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L'impasse en signes codés !

par Slemnia Bendaoud

Ne pouvant tout naturellement encore croire aux nombreux bienfaits induits par l'invention de la roue, l'Algérie, comme toujours, continue à tourner en rond. Tournant bien souvent le dos à la science. Et pour caricaturer son acte, elle s'inscrit durablement dans l'infernal mouvement d'une Noria.

Faute de produire une quelconque énergie liée au mouvement de la roue, ses godets, en perpétuelle rotation dans le vide sidéral, ne font malheureusement que brasser inutilement, à longueur de temps, de l'air qui ne servira à rien.

Au lieu de faire remonter en surface ces eaux souterraines dont a vraiment besoin l'économie de son agriculture, ces seaux solidement suspendus à une chaîne dont la rotation s'effectue en cycle fermé, ne font par conséquent que ces va-et-vient continus qui ne profiteront jamais au développement du pays.

C'est donc ce rythme-là qui est imprimé depuis toujours et encore à l'Algérie. Il s'agit d'une impasse aux signes codés !

Son énigme réside dans le sens à donner à certaines expressions propres au lexique d'un Parti-Etat qui refuse manifestement à sa manière le changement : celui de se régénérer, de se métamorphoser, de se projeter dans le futur, de s'inscrire dans une logique que lui impose l'actualité, la modernité?

Ainsi, depuis la nuit des temps, ce vieux parti se trémousse dans le tumulte de ses dangereuses secousses et se ressource dans le tumulus de ses très vieilles pirouettes, cherchant à coup d'inutiles pichenettes à plutôt s'adapter à la nouvelle situation sans avoir à vraiment opérer le moindre changement notable. À la fois dans sa stratégie de garder pour longtemps encore la main basse sur les épaisses liasses des nombreuses richesses du pays, mais aussi dans sa quête de paraître tel le véritable sauveur d'un navire qui chavire au moindre coup de vent fatal à une république qui se complique l'existence pour indéniablement marquer sa déliquescence et absence sur la scène du progrès et de la modernité.

A force d'hésiter à prendre le bon chemin, de jouer franc-jeu, de vraiment composer avec tous les acteurs de la société, le pouvoir en place fait du surplace, changeant de face, d'interface, usant à profusion de cette inutile ruse qui aura fini par éroder le peuple et, à terme, l'éloigner complètement de tout intéressement à la vie politique du pays. Du mouvement propre à la Noria, il en tire d'ailleurs l'essentiel de son action, marche, démarche, programme, évolution, afin de durablement maintenir le peuple dans cette illusion d'un probable changement que produit cette entreprise de brasser du vent dont la rotation continue peut parfois provoquer l'effet d'un potentiel ou hypothétique espoir qui se profile à l'horizon. Tous habitués à cet infernal mouvement de rotation mécanique de ce traditionnel engin, vieux comme l'est le temps, ses gouvernants n'y perdent cependant jamais la tête, sachant habilement négocier sinon carrément esquiver ou maquiller les éventuels couacs, possibles accros, difficiles virages, souterrains clivages. Ils s'y prennent en toute lucidité, s'y promènent en toute tranquillité, s'y aventurent en toute propriété, s'y comportent en totale conformité, s'y dressent en éternelle impunité ?

De ce refrain de bruit répétitif qui s'effectue totalement dans le vide, ils ont appris les rudiments éléments qui constituent dans leur forme et aspect naturels ce sens giratoire obligatoire à imprimer à la nation et à son peuple.

Ce sens giratoire obligatoire, astucieusement puisé dans le fameux répertoire du code de la route, constitue donc leur véritable feuille de route ! Et tout avis contraire ou courant politique différent trouvera, dressé en face de lui telle une longiligne sentinelle, ce panneau du sens interdit afin de bloquer son initiative, annihiler ses tentatives et anéantir son impact sur le devenir de la société et du pays. Le lexique dominant de ce « sens giratoire obligatoire de la politique algérienne » qui renvoie sine die au mouvement ancien de la Noria, s'appuie essentiellement sur des terminologies en rapport avec les pratiques de l'atermoiement, le renvoi à plus tard, le stand-by, le « wait and see », le différé, l'énigmatique, le statique, l'immobilité tranquillisante, le statu quo subtil, le versatile délirant, le ridicule ahurissant ?

