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Les sept plaies du football algérien !

par Cherif Ali

Voilà des années que le foot offre le spectacle de dirigeants gâteux et corrompus, de joueurs analphabètes et mégalomanes, de supporteurs abrutis et violents. Il est devenu le symbole achevé de la société capitaliste moderne dans ce qu'elle a de dégénéré, combinant le fric, la triche et la dope (1).

Le jeu en lui-même, faut-il le dire, n'est pour rien dans ces critiques : se mettre à 11 contre 11 pour envoyer un ballon rond dans la cage adverse, sans se servir de ses mains est de prime abord aisé, voire amusant, pour ceux qui pratiquent ce sport et ceux qui, dans les tribunes, les regardent faire, avec quelque plaisir. C'est cela, en fait, qui faisait le succès planétaire du football et qui était dû à la simplicité des règles et au naturel des gestes qu'il requiert et qui en fait un miroir de la modernité et de l'exemplarité en sport.

Aujourd'hui, tout cela a changé dans nos contrées ici-bas. Regardez par exemple notre championnat dit de « Ligue 1 Mobilis » qui vient de s'achever avec toutes ses incongruités : 34 matchs disputés à huis-clos, l'équipe possédant la meilleure attaque et, partant, le meilleur buteur convoité par tant de clubs étrangers, rétrograde en ligue 2, et en même temps s'apprête à disputer, paradoxalement, une phase finale de poules de la Ligue des champions d'Afrique ; le club champion de l'année passée qui n'a dû son salut qu'à l'ultime journée de championnat où il a battu, in extremis, une équipe moribonde. Cette dernière aura, en définitive et en peine perdue, gaspillé 22 milliards de dinars en salaires de joueurs pour se retrouver enfin de compte au purgatoire ! Et ce n'est pas fini pour autant : des clubs aux gros budgets, financés par une toute aussi « grosse » entreprise, ont « offert » au public qui daigne fréquenter encore les stades, un spectacle aussi navrant qu'ahurissant, de selfies et de congratulations de joueurs, ravis d'avoir réussi à « assurer » le maintien ! La tricherie, la corruption et le mauvais arbitrage ont exacerbé la violence dans les stades. Certaines de ses enceintes sportives se sont malheureusement transformées en mouroir (rappelons-nous le drame du stade du 5-Juillet) et la mauvaise gestion des clubs a fait le reste. La faute à la FAF, peut-être bien ! La faute aussi aux clubs des grosses têtes et des petites cervelles, des dirigeants girouettes et des supporters voyous et dégénérés, pour certains, par l'abus d'alcool et autres substances prohibées ! La faute également à tous ces présidents qui s'accrochent à leur « fauteuil », refusent l'alternance et font fi du « cahier des charge du football professionnel » qui leur est pourtant opposable !

Toutes ces personnes sont coupables ! Un seul, cependant, a payé pour cette « bérézina » et en particulier, l'échec de l'organisation de la CAN qu'on lui a attribuée pour de vraies ou fausses raisons : l'ex- ministre Tahmi. Ce n'est ni juste ni suffisant de l'avis de tous les observateurs du monde sportif. Le football algérien est bien malade, et la saison qui s'annonce s'ouvre déjà sur un « mercato » qui promet d'être des plus extravagants en termes financiers, nonobstant la politique de plafonnement des salaires (qui aura vécue) préconisée par le patron de la FAF et le président de la Ligue de football ! C'est d'ailleurs, l'une des sept plaies qui frappent le sport roi !

1-L'argent : c'est lui qui donne tout, qui explique tout, qui corrompt tout ! De jeunes Algériens brillants qui pourraient s'élever au sommet de leur discipline : en physique, en chimie, en médecine, à qui le pays refuse de donner un poste en rapport, doivent s'exiler à l'étranger pour travailler et vivre. Pendant ce temps-là, tel joueur gagne plus de 400 millions net/mois. Sans compter les primes et autres dessous de table, a affirmé Yazid Ouahib dans un excellent dossier publié dans El Watan. Résultat ? Le football, local du moins, a cessé d'être un jeu pour devenir un business et ce n'est pas le président de la JSK qui va dire le contraire, lui qui vient d'accuser ses détracteurs qui envisagent de « marcher » dans la ville des Genêts le 16 courant, d'en avoir « goulûment » profité, grâce à ses appuis, en matière de « camions-voitures-logements et locaux commerciaux ». Il les a traités d'ingrats et a menacé de recourir, lui-même, à la « rue » pour les disqualifier ! Gageons que le fraîchement nommé ministre de l'Intérieur, le sympathique Noureddine Bedoui, saura se montrer ferme devant ce qui s'apparente à une dangereuse « surenchère ».

