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Le citoyen peut affirmer, à la
fois en toute légitimité, et en toute légalité, - ne serait-ce que parce que
l'article 41 de la Constitution proclame que «Les libertés d'expression,
d'association et de réunion sont garanties au citoyen,» - que la « République
Algérienne Démocratique et Populaire » n'est ni totalement algérienne, ni même
démocratique ou populaire.
L'Etat algérien actuel n'est ni algérien, ni démocratique, ni populaire Une analyse, même partiellement contestable au vu de certains, même superficielle, tant du système constitutionnel que de la pratique du pouvoir, comme de l'histoire politique du pays, peut prouver qu'il s'agit d'un système d'Etat patrimonial, de caractère privé, qui mimique un Etat moderne, et qui se trouve imposer ses lois sur un territoire connu sous le nom d'Algérie, et dont les habitants autochtones se dénomment Algériens. On laisse à d'autres le soin, ou la responsabilité de donner une qualification plus péjorative à cet Etat. Il ne s'agit nullement ici de développer l'argumentation selon laquelle l'Algérie est loin d'être un Etat national, et que son système politique n'a rien de démocratique ou de populaire. Un long développement, déjà tenté par ailleurs, il y a longtemps de cela, mais qu'il faudrait reprendre à la lumière des développements de ces dernières décennies, serait non seulement utile, mais également nécessaire. La normalité du quotidien masque l'anormalité du système politique algérien Il pourrait apparaitre trop abstrait, comme toute analyse politique, ou comme inutile, ou même dangereux, car rien ne changerait dans la vie quotidienne du citoyen lambda au cas où l'évolution politique du pays le conduirait à être enfin ce qu'affirme le nom officiel de notre pays. Donc, à quoi cela servirait de révéler qu'en fait, le système politique n'est pas ce qui est proclamé officiellement, et que, par-delà la multitude des textes législatifs émanant de ce système, et de ses institutions, en fait l'Algérie est la propriété privée d'une ou plusieurs personnes, qui la gouvernent plus dans leurs intérêts que dans celui de la Nation algérienne ? L'Algérien moyen y semble trouver son compte. L'ordre est assuré, la rente pétrolière est distribuée de telle façon que chacun en reçoit ce qu'il attend ou espère, en fonction de ses besoins, de ses ambitions, de ses attentes, de sa cupidité ; celui qui ne cherche que son pain quotidien a accès au pain subventionné, celui qui veut s'enrichir puise, en toute liberté, dans les multiples canaux de distribution de la rente, etc. etc. Ainsi un état minimum de satisfaction est-il maintenu parmi la population, pour éviter qu'elle se pose des questions sur la réalité du système politique sous laquelle elle vit. Et les propriétaires « privés » de l'Algérie, même s'ils s'affublent de titres qui font croire qu'ils participent d'un Etat dans le sens moderne du terme, peuvent, en toute tranquillité, jouir des privilèges du pouvoir, de l'accès sans limites à ses ressources, sans oublier l'immense prestige personnel, fruit du pouvoir, sans compter l'impunité et l'inamovibilité au nom de la stabilité, et , encore plus, le droit de fixer les règles du jeu politique, en les changeant selon les circonstance, et de définir ce qui est légal, sans contrepoids, ni censure. Les élections ne servent qu'à masquer et renforcer le caractère patrimonial du système politique A quoi servent donc les élections dans ce système patrimonial, qui mimique le moindre des détails de l'Etat de Droit National, depuis une Constitution, jusqu'à des assemblées législatives, des assemblées locales, en passant par un Journal officiel, des ambassadeurs, un gouvernement, un chef de gouvernement, des ministres, une armée, etc. etc. ? La mimique doit aller jusqu'au bout. Il ne faut surtout pas laisser, dans ce système privé, quelque marge que ce soit à la critique interne ou externe. Tout ce qui constitue un Etat moderne doit se retrouver dans ce système, y compris des élections, définies par une loi électorale (loi de 225 articles, dont tout un titre, le Titre VII, est consacré à la répression de la fraude électorale !) dont la précision pourrait être considérée sans égale. On laisse le soin aux spécialistes de ce domaine de répondre à la question de