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Ce qu'on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire !

par Cherif Ali

Emballement médiatique sans précédent et mobilisation internationale : jour après jour, c'est le monde entier qui se mobilise pour faire libérer les 220 lycéennes nigérianes enlevées par le groupe terroriste Boko Haram.

Ce rapt soulève l'indignation générale, bien loin du pays où il s'est déroulé ; aux Etats-Unis, c'est Michèle Obama, l'épouse du président qui, pour la première fois depuis l'arrivée de son mari au pouvoir, a pris sa place pour l'allocution hebdomadaire de la présidence, pour dénoncer ce kidnapping de grande échelle. L'autre, ex-première dame américaine, Hillary Clinton, a déclaré, pour sa part : " l'accès à l'éducation est un droit de base et une raison déraisonnable de viser des filles innocentes ; nous devons résister au terrorisme ".

Des intellectuels, des vedettes de cinéma, des ONG ont pris le relais pour exprimer leur indignation.

Il n'y a pas à dire, un mouvement planétaire s'est mis en branle et s'exprime, déjà, sur les réseaux sociaux à travers un hashtag, mot d'ordre affiché sur internet qui, aujourd'hui, est sur toutes les lèvres ! " Bring back our girls ! " (Rendez nous nos filles !).

Ce mouvement est parti des familles des disparues, avant d'être repris par une réalisatrice et mère de famille américaine, Ramaa Mosley, qui a créée une page facebook et un compte tweeter ce qui a permis au mot d'ordre, d'être repris partout dans le monde.

Même la veuve de Madiba est sortie, pour l'occasion, de son deuil, pour exprimer son indignation et appeler le Nigéria et la communauté internationale à agir.

Les occidentaux, Etats-Unis en tête, proposent leur aide : Obama dit vouloir faire quelque chose et dépêche des experts sur place ; d'aucuns ont dit qu'il veut faire de cette affaire, une action symbolique de son mandat. Les 15 pays membres du conseil de sécurité se disent prêts à " suivre de manière active la situation des filles enlevées et prendre les mesures appropriées contre Boko Haram ". Le Conseil de Sécurité condamne bien évidemment et estime " que pareilles exactions sont considérées comme des crimes contre l'humanité ".

Dépassé par les événements, le président Nigérian Goodluck Jonhatan a décidé de faire appel à ses homologues Camerounais, Tchadiens, Américains, Français et Britanniques pour résoudre ses problèmes de sécurité et lutter contre Boko Haram.

Pendant ce temps-là, silence radio dans les pays musulmans, n'eut été ce timide communiqué prêté au mufti de l'Arabie-Saoudite, qui aurait déclaré : " Boko Haram nuit à l'islam ".

A croire que la tiédeur de ces pays, concernant cet acte terroriste, est liée au fait que les jeunes filles ravies à leurs parents, sont de confession chrétienne ; je m'interdis de le penser, même si je l'ai écrit !

En Algérie, l'enlèvement des 220 lycéennes Nigérianes a été, peu ou prou, évoqué par certains journaux et la télévision ; il s'agit, pourtant, d'un acte terroriste, ignoble, qui par l'ampleur des victimes, mineures de surcroit, aurait dû révolter tout le monde et pas seulement les médias, d'autant plus qu'il ravive des souvenirs très douloureux qui renvoient à la décennie noire ; comment se fait-il, qu'il ne soit pas traité comme il se doit par tous les spécialistes du terrorisme ! Qu'il fasse débat pour le moins?

On parle bien, chez nous et en France, des jeunes qui vont au djihad, en Syrie, au Sahel et ailleurs ; on s'indigne, parfois on condamne, en tous les cas on essaye de trouver des solutions à ce phénomène. Mais là, le rapt des jeunes lycéennes Nigérianes ne semble pas émouvoir beaucoup de monde chez les politiques algériens. Qu'en pensent, par exemple, les sept femmes ministres de notre gouvernement actuel ? Ou encore, celle qui a tenté l'aventure de la présidentielle, j'ai nommé Louisa Hanoune.

On nous bassine les oreilles, avec ce qui se passe en Syrie ou en Ukraine, à longueur d'ondes et d'images et on ne dit rien, on ne prend pas de position ferme concernant les pirates de Boko Haram ! Dans le pays, qui a enfanté Hassiba Ben Bouali, et Djamila Bouhired, on se tait, presque, devant cette ignominie.

Pourquoi Naïma Salhi ne monte pas au créneau, elle qui a été lors de la campagne présidentielle passée, si prompte à parler de tout et de rien ou encore Zoubida Assoul, Chalabia Mahjoubi, ces autres cheftaines de partis, productrices de paroles, qui ont fait, pourtant, de la politique leur métier ? Manquent-elles d'assurance et de courage au point de rester muettes, devant cet acte infâme ou pensent elles, peut-être, qu'en défendant cette cause, elles seraient traitées de féministes, allez savoir ?

Où sont nos parlementaires et à leur tête Zahia Benarous, et Nouara Djaâfar, de surcroit porte-parole du RND ? Où est passée Nouara Hafsi et toutes ses femmes qui ont rempli Harcha lors de la campagne présidentielle et qui ont écumé tous les plateaux télé pour nous débiter des redondances et des mots plats à longueur de campagne ?

