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Que cache le sauvetage du soldat Shalit ?

par Kharroubi Habib

Si tout se déroule selon le calendrier fixé par l'accord conclu entre Netanyahu et les chefs du Hamas, c'est après-demain mardi que le soldat israélien Gilad Shalit sera libéré en échange de prisonniers palestiniens détenus dans les geôles israéliennes. L'élargissement de ces derniers doit s'opérer en deux étapes. Un premier groupe de 450 prisonniers sera relâché au moment de la remise du soldat Shalit aux autorités de son pays, alors qu'un deuxième contingent de 550 palestiniens retrouvera la liberté dans les deux mois qui suivront le premier échange.

Il aura fallu cinq ans de négociations pour qu'Israël accepte de procéder à l'échange. Netanyahu a tout fait pour récupérer le soldat Shalit autrement que par un accord d'échange posé comme condition par le Hamas. Tout ce que le gouvernement israélien a tenté à cet effet a échoué. Il n'est pas par conséquent indu de voir dans la conclusion de l'accord de libération une victoire politique du Hamas, qui en est le cosignataire avec le Premier ministre israélien.

Une victoire que Netanyahu lui a concédée pour des considérations qu'il faut se garder d'attribuer à sa fibre humanitariste. L'échange procède, dans l'esprit du chef du gouvernement d'Israël, d'un double calcul. Il en attend d'abord un dividende politique dans l'opinion publique de son pays, en majorité remontée contre lui et son cabinet en raison de la calamiteuse politique sociale menée par eux, dont pâtissent durement les classes moyenne et populaire en Israël. Il en espère en même temps du discrédit pour Mahmoud Abbas et l'Autorité palestinienne, qui sont passés outre l'opposition israélo-américaine à leur demande de reconnaissance de l'Etat palestinien à l'Assemblée générale de l'ONU. Dans cette optique, Netanyahu fait le pari que le Hamas, fort de la concession qu'il a obtenue de lui, va être en situation de semer la suspicion internationale sur la démarche diplomatique palestinienne et le doute sur la capacité des Palestiniens à prétendre à un Etat national dont la reconnaissance internationale ne relancerait pas la guerre fratricide interpalestinienne. Pour contrer Mahmoud Abbas et la direction palestinienne ayant initié l'opération diplomatique pour la reconnaissance de l'Etat palestinien, Netanyahu a donc fait ce qu'il refusait toujours : négocier avec le Hamas. Ce qui s'interprète comme sa reconnaissance implicite par Israël en tant qu'interlocuteur avec qui il est possible de passer des accords. C'est aussi une tentative d'accréditer dans l'esprit des Palestiniens que Mahmoud Abbas et l'Autorité palestinienne font fausse route en privilégiant la voie pacifique dans la confrontation israélo-palestinienne et ainsi les pousser dans la radicalisation de la lutte pour leur cause nationale. Un tel scénario donnera prétexte, bien entendu, aux autorités israéliennes de réactiver la fausse-vraie menace qui planerait sur Israël avec la remise en selle du Hamas, conforté par la victoire qui vient de lui être ménagée.

C'est au Hamas et au Fatah qu'il incombe de déjouer la manœuvre machiavélique du Premier ministre israélien en poursuivant sans surenchère le processus de leur réconciliation. Ils le doivent aux 6.000 détenus qui croupissent encore dans les geôles israéliennes. Aux milliers de martyrs qui sont tombés pour la cause palestinienne et à tous ceux qui, à travers le monde, font bloc pour qu'elle triomphe en dépit de la loi du plus fort qui lui est opposée par Israël et ses alliés.