savoir s'il ne manque pas dans cette loi quelque clause qui la rendrait aussi parfaite que possible, afin que nulle « mauvaise langue » ne puisse trouver à redire dans l'organisation des élections, quel que soit leur niveau. La loi électorale, un tompe l'œil parfait Hélas ! Tout cet arsenal juridique, dans un système de propriété privée de l'Etat, est un trompe l'œil. Et c'est là qu'intervient la notion de fraude électorale. Dés lors que le processus électoral se déroule dans un Etat patrimonial, les résultats en sont connus d'avance. Il ne s'agit pas de nommer des « représentants du peuple, » pour gérer les affaires tombant dans le domaine de la collectivité, mais de recruter des auxiliaires pour légitimer et maintenir le système patrimonial, quelque que soit le niveau de responsabilité auquel ces auxiliaires sont appelés à intervenir. Les propriétaires du pays peuvent tout aussi bien nommer ces auxiliaires, mais cela leur enlèverait de leur légitimité, qualité importante, non pour la détermination de leur qualification, mais pour renforcer l'image d'Etat normal que tiennent à se donner les vrais propriétaires privés du pays. Dans ce contexte, la notion de fraude électorale perd totalement de son utilité. Qu'il y ait fraude ou pas, cela ne change rien ni au rôle assigné aux élus, ni à la nature du système dont ils sont les auxiliaires, puisqu'il y a fusion entre la source du pouvoir d'un côté, et l'exercice du pouvoir de l'autre. La fraude électorale implique un système politique ancré dans la volonté populaire Cette affirmation demande une explication. Dans un système politique fondé totalement sur la représentation populaire, et dans lequel les élections jouent le rôle majeur, la fraude électorale est un crime d'Etat sérieux, car elle viole la base même du système politique. Elle constitue une tentative d'usurpation du pouvoir populaire, et donc à l'illégitimité des « représentants, » élus frauduleusement, et entraine l'illégalité de leurs assemblées comme des décisions qu'ils ou elles pourraient prendre en leurs qualités de « représentants. » La fraude électorale mine le système démocratique, et, de ce fait, elle est combattue et punie. Mais, lorsque les élections ne sont organisées que pour mimer un système politique « démocratique, » la fraude électorale n'existe pas, par définition, même s'il y a une loi électorale, dont la violation de la moindre clause, constitue une fraude, des conditions d'éligibilité, en passant par l'organisation des urnes, sans oublier l'inscription sur les listes électorale. Pourquoi réprimer la fraude électorale, si le système politique ressortit du domaine privé d'une personne ou d'un groupe de personnes, plus ou moins visibles, plus ou moins connus ? On n'organise pas les élections pour s'assurer que le peuple gouverne, mais pour camoufler le fait qu'au-delà de la loi électorale, il y a une réalité politique qui fait des élections un simple spectacle dont les électeurs comme les « élus » sont les acteurs innocents et inconscients. La prise en charge pénale de la fraude électorale est une ruse de plus en plus employée par les propriétaires du pays pour faire croire que l'intégrité des élections serait une condition sine quo non de leur propre légitimité. C'est dans le système politique actuel, un « crime » fictif, montré du doigt, et « réprimé, » par les textes, uniquement pour aller jusqu'au bout de l'imitation de l'Etat de droit. La candidature pour une cinquième mandat est une preuve supplémentaire du caractère fictif du système électoral La candidature même à un cinquième mandat est une violation flagrante de la loi électorale, qui soumet le candidat à une série de tests dont celui de la bonne santé, puisqu'il lui est demandé de présenter un certificat médical, signé par des « médecins assermentés. » (article 139, alinéa 8, loi organique 16-10 du 26 Août 2016 relative au régime électoral). Cette condition implique de manière on ne saurait trop clair, que le futur candidat doit jouir d'un état de santé lui permettant d'exercer ses lourds compétences sans aucune limitation physique ou intellectuelle. On ne lui demande pas de présenter un certificat médical, parce que ce genre de document ferait partie habituelle des candidatures à quelque emploi que ce soit, modeste, comme celui de femme de