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Une crise de logement résiduelle

par Moncef Wafi

La crise du logement en Algérie est résiduelle. C'est en tout cas ce qu'affirme le ministre de l'Habitat qui a annoncé que sur les 350.000 demandes en instance, une grosse partie devrait être satisfaite à fin 2016. Le ministre n'oublie pas de rappeler la paternité de cette résorption du déficit de logement au programme de Bouteflika en indiquant qu'en 1999 le pays manquait de plus de trois millions de toits. Une nouvelle qui devra rendre le sourire à un gouvernement qui n'arrête pas de collectionner les mauvaises annonces.

Un combat mené par l'Etat avec obligation de le gagner car les conséquences d'une crise de logement peuvent être irrémédiables pour un pouvoir qui s'acharne à rester aux commandes en distribuant une petite partie de la manne pétrolière. Pourtant, la réalité est loin de cet optimisme béat puisque la crise du logement en Algérie continue de secouer la société. Et il n'est pas rare que la rue en fasse l'écho dans les grandes villes ou les petits villages en témoignage de la précarité des familles qui ont préféré la dignité du silence à l'étalage sans vergogne d'une misère importée.

Ce qu'ignore Tebboune ou feint de ne pas le savoir, c'est que la crise du logement est chronique et qu'elle ne s'estompera jamais tant que la malhonnêteté et la fraude persistent à sa périphérie. En effet, personne ne pourra renier le rôle de l'Etat dans la résorption du déficit, et ce n'est que justice de la part d'un pouvoir rentier, mais la situation actuelle est telle qu'elle échappe au contrôle des pouvoirs publics. Des fraudeurs se glissent parmi les listes des bénéficiaires de logements, des pistonnés, des proches et amis aux responsables locaux et centraux. Des bidonvilles se reconstruisent aussi vite qu'ils sont éradiqués devant le silence compromettant et complice de l'autorité. On tolère pour ne pas pousser les mécontents à sortir dans la rue même si ces derniers sont passibles de prison.

Le logement comme le travail ou l'espace public trahit la faiblesse d'un Etat qui ne peut pas sévir contre les dépassements car incapable de faire le ménage dans son propre ventre. On aurait dû en finir avec la crise du logement en Algérie depuis longtemps si ce n'était ces indus demandeurs qui quittent leurs lopins de terre pour venir bénéficier d'un logement dans la grande ville. La politique du pays aurait plus à gagner si elle avait privilégié le retour des «exilés» des douars après la décennie noire, mais on a laissé faire comme à l'accoutumée. Laisser faire et assister au pourrissement, un ADN du pouvoir qui a plutôt tendance à réagir en aval qu'à agir en amont.