclarant guidé par la volonté d'aider les Libyens à se réconcilier, le duo Hollande-Ayrault peut effectivement contribuer à cela, non pas en engageant la France dans des démarches improvisées aux buts ambigus et clivants, mais en lui faisant manifester son soutien à la médiation onusienne et aux efforts que font les «pays du voisinage» en vue de rapprocher les factions libyennes antagonistes afin qu'elles puissent s'entendre sur une sortie de crise qui mettra fin à la tentation d'une solution par l'éclatement de la nation libyenne.