ménage, ou le plus important du pays, comme celui de chef de l'Etat. Le législateur, qui n'est que le chef d'Etat actuel lui-même, tient à ce que les affaires de l'Etat soient traitées avec promptitude, sagesse, et en toute conscience, par celui qui détient la charge suprême. L'article ne mentionne pas que le candidat, déjà en poste, et projetant de se représenter, est exonéré de présenter la preuve de sa bonne santé. Cette preuve n'a rien de marginal, c'est, en fait, le document le plus important du dossier de candidature, car il affirme que le candidat est bien apte à exercer ses vastes, lourdes et complexes fonctions. Le certificat médical, pièce maitresse de la candidature Quoiqu'il constitue un symbole abstrait de la continuation de l'Etat, le chef de l'Etat n'en reste pas moins un être humain, dont la fonctionnalité obéît aux mêmes règles que n'importe quel quidam. Il n'y a pas une définition de la bonne santé spécifique au chef de l'Etat, qui diffère de celle de l'épicier du coin ou de la ménagère. La nature humaine du chef de l'Etat n'est pas mise entre parenthèse par son titre ou ses fonctions, quel que soit, par ailleurs, l'éloignement protocolaire qui gère ses relations avec le reste de la population. Le protocole ne crée pas un homme nouveau. Il n'a pour but que de faire oublier que le Président est un être humain comme un autre, ce qui ne peut se produire que s'il y a une muraille protocolaire qui le sépare des autres. Ou l'auto-certification ou un certificat médical de complaisance ! Faut-il vraiment sortir de la Fac de médecine pour constater que le xhef de l'Etat ne bénéficie nullement d'une santé de fer ? Bien au contraire. Son état physique est arrivé au point où tout un chacun peut constater qu'il ne maitrise même plus ses fonctions physiques essentielles, c'est-à-dire le parler et le marcher. Quels médecins seraient, dans ce cas, disposés à lui délivrer un certificat de bonne santé ? Quel serment serait violé par les médecins « assermentés » qui jureraient, sur leur « honneur » et « en leur âme et conscience », qu'un homme qui ne peut ni marcher, ni parler de manière audible, sans compter d'autres indices cachés à tous d'un état de santé imparfait, serait apte à continuer à remplir une fonction aussi lourde que celle de chef d'Etat ? Il n'est même plus en mesure depuis près de 7 années de s'adresser à la nation, comme le prévoit l'article 70, alinéa 3 de la Constitution actuelle, plus souvent amendée et révisée que le Code de la Route. La campagne électorale du candidat, une condition légale imposée par la loi-cadre sur les élections L'état de santé de ce candidat visiblement dépourvu de ses capacités physiques de base, dont le constat ne ressortit même plus des compétences des adeptes d'Esculape, ne lui permet pas de mener campagne électorale. Affirmer qu'il n'a pas à se contraindre à cet exercice indispensable pour prouver qu'il est un candidat valide, est aussi absurde qu'affirmer qu'on peut participer en chaise roulante au 400 mètres haie des Jeux Olympiques, sans faire acte de présence. Il y a des limites, dictées par la décence, à la fourberie et à l'obséquiosité que certains dépassent allégrement ! Que ne ferait-on pas pour préserver les privilèges associés à la copropriété privée de l'Etat ? Il ne resterait plus que l'auto-certification émise par le candidat lui-même, et sans aucun doute par intermédiaire interposé. Au vu de son état physique, le candidat en cause ne peut même pas mener sa campagne électorale, qui donnerait la preuve concrète de son engagement et de ses capacités physiques et mentales lui permettant de briguer un autre mandat. Une campagne électorale par procuration est tout simplement illégale, car elle prouverait que le candidat, étant incapable de faire le moins,- c'est-à-dire prouver qu'il est vraiment candidat, et qu'il possède les aptitudes pour sa future fonction,-ne peut certainement pas être capable de faire le plus, assumer ses fonctions de manière totale et sans limites ni restrictions. Sinon pourquoi ne pas permettre les candidatures à titre posthumes ? En conclusion On ose à peine utiliser le terme « démocratie, » qui au cours de ces derniers temps, a été brandi, non comme projet politique, mais comme casus belli et comme cri de guerre, au point où des groupes qu'on peut qualifier