2-La violence : conséquence, elle est partout ! Dans les stades et aux abords des enceintes du football. Toute manifestation sportive est désormais considérée non comme une fête de la détente, de l'amitié, mais comme une manifestation à haut risque qui demande une protection « policière ». Les ultras, à l'origine des affrontements et des débordements ne s'en cachent pas : le foot n'est qu'un prétexte à la « baston » et les insultes contre les joueurs fusent, y compris lors des entraînements.

3-La haine : il n'y a pas de bonne guerre sans la détestation irrationnelle de l'ennemi. Voyez la « gueule » de certains supporteurs ; détaillez ces faciès défigurés, convulsés par la haine de ceux d'en face ! Un « classico » comme on dit est désormais inconcevable sans haute protection policière. C'est aussi un cauchemar pour les familles riveraines des stades accueillant ce type de rencontre.

4-Le chauvinisme : il s'est, longtemps alimenté à l'esprit de clocher, c'est-à-dire à l'idée saugrenue de la supériorité des natifs du lieu sur ceux d'à côté. En fait, non, on n'a pas éradiqué la bêtise, on l'a même mondialisée avec la détestation des joueurs subsahariens qui subissent le racisme et les quolibets à chaque rencontre?et y laissent parfois leur vie (Ebossé) !

5-Le dopage : la recherche effrénée du résultat, l'accélération des matchs ont transformé les joueurs en bêtes de somme exploitables à merci. Et ces derniers, entre deux blessures, ne tiennent que par les anabolisants voire la drogue. S'il y a si peu de cas avérés dans le football algérien, c'est qu'on se garde bien d'y voir, disent les spécialistes.

6-La triche : tout le monde du sport en a parlé ! Le championnat de Ligues 1 et 2 aura fait date en la matière. Des joueurs qui lèvent le pied, des dirigeants qui soudoient des arbitres ou tentent de le faire, la presse en a fait ses manchettes ! Le couvercle à peine levé a aussitôt été refermé et le championnat, aussi ! Unique dans les annales du football mondial : dans le championnat algérien, une équipe pouvait aussi bien rétrograder que postuler au podium en alignant deux victoires de suite ou deux défaites consécutives ! Notons à ce propos l'initiative de ces amoureux du ballon rond qui se sont réunis au sein de ce qu'ils ont appelé l' « Académie algérienne anti-corruption sportive » à Constantine et le communiqué qu'ils ont publié à cet effet pour appeler « à mettre fin aux pratiques de corruption des joueurs, arbitres et dirigeants, à stopper les arrangements de matchs en fin de saison, facteur déclenchant de la violence dans les stades ». Une prise de conscience qui est la bienvenue pour dire que le mal est profond.

7-L'imposture : avec les contrats à prix d'or signés avec des joueurs tout juste moyens, il faut dire que l'amour des couleurs n'est pas pris en compte dans ce genre de tractations, ni par les uns ni par les autres ! Il y a aussi ces entraineurs étrangers, en errance, qui viennent profiter d'un système qui fait fuir le produit de l'ISTS qui s'en va monnayer ses compétences dans les pays du Golfe ! Et les dirigeants ne sont pas en reste, eux qui utilisent le foot pour leurs « affaires » ou comme tremplin politique. Il faut poursuivre ce qui ne marche pas et si possible faire pire, semblent nous dire tous ces imposteurs nichés dans les instances du foot et les clubs. Ces gens sont malheureusement les seuls que l'on écoute en haut lieu, alors que tant de voix iconoclastes poussent des cris d'alarme.

Le foot, le foot, a dit Guy Bedos ? qui ne connait pas ce sketch où le fantaisiste français se moque, gentiment et avec beaucoup de talent, de ce sport roi, contrairement à ce Chems-Eddine, prêcheur cathodique algérien qui, répondant à la question d'un gardien de nuit qui avouait qu'il lui arrivait de dormir au travail, le rassura avec ces mots : « dors comme tu veux, le joueur qui ne devait garder lui qu'une simple cage de football de 5 mètres ne l'a pas fait alors qu'il touche plus de 100 fois ton salaire ! » (2).

Décidément, l'image du sport roi est au plus bas !

Renvois :

(1) FIFA, le veau d'or est toujours debout (Marianne.net).

(2) Propos rapportés par le professeur Chitour.