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Coup de froid entre Ankara et Washington : l'embarras de Barak Obama

par Kharroubi Habib

Le coup de froid qui vient de souffler sur les relations américano-turques, conséquence de la qualification de génocide attribuée par une commission du Congrès américain aux massacres d'Arméniens durant la Première Guerre mondiale, sera passager et sans incidence sur le partenariat de dimension hautement stratégique qu'entretiennent les deux Etats. La Maison-Blanche fera le nécessaire pour que le «coup de griffe» porté par les congressistes américains à la sensibilité turque, très réactive sur le sujet, n'ait aucune traduction contraignante pour la diplomatie US en s'impliquant pour empêcher que leur texte soit voté par les deux chambres, ce qui en ferait alors une loi engageant les Etats-Unis.

 La véritable question que soulève l'initiative des congressistes américains, c'est le pourquoi de leur exhumation maintenant d'un dossier sur lequel les Etats-Unis, contrairement à certains pays européens, ont observé un silence officiel et se sont abstenus jusqu'alors de toute pression sur la Turquie pour lui faire reconnaître la nature génocidaire des massacres arméniens du début des années 1900. La préoccupation électoraliste eu égard à la forte diaspora arménienne qui existe en Amérique (plus d'un million de citoyens américains sont d'origine arménienne) invoquée par certains commentateurs est trop courte, voire pas crédible du tout. Si cela avait été le cas, le dossier arménien aurait été sorti bien avant.

 Il faut peut-être alors en chercher la cause dans le redéploiement de la politique étrangère turque qui s'opère sous la houlette du gouvernement Erdogan, dont certaines traductions ont de quoi inquiéter des lobbys qui défendent des intérêts affectés négativement par ce nouveau cours de la diplomatie d'Ankara. Au premier rang desquels le lobby sioniste qui, au vu de la détérioration qui affecte les relations israélo-turques suite à l'agression barbare contre la bande de Gaza, veut peut-être exercer un chantage sur les autorités d'Ankara par le biais de l'exhumation en Amérique de cet embarrassant dossier. Ce lobby et d'autres voient d'un mauvais œil la diplomatie turque agir autrement qu'en allié et relais inconditionnels des stratégies poursuivies par l'Amérique et Israël, aussi bien au Proche et Moyen-Orient, dans la région du Caucase qu'en Asie centrale.

 C'est un fait que sous la férule de son Premier ministre Erdogan, la Turquie s'emploie à tisser et à développer des rapports avec les Etats de ces régions qui, sans être en hostilité ouverte avec les objectifs américains ou israéliens, découlent cependant de sa volonté de jouer pour son propre compte avant tout.

 La Maison-Blanche et l'administration américaine, même si elles sont réservées sur des prises de position et des décisions que le nouveau cours de la politique étrangère a fait prendre à Ankara, sont obligées de ménager la Turquie, qui reste pour eux un allié stratégique dont le soutien et la contribution leur sont essentiels. S'agissant de dossiers ou conflits dans ces trois régions où l'Amérique est directement impliquée. Pour cette raison donc, Obama ne peut accepter que le coup de froid dans les relations turco-américaines s'installe durablement ou s'aggrave.

 Quant aux congressistes qui se sont «soudainement» saisis du dossier arménien, ils auraient été mieux inspirés en rouvrant celui du peuple indien, dont les descendants se battent en vain pour que l'Amérique blanche et l'Etat des Etats-Unis reconnaissent la réalité du génocide qu'ils ont perpétré à son égard. Un génocide dont on ne peut minimiser l'effroyable réalité au regard de ce qui reste de la Nation indienne.

 L'Occident, comme à son habitude, refuse toujours de commencer par balayer devant le pas de sa porte.