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Le difficile exercice du pouvoir

par Moncef Wafi

Le dernier mouvement des walis vient-il sanctionner leurs mauvais résultats sur le terrain ? Tout porte à le croire, quelque trois mois après les sévères mises en garde du ministre de l'Intérieur lors de ses rencontres régionales d'évaluation avec les walis. Bedoui avait été clair : les responsables qui ne seront pas à la hauteur seront purement et simplement limogés. En jeu, la quête de l'Etat de nouvelles rentrées financières. Après l'amnistie fiscale, l'emprunt obligataire et l'appel du pied aux binationaux pour ouvrir des comptes bancaires en devises en Algérie, le pays se tourne vers la fiscalité ordinaire et le recouvrement qualifié d'«insuffisant» des impôts locaux.

Ce mouvement rappelle la vulnérabilité du poste de wali, l'un des plus importants et convoités dans la hiérarchie de l'administration publique, exposé surtout à la lumière des médias à travers les émeutes ou les dossiers de détournement et de corruption. Si les exemples ne sont pas nombreux, trois voire quatre dossiers ont défrayé la chronique tranquille des walis en Algérie. La mort du chef de l'exécutif de Annaba, Mohamed Sandid, avait remué l'opinion publique, relayée par une partie de la classe politique. Louisa Hanoune était la première à monter au créneau pour demander une enquête sur les circonstances de la mort du wali. Pour nombre de leaders politiques, il ne fait aucun doute sur les raisons de cet infarctus mortel liées aux pressions et intimidations exercées sur l'homme par ceux qu'on appelle communément les barons de la région.

La mort d'un commis de l'Etat est en soi un événement, mais entourée de rumeurs galopantes et de vérités à peine chuchotées, elle devient au centre d'un débat que beaucoup auraient aimé taire. Parce que derrière le sacro-saint droit de réserve lié à la fonction, nombre de hauts cadres de l'Etat sont soumis continuellement à des pressions venues d'en haut, comprendre la capitale, pour favoriser untel, faciliter l'octroi d'un projet à un autre. Un chantage au poste, si on veut, qui met le wali, entre autres hauts fonctionnaires de l'Etat, devant un choix cornélien : se soumettre ou risquer de déplaire à Alger et auquel cas, et dans le meilleur des cas, des sanctions administratives ne sont pas à exclure.

Cette vision n'est pas le fruit de l'imaginaire populaire, mais bel et bien le tableau à peine croyable dressé par l'ancien wali d'Oran et de Annaba, Frik Bachir. Ce dernier rappelait le quotidien de ses pairs, revenant sur la nature des pressions subies à travers des injonctions pour favoriser certains noms, des membres de la famille du demandeur, ou lui-même par le biais de prête-noms pour l'octroi d'avantages accordés par les administrations locales ou d'assiettes foncières dans le cadre du Calpiref et de terres agricoles. L'intervention de Frik Bachir avait eu le mérite de mettre noir sur blanc ce que tout le monde soupçonne puisqu'il «évoque la collusion de la mafia locale avec des responsables centraux» pour obliger le wali à être aux ordres sous peine de mutation, d'une mise à l'écart ou encore d'une procédure judiciaire.