de terroristes, l'arborent dans leur sigles, et où des Etats totalitaires en font l'une de leurs qualifications. Cependant, on peut se demander si la démocratie, dans le sens sincère du terme, est instaurée en Algérie depuis l'ouverture politique imposée par la violence populaire, mais octroyée sans changement réel dans le système politique du pays, système qui demeure patrimonial. Il y a, certes, une Constitution, mais elle est gérée comme un règlement intérieur, plus que comme un document placé au sommet de la pyramide du tissu législatif qui constitue l'Etat moderne, Dans ce contexte, les élections apparaissent plus comme un exercice d'auto justification du pouvoir politique, que comme la concrétisation du pouvoir par et pour le peuple. Donc, la reconnaissance de la fraude électorale, comme violation des règles d'élection, apparait comme une ruse supplémentaire permettant de légitimer des élections qui n'ont qu'un rôle marginal et cérémoniel dans le système de pouvoir politique. Cependant, même en gardant à l'esprit cette limitation, on ne peut que constater qu'au vu de la loi électorale actuelle, la candidature du Président Bouteflika à sa propre réélection est illégale, car il ne jouit pas de la condition physique exigée de lui pour présenter sa candidature. Sa candidature même représente donc une fraude électorale. La validité de sa candidature est sujet à questionnement, que serait-ce son élection, qui , si elle avait lieu par le plus grand des malheurs, prouverait encore une fois que le système politique ressortit de la propriété privée du pouvoir, plus que de la hiérarchie des textes et des institutions qui le composent. Puisque les instances chargées de veiller à l'intégrité des lois dans le pays, y compris la loi électorale, fonctionnent dans la logique de l'Etat patrimonial, des citoyens ont pris, spontanément, sur eux de contester la candidature illégale du président actuel à sa propre réélection. L'hypocrite approbation de ce mouvement spontané par les tenants du pouvoir patrimonial, dans la perspective du rejet des revendications fondées sur une légalité définie par le régime lui-même, la répression de ce mouvement, l'étouffement de ces actes de sursaut citoyen responsable, ou le refus d'y répondre de manière adéquate, risquent de transformer ces marches pacifiques en mouvement insurrectionnel. Il ne s'agit pas de multiplier les promesses d'un futur politique plus ouvert, en agitant la probabilité de nouveaux changements dans la Constitution, qui a perdu depuis longtemps de sa crédibilité, mais de répondre de manière sage à cette revendication d'un Etat de droit. On doit souligner que l'Algérie, malgré la « plaventrisation » de sa politique étrangère au cours de ces deux décennies, même au détriment des intérêts économiques, culturels et linguistiques du pays, n'a pas grand nombre d'amis dans la région, et toute tentative d'usage de la violence publique pour mettre fin à ces manifestations pourrait conduire à la tentation de certains pays, « frères » ou autres, de profiter des circonstances pour régler de vieux comptes, et de pousser le pays vers des situations de type tunisien, libyen ou syrien. Donc, les autorités ont intérêt à ne pas perdre le contrôle de la situation, et à accepter ce qu'imposent non seulement le bon sens politique, mais également, et encore plus, la loi électorale. Et surtout, qu'elles ne tentent pas leur stratégie habituelle de surdité aux appels du peuple, car, telle qu'elle se présente, la situation actuelle est un indice de volonté populaire de rupture, que les responsables politique feraient mieux de prendre au sérieux ! Qu'elles renoncent aux atermoiements ou aux manœuvres de dilution habituelles, débouchant cette fois, sur l'imposition du cinquième mandat, en violation de la Constitution, comme de la électorale ! Et, finalement, qu'on ne craigne rien pour l'avenir de l'Algérie, s'il y a, comme le dictent la sagesse politique et les lois du pays : la structure géologique du Sahara algérien, ni du reste du territoire algérien, d'ailleurs, ne changera pas, et on pourra continuer à jouir de la rente pétrolière dont la distribution a servi , et continue de servir - de justification et de planche de salut au système politique actuel. |
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