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Amendement au cinquième commandement,«tu tueras»

par Ahmed Saifi Benziane

Résumons le film des évènements. Un ancien officier supérieur de l'aviation militaire, converti en chef de l'unité héliportée de la police, se présente à la DGSN et tue son patron, un autre ancien officier supérieur de l'ANP, à coup de révolver.

Au matin de ce jeudi un journal en langue arabe publie une information selon laquelle ledit officier aurait été limogé pour corruption dans un marché d'acquisition pour le compte de la DGSN, de matériel, où le fils de l'intéressé serait un intermédiaire. Jusque-là toutes les versions sont d'accord. Les détails, chacun les recueille selon ses sources, ses entrées et ses sorties, et les commente selon son bord ou sa commande. Imaginons le même schéma pour Sonatrach dont le PDG a été remercié pour à peu près la même configuration avec l'implication des enfants.

 C'est que les enfants s'amuseraient maintenant à jouer les intermédiaires dans des marchés négociés par les papas. Imaginons le PDG de Sonatrach se pointer au bureau de Chakib Khellil.

 En tout cas, fin tragique pour deux officiers d'une armée dont on se demande pourquoi on continue à la qualifier de nationale, puisque nous sommes indépendants depuis bientôt cinquante ans et qu'il y a aucune autre armée sur le territoire algérien pour la différencier. Officiellement du moins et en l'état actuel des connaissances. Par ailleurs, Armée Algérienne suffirait par les temps qui courent, l'important n'étant plus dans le nom aujourd'hui. On se demande aussi pourquoi elle serait populaire par rapport à l'ALN son ancêtre qui s'est suffit de libérer la nation en étant réellement populaire jusqu'au coup d'Etat de 65. Le drame vécu par la police serait donc celui de l'armée. Combien reste-t-il alors de militaires dans le corps de la sureté nationale, un corps civil, pour savoir à quoi il faut s'attendre à l'avenir ? Le décompte doit-être rapidement fait pour remettre les choses à leurs places en s'interrogeant pourquoi faut-il souvent mettre à la tête de l'institution policière un militaire. Une manie.

 Question délicate certes mais question quand même, juste pour retracer la généalogie d'un corps qui souffrait depuis longtemps déjà en bas et qui souffre à présent de la tête. Pourquoi ? Parce que par tradition on considère que la police a été proche de Ben bella lors du réajustement ou autre redressement « révolutionnaire » et que depuis, il faut bien la contrôler. Une question de confiance.

 Seulement voilà, Ben bella s'est réconcilier avec ses geôliers dont Bouteflika et le groupe du défunt mais combien encore vivant, conseil de la Révolution.

 Il les appuie pour une réconciliation nationale et pour le reste, et puis, le temps a fait son œuvre. Ben Bella comptabilise près d'un siècle de vie et à ce titre, le danger d'une prise de pouvoir semble loin derrière les craintifs. Mais sait-on jamais avec les anciens. Pour rappel le premier directeur de la police nationale Mohamed Medjda était avocat. Il a duré le temps que l'armée des frontières arrive pour prendre le pays en charge et à décharge. D'Août à Décembre 62, soit quatre mois. A l'aide d'une poignée de policiers issus de la police française, il a créé le corps de sécurité le moins éloigné de la population.

 A l'époque les flics étaient payés en bons d'approvisionnement auprès des magasins pilotes pour ceux qui s'en souviennent encore. Les commissaires de police avaient l'âge d'aller à l'Université pour nombre d'entre eux.

 Mais l'Histoire évidemment, au mépris des petites gens qui font la vie et qui la donnent, ne retient que les noms des chefs y compris dans la mort. Il est vrai que les temps ont changé et que nous n'avons plus affaire à la même configuration sociale. La police d'aujourd'hui est équipée de matériel sophistiqué, les tenues ne manquent pas grâce à l'importation, la délinquance a pris une tournure inattendue, le recrutement se fait sur concours avec quelques zestes de favoritisme, les écoles sont nombreuses, et les émeutes aussi.

 Les femmes ont investi un espace fait pour les hommes et par eux. Le drame qui vient de toucher la maison policière et la violence viennent de pénétrer dans l'institution qui est chargée de combattre justement la violence.

 Quel rapport de confiance pourrons-nous alors établir dorénavant avec cette institution chargées de notre protection ? Le mieux serait d'attribuer un tel drame à une génération qui, loin de transmettre l'image de ses dires, ne laisse comme image que quelques drames dont certains chefs historiques ont payé le prix de leurs vies. Les portes sublimes de l'Histoire sont en train de se refermer sur une génération qui tente dans son dernier souffle de les garder ouvertes en poussant les lourds battants vers l'intérieur. Une génération qui a délivré le pays du colonialisme français sans le délivrer de la France. Qui a réalisé son rêve d'indépendance en confisquant le rêve de ceux qui l'ont suivi.

 En laissant après elle des enfants intermédiaires dans les marchés publics qui roulent carrosse sur les chemins sinueux d'un pays qui souffre à l'image d'un mourant. La police n'en est que l'iceberg et les réformes tant attendues, le maquillage promis à la mariée qui mourra vierge le dos courbé d'attente. Pourquoi alors changer un gouvernement, des chefs militaires, des chefs d'entreprise si on ne peut pas les envoyer en prison ou les pousser à s'entretuer jusqu'au dernier. Un colonel qui en tue un autre peut certes paraître banal dans une Histoire millénaire mais cela peut aussi porter la marque d'un système qui tourne à l'envers quitte à se suicider.