El Khadidja Benguena, la journaliste vedette d'El jazeera, qui n'hésite pas à critiquer le pays et qui reste, mystérieusement, muette devant le crime commis par Boko Haram, même s'il est vrai que sa prise de parole, éventuellement, peut lui coûter son poste ? On est loin, de la sortie de la Française Rama Yade, cette ancienne Secrétaire d'Etat aux affaires Etrangères et aux droits de l'homme, sous la présidence de Sarkozy, qui a décidé de boycotter la visite du guide Libyen et qui a déclaré : "La France n'est pas un paillasson " Elle a osé dire, tout haut, ce que la France officielle, bisness oblige, pensait tout bas à l'époque, au risque de perdre son poste et de faire capoter des éventuels contrats mirobolants convoités par son président.

Ce qu'on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire, même si n'est pas Rama Yade qui veut ! A moins que, madame Khalida Toumi, maintenant qu'elle a troqué son habit officiel de ministre de la République contre le jean de Khalida Messaoudi et qu'elle a retrouvé sa liberté de ton et de parole, serait la femme qui répondra à son compte ce fameux " Bring back our girls " ? Qu'elle redevienne, donc, cette passionaria d'antan ?

Ou encore, Assia Djebbar, notre académicienne d'outre-mer qui, si elle le voulait, tiendrait là, un combat à sa mesure ? Tout comme notre ministre de l'éducation nationale ou notre charmante Secrétaire d'Etat Chargée de l'Artisanat, qui pourraient étrenner leurs maroquins par ce tweet aussi génial, qu'émouvant : " bring back our girls !", loin de la discipline gouvernementale, de l'obligation de réserve et de la langue de bois !

Osez mesdames et vous nous réconcilierez, pour le moins, avec la politique ! Ce combat est le vôtre ! Souvenez-vous du martyre de Katia Bengana ! Voilà une occasion d'honorer sa mémoire et de continuer le combat !

Si on ne réagit pas à la violence de Boko Haram, là et tout de suite, on laisse le terrain aux racistes et à tous ceux qui ont commencé à jeter l'anathème sur les africains et les musulmans.

Comme Eric Zemmour, ce chroniqueur qui s'est permis le luxe de dire à la télévision française : " c'est une pratique arabe ancestrale que de mettre les femmes en esclavage ".

Cet individu, faut-il le préciser, a réagit suite aux déclarations au chef de Boko Haram qui a dit que " les filles raptées seront vendues et traitées en esclaves ". Ou encore, ce député Français de l'UMP qui a prétendu que " l'enlèvement des jeunes filles par la secte de Boko Haram rappelle que l'Afrique n'a pas attendu l'occident pour pratiquer l'esclavage ! ". Rappelons ici que c'est la vidéo du chef de l'organisation djihadiste qui a très certainement déclenchée l'intérêt du public, des médias, notamment occidentaux et des politiques du monde entier ; celui-ci, filmé l'arme à la main et sourire aux lèvres à menacer de " vendre sur le marché des filles, les marier, et en garder, pour lui, quelques unes, au nom d'Allah " ; le message du chef de Boko Haram dit qu'en gros, " on a retiré ces lycéennes de l'école, parce que n'était pas leur place d'y être ! ". Cette vidéo reprise sur les réseaux sociaux, multipliée à l'infini, tweetée, à non seulement crée un buzz énorme mais à surtout impactée négativement sur l'Afrique et le monde musulman ; l'Algérie se trouvant dans les deux, ne peut restée indifférente à ce qui a ému l'univers, d'autant plus que c'est son combat, elle qui n'a eu de cesse de convaincre le monde entier de la nécessité de lutter contre le fléau terroriste d'où qu'il vienne.

Comment contrer cette récupération politicienne et en même temps occuper le terrain politique, car faut-il le dire, les faits se déroulent au Nigéria, c'est-à-dire sur notre continent, déjà mis à mal au Sahel, où sont tournés tous les regards, amis et ennemis.

Abdelmalek Sellal a eu déjà à déclarer, lors de la tenue du 20ème sommet de l'U.A " l'Algérie est déterminée à combattre le terrorisme y compris dans le cadre de la coopération internationale et du partenariat, au demeurant prévus par la stratégie des Nations-Unies de lutte contre le terrorisme ; la contribution de l'Algérie peut être envisagée, dans le respect de ses principes de ne jamais dépêcher des soldats en dehors des frontières du pays, ou de recevoir dur son sol des troupes algériennes ".

Nous avons la chance d'avoir aux Affaires Etrangères, un ministre dont la voix, qui est aussi celle de l'Algérie, porte au delà de nos frontières ; elle est très respectée en Afrique d'autant plus qu'elle défend l'idée de la diplomatie des valeurs.

Nous disposons d'une expertise appréciable de lutte anti-terroriste et le monde entier n'est pas sans le savoir. Le décor étant planté, il ne reste que l'accord du président de la République pour dérouler, in situ, le savoir-faire algérien et s'affirmer comme puissance régionale.

Alors commençons déjà à en parler et à nous insurger, peuple et gouvernement ; ensuite réfléchissons sur une action citoyenne, à minima, comme celle consistant à mettre en avant l'autre hashtag affiché par les mecs qui, dans le monde se sont mis en mouvement : " Real men don't buy girls " (les vrais hommes n'achètent pas les filles). C'est déjà une réponse pour les bandits de Boko Haram, qui ont proposé, aux dernières nouvelles, d'échanger les lycéennes détenues contre des terroristes emprisonnés au Nigéria, en plus de versement de rançons. Et tout le monde sait que notre pays, dont Tiguentourine est le label, est contre le paiement de toute rançon et qu'il ne sera jamais d'accord pour négocier sous la contrainte.