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Inquiétante arithmétique

par Yazid Alilat

Les chiffres du commerce extérieur pour les sept premiers mois de l'année 2016 ne sont pas réjouissants, mais inquiétants. Ils confirment sinon une situation macroéconomique préoccupante, du moins un état des lieux désespérant. Car autant les recettes pétrolières ont chuté à 15 milliards de dollars à fin juillet dernier, une première depuis le début des années 2000, autant les exportations hors hydrocarbures restent faibles, donnant une piètre image des performances de l'économie nationale.

En dépit de tous les discours enflammés ou ronflants, la vérité des chiffres ne peut être démentie. Le déficit commercial est ainsi monté à 11,9 milliards de dollars et le taux de couverture des importations par les exportations baisse encore, atteignant les 56% contre 70% en juillet 2015. Quelle différence! A fin juillet dernier, donc, les recettes pétrolières ont totalisé seulement 15,14 milliards de dollars, en nette baisse de 31,4% par rapport aux 22,1 mds de dollars en juillet 2015. Ces chiffres «hideux» montrent vraiment la réalité des choses dans une économie nationale qui n'arrive pas à se confectionner une bouée de sauvetage, ni même des artifices pour stopper cette lente et inexorable descente vers une crise qui est déjà là, toute proche. Car à ce rythme, et à moins d'un emballement salutaire des prix de pétrole d'ici à la fin de l'année, le Trésor va clôturer l'année 2016 avec des recettes pétrolières à tout juste 30 milliards de dollars, ce qui est en soi tout simplement désastreux!

Car cette disette des recettes pétrolières aura fatalement un effet domino sur les autres grands indicateurs macroéconomiques, en premier lieu une aggravation du déficit budgétaire, qui atteindrait à la fin de l'année, selon le vice-président du CNES Mustapha Mékidèche, les 30 milliards de dollars, une inflation à deux chiffres, une hausse du chômage et une détérioration des réserves de change, alors que le bas de laine du Fonds de régulation des recettes (FRR) sera épuisé d'ici à 2018. Un tableau «catastrophe», mais qui est proche de la réalité, car l'économie nationale ne vit que par et grâce au pétrole. Toutes les réformes entreprises jusqu'ici n'ont pas réussi, et toutes les déclarations triomphalistes, depuis au moins dix ans, sur la hausse des exportations hors hydrocarbures ont maintenant montré qu'elles n'étaient que «du vent».

De deux milliards de dollars comme objectif dans les années 2000, les exportations hors hydrocarbures sont à moins d'un milliard de dollars durant les sept premiers mois de 2016. Plus exactement à 949 millions de dollars, soit un peu plus de 6% des exportations globales, et, en plus, en baisse de 20,72% par rapport à la même période en 2015. Qui n'avance pas, recule ! Quelle calamité ! Alors que face à cette situation financière critique, les déclarations triomphalistes des ministres en charge de l'économie nationale, de l'Industrie en passant par les Finances, le Commerce, l'Agriculture ou l'Energie, montrent, si besoin est, qu'il y a un décalage effrayant entre la réalité des choses vu du côté du gouvernement et celle des experts, qui n'arrêtent pas de tirer la sonnette d'alarme.

Alors, la démarche adoptée par le gouvernement sera bien sûr de racler les fonds de tiroirs et de serrer la vis encore plus pour les produits d'importation, bloquer les recrutements, allonger l'âge de départ à la retraite, contre une démarche industrielle qui a montré depuis longtemps ses limites, car on importe toujours du ciment, du rond à béton, de l'aliment du bétail et des denrées alimentaires. En dépit de ces installations industrielles et ces dépenses pour une gourmande agriculture, mais qui ne font pas marcher l'économie nationale, qui est réduite par les temps actuels à une simple arithmétique entre des importations coûteuses et des expéditions à prix. Et, au final, des déficits qui montrent clairement la voie à suivre: celle de l'endettement extérieur.