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Qui croit encore que Bouteflika a perdu la main ?

par Kharroubi Habib

L'on s'attendait à ce que dans la mouture du projet de révision de la Constitution transmis par la présidence aux destinataires pressentis pour prendre part aux consultations autour du sujet figurerait l'amendement créant le poste de vice-président. Il n'en est rien. A la grande surprise de ceux qui se croyant bien renseignés nous rabâchent depuis des mois que l'option d'une vice-présidence aurait été actée par les clans du pouvoir, à leur satisfaction mutuelle. Ce deal sur la question, disait-on, aurait permis à Bouteflika de postuler pour un quatrième mandat et l'instauration d'un mécanisme pour une succession automatique au cas ou surgirait une situation l'empêchant d'assumer ce mandat jusqu'au bout. Il a été prêché sur tous les modes que Bouteflika, hostile à cette innovation, a été finalement contraint d'accepter le principe sous la pression du DRS, en échange de quoi ce dernier aurait levé son «veto» contre le quatrième mandat.

La question a peut-être fait débat au sommet du pouvoir. Mais il apparaît clairement que c'est Bouteflika, dont l'hostilité à l'instauration d'un poste de vice-président, n'a pas été désarmé au constat de son ennui de santé qui a eu le dernier mot. La mouture proposée au débat ne stipule pas la création du poste. Mais, comme il a été impossible pour lui d'ignorer ce qu'a d'aléatoire sa capacité physique à assumer pleinement ses fonctions pendant les quatre années du nouveau mandat, il a consenti à l'inscription d'un nouvel article et à un amendement qui stipulent que le Premier ministre nommé par lui peut avoir certains pouvoirs du président dans les limites fixées par la Constitution. Cette disposition ne fait pas du Premier ministre le successeur automatique du président en cas d'incident de santé invalidant qu'encourrait ce dernier, comme le serait dûment le postulant du poste de vice-président. Il est clair que Bouteflika entend rester maître du processus appelé à être mis en œuvre pour pallier à la paralysie de l'Etat induite par l'éventuelle impossibilité temporaire d'exercer ses pouvoirs présidentiels. Les clauses de la Constitution ayant trait au fonctionnement du pouvoir exécutif indiquent clairement donc que Bouteflika, contrairement à ce qui a été dit, n'a pas cédé aux pressions sur la vice-présidence. Elles sont la preuve que même malade il n'a pas été possible de le dessaisir des pouvoirs dont l'investit la Constitution. De la mouture du projet de révision de la Constitution qu'on a eu à connaître, il en ressort, également et tout aussi clairement, qu'elle exprime sa propre conception des changements qu'il veut apporter et dont il pense qu'ils sont la réponse aux attentes que formule la société algérienne. Sauf que sa conception s'avère totalement déconnectée de la réalité algérienne qui fait apparaître que les citoyens sont en demande d'une Constitution qui institutionnalise leurs droits individuels et collectifs. L'institution de l'Etat de droit et de la démocratie et non d'une Loi fondamentale rafistolée pour créer l'illusion que ces objectifs sont garantis. Alors que dans le fond, l'exercice du pouvoir continuera à être pratiqué comme il l'est depuis le recouvrement de l'indépendance.