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Financement, les risques d'une dérive

par Moncef Wafi

Le pays semble aux abois tambourinant avec insistance à toutes les portes, allant jusqu'à solliciter ceux qui par la force de la loi 51 bis se sentent moins Algériens que ceux du cru. Du bled. Benkhalfa, le ministre des Finances, a annoncé que son département allait lancer, dès juin prochain, une opération ciblant les Algériens résidents à l'étranger leur permettant d'ouvrir des comptes bancaires en devises en Algérie. Histoire de multiplier les comptes en banque dans le pays.

Après «l'amnistie fiscale» et l'emprunt obligataire, voilà que l'Etat sollicite les binationaux pour venir déposer leur argent dans les banques algériennes. Difficile de croire qu'une telle opération connaîtra plus de réussite que les démarches locales connaissant la méfiance de nos émigrés vis-à-vis du pouvoir central. Une défiance qui s'est renforcée avec l'épisode de l'article 51 bis de la nouvelle Constitution qui interdit aux détenteurs de la double nationalité des fonctions sensibles en Algérie. A l'époque, les Algériens résidents à l'étranger, et particulièrement en France, se sont sentis touchés dans leur patriotisme. Ouyahia, qui a été l'un des plus fervents partisans de ce texte, leur avait demandé de choisir entre un passeport étranger et un poste clé en Algérie, oubliant ou feignant de l'occulter que de hauts responsables dans l'appareil de l'Etat sont détenteurs d'une double nationalité, eux ou leurs proches.

Se tourner maintenant vers l'argent des Algériens paraît comme une maladresse sans lendemain puisqu'il est plus qu'improbable que dans la conjoncture actuelle cet appel soit entendu. L'argument même de Benkhalfa pour convaincre nos émigrés de rapatrier leurs euros dans nos banques n'a rien de professionnel. Il souligne les dangers d'un changement de politique dans les pays d'accueil qui peuvent contraindre les Algériens à rentrer chez eux. Difficile de donner du crédit à un tel argument en l'état actuel des choses et au vu de ce qui se passe en Europe.

Dans le cas où Benkhalfa n'a pas d'autres informations sur ce qui risque de se passer ailleurs et les menaces qui pèseront alors sur nos compatriotes à l'étranger, son raisonnement risque de ne pas convaincre grand monde. Sauf alors si son invitation ne s'adresse pas à ce grand monde et qu'elle est ciblée. Dans ce cas précis, on sera confronté à une dérive totale d'un blanchiment d'argent orchestré en haut lieu. L'Etat se fait complice d'un rapatriement d'argent qui risque d'être saisi en cas d'enquête judiciaire ouverte par la justice européenne ou américaine sur des comptes offshore ou dans des affaires de corruption.