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Le métier à tisser des liens

par Bachir Ben Nadji

Devrait-on demander aux ambassadeurs de tous les pays avec lesquels nous entretenons des relations, ce qu'ils pensent de notre pays ? Devrons-nous avoir leur avis sur ce que nous entreprenons, tant dans le domaine politique, économique, que dans différents autres domaines ?

Ces questions me sont venues à l'esprit après la lecture du contenu d'une interview réalisée par un média électronique algérien avec l'ambassadeur d'une grande puissance, aussi grande soit-elle mais qui ne peut s'ingérer dans nos affaires intérieures, les us et coutumes de la diplomatie étant ce qu'elles sont.

Je me demande comment un journaliste algérien, normalement constitué, peut oser poser une question à un diplomate d'un pays tiers et d'aller jusqu'à lui demander de se prononcer sur ce qui s'est passé sous les cieux de notre pays. Comment appréciera ce diplomate cette question, quelle idée se fera-t-il d'un journaliste algérien qui ne croit pas à ce qu'on lui dit officiellement et officieusement, et qui de son côté veut convaincre les lecteurs de son journal. Chers amis lecteurs et " fans " des chroniques de votre quotidien préféré, jugez de vous-mêmes. Est-ce que les journalistes algériens doivent toujours se référer aux ambassadeurs et autres diplomates des puissances occidentales, surtout, pour pouvoir se faire une idée précise sur ce qui se passe dans leur propre pays, et par la même informer leur lectorat sur les idées précises qu'ils ont de ce qui se fait en Algérie, incroyable mais vrai.

Verrez-vous un journaliste français ou belge, ou même italien, portugais, suisse, grec, espagnol et autre poser une question afin d'avoir l'appréciation d'un diplomate d'une grande puissance siégeant au Conseil de sécurité de l'ONU sur les questions politiques qui intéressent le citoyen de leur pays. Hé bien non, je ne pense même pas, et le journaliste occidental ne le fera pas, il attendra qu'un membre du gouvernement de son pays se pointe pour l'interpeller et se faire une idée précise de toutes les questions afin d'éclairer son opinion publique et la mettre sur rails en ce qui concerne les questions d'intérêt.

Chez nous, chers amis et chers lecteurs, les journalistes, bien sur pas tous, sauf ceux branchés sur l'heure GMT plus ou moins quelque chose, suivent l'actualité à laquelle ils ne croient pas, et ne croient en rien sur ce qui se passe chez eux. Ils trouvent toujours quelque chose à dire dans tous les domaines, mais le politique les intéresse plus que le sport ou la culture. Ils vous parleront (écriront sur -ça passe mieux-) du Président de la République, du Premier ministre, des membres du gouvernement et des différentes autres personnalités politiques, des différentes institutions de la République, et qu'est ce j'en sais, même du maire du coin.

Cependant, ne vous attendez pas qu'ils vous disent du bien de ces gens-là et des institutions. Ils sont là pour casser du sucre sur le dos de tout le monde. Personne ne leur plait, et la politique du pays " est mal engagée " pour eux. Même l'économie algérienne est mal barrée, ils vous diront que rien ne va, que tout va à l'envers, que le pays frôle la faillite, même si vous savez que l'Algérie dort sur un matelas financier des plus confortable, que les pays chez qui on va se renseigner nous jalousent, et ces gens-là le savent sans avoir recours aux déclarations d'ambassadeurs.

Tout est critiquable dans leur pays, sans objectivité aucune, tout passe à la moulinette et rien n'est épargné, du moindre fait à tout ce qui vole haut et qui est loin de la portée des écrivaillons que la masse et la grande masse pense qu'elle vit sur une autre planète, qu'elle est détachée de la réalité de tout un pays, et qu'elle ne regarde que juste-là devant son nez, à l'écoute de ce qui se produit uniquement à Alger, et pas ailleurs. Cet ailleurs ne les concerne pas, il le voue à des confrères qu'ils nomment eux-mêmes, spécialisés dans la seule activité régionale, dans les activités des walis, dans le marché des légumes. Quelle attitude ségrégationniste de la part de certains scribouillards qui pensent que les régionaux ne servent à rien et qu'eux qui " vivotent " à Alger, sont capables de tout, ce qui n'est pas faux dans un sens, puisqu'ils " créent " les faux évènements, mais qui en réalité ne valent pas grand-chose, bien sur pas tous car je connais des journalistes responsables qui n'allongeraient pas une ligne pour mentir aux lecteurs ou les induire en erreur, ou leur raconter n'importe quoi, et le surlendemain faire paraitre une mise au point intitulée " au sujet de notre information de la veille? ".

