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Éloge de la numérisation ADN des relations et des transactions sociales

par Chems Eddine Chitour*

L'un des problèmes qui tient au cœur du président de la République est la numérisation. Ancien problème qui a traversé plusieurs gouvernements depuis les années 2000.

Certes des efforts sont faits et visibles ( ‘l'Etat Civil, les Douanes..) mais cela n'est pas suffisant tant que l'informel échapper au contrôle. des institutions de l'Etat. problématisant ainsi l'économie du pays. Cela devrait être une cause nationale qui si elle était résolue mettrait à coup sûr sur les rails de l'émergence Cette note est un rappel des fondamentaux de la numérisation et d es gains qu'elle procurerait notamment en terme de justice sociale; le citoyen reprenant confiance dans les institutions.

Qu'est ce que la numérisation ?

La numérisation contemporaine, souvent réduite à une simple transition technologique, mérite d'être comprise comme un véritable changement de substrat, une mutation profonde comparable à l'invention de l'écriture ou au passage au calcul symbolique. Elle touche aujourd'hui le cœur des interactions humaines, leurs fondements invisibles, jusqu'à constituer comme une trame ADN des relations et des transactions sociales. cette transformation révèle une nouvelle grammaire du lien social, plus dense, plus traçable, plus continue.

La numérisation comme code génétique de la société moderne

Le numérique fournit aux sociétés ce que l'ADN offre à la cellule :, une structure,, un langage universel, une capacité de réplication et d'évolution,, un mécanisme d'erreur et de correction.

Les relations sociales, autrefois limitées à des interactions locales, s'étendent désormais comme des réseaux d'informations distribués, où chaque message, transaction ou engagement laisse une empreinte, une signature, un «gène» social auquel on peut remonter. Cette logique crée un tissu continu de connexions, un patrimoine relationnel qui ne disparaît plus dans l'oubli des conversations perdues.

La fluidification des transactions : la confiance codée

La plus grande révolution du numérique est peut-être d'avoir objectivé la confiance.

Là où les sociétés traditionnelles reposaient sur des liens interpersonnels, des réputations locales et des liturgies sociales, le numérique introduit : des preuves (traces, logs, enregistrements) des garanties automatiques (smart contracts) Ce que l'on appelait autrefois la «parole donnée» trouve son équivalent dans une preuve numérique certifiée, vérifiable instantanément. Les transactions deviennent plus équitables, plus rapides, plus universelles. À ce titre, la numérisation fait pour les échanges ce que l'imprimerie a fait pour le savoir : elle démocratise la confiance.

L'émergence d'un lien social augmenté

La numérisation n'écrase pas la relation humaine ; elle l'augmente. Aux cercles familiaux, amicaux, professionnels s'ajoutent des réseaux d'affinités intellectuelles, artistiques, professionnelles ou militantes, affranchis de la géographie. Chaque individu devient le nœud d'un ensemble de sphères : La sphère intime, ka sphère professionnelle, la sphère algorithmique, sphère communautaire globale. Cette démultiplication du lien produit une sociabilité élargie, où la personne humaine n'est plus définie par une seule appartenance, mais par un constellation dynamique d'échanges et d'identités relationnelles.

La mémoire collective reconfigurée

L'un des drames des sociétés traditionnelles était l'oubli. L'un des défis des sociétés modernes était l'archivage imparfait. Le numérique apporte un changement radical : une mémoire totale, indexée, interrogeable. Cette nouvelle archive sociale ne sert pas seulement à conserver. Elle analyse, corrige, anticipe. Chaque transaction, chaque interaction devient un événement signifiant qui contribue à l'apprentissage collectif. Nous passons ainsi d'une société qui subit le passé à une société qui le lit, l'explore, l'ajuste.

L'intelligence collective comme horizon

En structurant les relations humaines comme un système d'information vivant, la numérisation crée les conditions d'une intelligence collective évolutive, capable de : détecter les tendances émergentes, de synchroniser des milliers d'acteurs, de servir modéliser des comportements globaux, anticiper des crises, d'optimiser les ressources et les décisions.

Ce n'est plus une société de masse, mais une société neuro-numérique, dont les synapses sont les données et les connexions humaines.

Les éthiques nécessaires : préserver l'humain dans le code

Pour que cette numérisation soit un progrès, elle doit être accompagnée d'un ensemble de principes fondateurs, équivalents aux règles biologiques qui protègent la vie : Respect de la vie privée la Protection des données La Transparence des algorithmes Maintien d'un espace non-numérique de liberté L'éloge de la numérisation n'est complet que lorsqu'elle reste un outil au service de l'humain, Il faut aller vers une dimension supplémentaire la numérisation fait la chasse aux comportements de triche endémique aux passes droits mais aussi le recours facile au fait religieux comme preuve des bonne fois.

La numérisation comme antidote aux ruses sociales et aux passe-droits

Dans nombre de sociétés, particulièrement celles où l'État de droit demeure fragile, les relations sociales sont souvent traversées par des stratégies de contournement : la triche endémique, les passe-droits, la logique d'intercession personnelle, le renvoi d'ascenseur, et parfois le refuge dans l'argument religieux pour sanctifier des comportements opportunistes. Cette économie de la faveur et de la ruse repose sur l'opacité : ce que l'on ne voit pas, ce qui n'est pas écrit, ce qui est «entre nous», devient la vraie loi qui concurrence la loi officielle. Or, la numérisation introduit une rupture profonde.

