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Larmes amères

par Abdou BENABBOU

On croyait que c'en était fini des drames qui emportaient en une seule nuit des familles entières. Le gaz n'a pas cessé la dévastation tueuse des pères, des mères et de leurs enfants en même temps dans une instantanéité déconcertante. Par un terrible sortilège, dix neuf personnes ont péri lundi dans cinq wilayate différentes. Neuf membres d'une famille à Bousaada. Six à Aïn Oulmène. Deux à Mostaganem. Deux autres à Oum El Bouaghi et six malheureux infortunés ont été sauvés in extremis à Bordj Bou Arréridj.

Imaginer le désastre causé est impossible et la raison s'avoue incapable de mesurer l'affliction et la peine causée aux proches et aux environnements familiaux. Les mises en garde et les conseils prodigués avec insistance ne servent à rien. Les causes du désastre sont nombreuses.

Tant que l'on n'a pas abordé et maîtrisé les plurielles origines de cette réelle catastrophe nationale, on ne retiendra que les larmes amères en accusant la fatalité. Si le monoxyde de carbone est un tueur invisible, l'ensemble des nerfs présidant à sa maîtrise dévoyée sont les faiseurs transparents des catastrophes. Par certains aspects culturels cruels, on est tenté de penser qu'il n'est pas aisé d'absoudre le temporel pour passer du chauffage au kanoun à celui du gaz ou du poêle à mazout.

Pourtant les avisés connaissent les vrais acteurs du foudroyant maléfice. Les crimes sont signés par le gaz carbonique, mais le criminel n'est pas l'unique acteur des méfaits. Les instigateurs sont nombreux et il est malheureusement loisible d'incriminer d'abord une culture nationale atrophiée où l'urbanité et le progrès ne sont que peu maîtrisés. Les éléments clés responsables de ce qui s'identifie comme une réelle bourrasque catastrophique incessante commencent dans un marché de l'électroménager où les bonnes normes de fabrication sont absentes. Pris en charge par de faux plombiers amateurs, l'issue de leur bricolage avec inconscience n'est que la mort certifiée. En sus la pratique immobilière, quand elle s'implique dans des constructions d'appartements déglingués participe à la perversion d'un urbaniste n'assurant ni la sérénité ni la sauvegarde des familles.