Pour en revenir à notre thème central, je suggèrerais à ceux qui rencontreraient des diplomates étrangers en poste en Algérie de leur poser des questions en relation avec leurs missions en Algérie, de s'informer auprès de ces gens sur l'état des relations de leurs pays avec le nôtre, sur les actions qui peuvent rehausser les relations entre les deux pays, de la situation de nos compatriotes qui vivraient dans ces pays. Il y a une multitude d'autres questions qui pourraient venir à l'esprit d'un bon journaliste qui connait son sujet, pour avoir eu à créer son propre dossier sur la question, mais dommage, certains travaillent avec l'actualité, avec le factuel, avec ce qui leur passe par la tête. On a pas idée, je vous dirais chers lecteurs, chers amis, est ce que votre président n'aime pas note président, est ce que l'attitude de votre pays devant ce que nous avons entrepris est un désaveu, la visite de votre ministre est un soutien apporté à tel ou tel candidat, votre pays soutient-il le statu quo, êtes vous inquiets devant les luttes de clans de chez nous, est ce que les élections étaient propres, et j'en passe.

A ce stade, que dira ce diplomate de nos journalistes ? Je pense que dans son for intérieur il s'interrogera pour se dire si ces gens, bien constitués physiquement, font partie de l'opposition politique, sont-ils les porte paroles de ces partis d'opposition, veulent-ils que je leur dise que mon pays n'aime pas vos gouvernants ou leur manière de gouverner. Cet ambassadeur rompu aux relations avec les journalistes de plusieurs autres pays a été d'une diplomatie exemplaire dans ces réponses, il ne voulait pas rabrouer ses interlocuteurs, heureux de recevoir une personnalité de son rang, mais qui ignorent les us et coutumes des diplomates du monde entier, lesquels doivent se limiter à ne pas dépasser leurs prérogatives, de ne pas trop s'étaler avec les journalistes sur certaines questions sensibles, du ressort des politiques et des personnes habilités et d'être purement diplomates sur certains dossiers. A lire les réponses de l'ambassadeur, on décèle les dribbles et les déclarations évasives et imprécises à nos journalistes. Il lui est même arrivé de refuser une question en étant sec, faisant comprendre que ceci dépasse ses compétences et celles de ses interlocuteurs d'une heure.

Faudrait-il que le ministère des Affaires étrangères établisse des règles aux journalistes algériens quant aux interviews de membres du corps diplomatique étranger en exercice dans notre pays, afin d'éviter, dans certains cas, des interprétations autres et douteuses qui peuvent faire l'objet de lectures par certains pays et puissances avec lesquels notre pays a des relations respectables.

A nos journalistes de travailler de manière professionnelle comme cela se fait sous d'autres cieux, de dominer leur sujet à travers des dossiers qu'ils auront à suivre et à alimenter au fil des jours, et ce pour le prestige des individus et de toute la presse algérienne. Mon souci du jour, est que je ne voudrais pas que les gens nous prennent pour des minables, des gens sans formation de base dans les règles de l'art d'écrire et de communiquer. Sur ce, je souhaiterais, loin de toute démagogie, que les journalistes algériens défendent le prestige de leur corporation et de leur pays, en se montrant à la hauteur des exigences de ce noble métier, et aussi afin que nos interlocuteurs se fassent la meilleure idée de la presse algérienne qui avait l'habitude, de par le passé, d'honorer la corporation avec les confrères étrangers, soient-ils du monde occidental ou du monde arabe. Des journalistes algériens ont été des porte-drapeaux et ont hissé haut l'honneur de leur pays et les capacités de la corporation. Que les jeunes journalistes de la génération actuelle prennent exemple de ce que furent leurs ainés, se forment, s'informent et améliorent leur façon de travailler, surtout avec les moyens techniques qui s'offrent à eux, eux qui n'ont connu ni télex, ni fax, ni dictée de leur information au téléphone pendant de longues minutes et parfois des heures. Eux sont arrivés avec le mail, la transmission par internet, qu'ils jouissent et profitent de cette avancée technologique pour être les meilleurs parmi les leurs et ailleurs. A bon entendeur, salut !