La traçabilité doit être vue comme fin de l'opacité Le numérique rend chaque acte : visible,, archivable,, comparé,, mesuré. La triche perd son principal atout : l'invisibilité. Le passe-droit perd son habitat : l'arbitraire silencieux. La transaction devient un objet quantifiable. La décision devient un code et non une faveur. Le religieux cesse d'être un prétexte car la vérité, enregistrée, n'a plus besoin de serment pour exister.

Le numérique comme égalisateur social

Lorsque les procédures sont papier, informelles ou orales, elles sont négociables. Lorsque les procédures sont codées, horodatées, automatisées : elles deviennent non négociables.

Ainsi, la numérisation déclenche une révolution silencieuse : elle remplace l'intercession par la procédure, le «qui tu connais» par le «où tu cliques». Dans les sociétés où le facteur religieux sert parfois à légitimer des comportements arbitraires, le numérique impose un critère laïque universel : la trace. La piété feinte ne peut plus masquer une irrégularité inscrite dans le système.

Une morale de la preuve plutôt qu'une morale du discours

Les sociétés où l'on compense les écarts par des justifications morales ou religieuses découvrent avec le numérique une nouvelle éthique : celle de la preuve, non du discours.

Le numérique réintroduit une forme de rigueur :»Tu as respecté la règle ou tu l'as transgressée.» L'ère des arguments performatifs («je jure», «c'était involontaire») s'estompe. La société gagne, en structure en rationalité et en crédibilité.

Pourquoi le numérique se heurte à des résistances ?

Justement parce qu'il dérange un écosystème de ruses qui fonctionnait comme un ADN informel de la société : Informalité des transactions, Logiques clientélistes, Zones d'opacité économique, Justifications morales prêtes-à-porter La numérisation ne se déploie pas lentement par manque de technologie, mais parce qu'elle met à nu des comportements que beaucoup préfèrent garder dans l'ombre.

Le numérique comme refondation morale

En traquant l'irrégularité, la fraude, le mensonge social et les prétextes religieux utilisés pour les couvrir, la numérisation prépare une moralité de civilisation, non une moralité de façade.

Elle crée : un droit égalitaire, un espace de vérité partagée, une rigueur qui protège le faible contre le fort, une transparence que même le discours sacré ne peut détourner. Elle ramène la société à un principe simple : le juste est ce qui est vérifiable.

Renforcement de l'État de droit grâce à la numérisation des régulations, il est crucial de sensibiliser la population aux avantages d'une culture numérique éthique La numérisation permet aussi de renforcer les institutions publiques et d'assurer qu'elles puissent être surveillées et contrôlées. Lancer une plateforme en ligne pour la déclaration des impôts permet de lutter contre l'évasion fiscale, et cette transparence force aussi les gouvernements à rendre des comptes Lutte contre la corruption : Un système de réclamation numérique et de signalement en ligne des abus permet à la population de signaler les actes de corruption ou d'abus de pouvoir plus facilement, avec l'assurance que leur plainte sera traitée de manière transparente. .

La nécessaire formation

Il est aussi nécessaire de former les citoyens et les entreprises à utiliser les outils numériques de manière responsable et sécurisée. Promouvoir des campagnes pour l'éthique numérique, notamment en matière de protection des données personnelles, de transactions transparentes et de respect des régulations.

Des initiatives comme des ateliers de formation sur l'usage des plateformes numériques, des cours d'éducation à la sécurité numérique, ou des sensibilisations à la lutte contre la corruption peuvent avoir un impact à long terme. il est nécessaire de déployer des solutions d'infrastructure adaptées et de repenser la digitalisation de manière inclusive comme assurer une couverture Internet mobile dans les zones rurales pour que la numérisation puisse déployer graduellement d'une façon pleine et entière .

Conclusion :

Vers une anthropologie du lien numérique

La numérisation représente une opportunité clé pour rompre avec l'informalité économique et les pratiques douteuses qui gangrènent le bon fonctionnement de l'État. Cependant, cela nécessite une approche systématique et inclusive, de manière à ce que les citoyens, les entreprises et l'État puissent tirer pleinement parti de la transparence, de la traçabilité et de la simplification des processus. Ce n'est qu'en plaçant la numérisation au cœur de la stratégie de développement économique que les pratiques de tricherie et les failles dans le système économique pourront être réduites de manière significative.

La numérisation peut être perçue comme une simple modernisation. Mais elle est en réalité une révolution un monde où les interactions, les solidarités, les engagements sont inscrits dans un code relationnel nouveau, aussi structurant pour les sociétés que l'ADN l'est pour la vie biologique. Elle ouvre la voie à une société plus consciente, plus cohérente, plus transparente pourvu que l'homme reste le maître de son propre code.

La numérisation est une révolution culturelle qui assainit les comportements, démantèle les refuges d'opacité et neutralise les manipulations symboliques, y compris religieuses. Elle transforme une société de ruses en société de preuves, une société d'intercession en société de droits, une société de discours en société de faits. C'est à cette condition que l'Algérie émergera et maitrisera réellement den destin financer économique éducatif, technologique et plus largement sa vision de la rationalité dans tout les domaines ou l'inflation fleurit. Le citoyen devient responsable de ses actes et de ses déclarations.

*Professeur - Sénateur TP - Ancien ministre