On est donc passé maître dans ces formules innovantes qui laissent les choses en l'état (en leur état), conférant aux institutions de l'Etat cette rusée léthargie qui aura tout le temps triomphé de la volonté d'améliorer la situation du pays, et cloué au pilori toutes les tentatives de remédier à son sort, désormais déliquescent et complètement évanescent.

Mais à force « d'enfoncer » ou de « forcer » tout ce beau monde-là à emprunter l'unique voie de ce « sens giratoire obligatoire imprimé à notre politique », sinon de lui coller cette étiquette osée de brûler ou de se trouver volontairement roulant en sens inverse et donc en « sens interdit », ne finit-on pas par fourvoyer ou envoyer tout le peuple dans une véritable « impasse politique » ?

En revenant de nouveau au Parti-Etat, au regard de tous ces changements intervenus depuis au sein de la sphère de la géopolitique, on ne fait que confirmer cette règle du retour à la case de départ à un moment où un (sur)saut qualitatif s'impose de nouveau dans notre réflexion et organisation. Notre gouvernance, ne pouvant s'accommoder ou tout naturellement composer avec les autres plaques du code de la route, cherchera-t-elle à abolir de son lexique celle de forme triangulaire qui dicte aux usagers de céder le passage ?

Tenant compte du réel danger que celle-ci représente pour elle, la proposition ne peut par conséquent que s'inscrire en droite ligne de cette logique qui aura toujours été la sienne quitte à avoir à chaque fois changer de constitution, de pilote de l'avion, de sens ou de trajectoire à notre future destination. L'impasse en signes codés, comme produit de sa léthargie ou même comme conséquence logique de sa longue ruse, n'est donc plus conçue sous la forme d'une probable éventualité. Elle est plutôt devenue cette inéluctable fatalité. Une destination irréversible !

Faute justement d'une solution concertée et vraiment étudiée ou appropriée à cette longue situation de fuite en avant savamment entretenue depuis par nos carriéristes gouvernants, grâce au mensonge et à la ruse à tous les niveau de la gouvernance de l'Etat et de la nation. Incapables de suivre la roue dans ses découvertes scientifiques et nombreux bienfaits, ils préfèrent ce mouvement de la Noria dont ils tirent toujours profit, sinon ce jeu de manège qui leur permet de jouer à tous ces beaux rôles où ils paraissent comme les plus puissants, les plus intelligents, les seuls indispensables?

Il n'y a qu'à considérer de très près ce ballet de va-et-vient au sein des hautes fonctions étatiques ou à la tête de ces partis-appareils du pouvoir pour vraiment se convaincre de cette alternance à plutôt expédier une corvée que de mener à bien une mission étatique.

A bout de force et surtout d'idée rassembleuse autour d'un idéal commun à toutes les tendances que compte la nation, le pouvoir ayant beaucoup abusé de l'instrumentalisation de l'histoire, de la révolution, de la religion ainsi que de toutes les valeurs et constantes de la nation, peine à présent à ouvrir un quelconque chantier politique capable de mobiliser autour de lui l'adhésion d'une grande partie des citoyens algériens. Il ne fait, au mieux, que comptabiliser échec après échec, dilapidant toutes ces gigantesques ressources dans des projets inconséquents ou dans des formules caduques, inopportunes, tendant toutes à soudoyer le citoyen pour, en retour, acheter la paix sociale.

A présent, le flou submerge nos esprits. Il y a de la poudre en l'air. Un coup de force n'est pas à exclure. Le resserrement des liens mutuels et des rangs au niveau des directions des deux « béquilles » du pouvoir laisse deviner ou entrevoir que l'heure du changement dans la continuité a encore une fois sonné. Un changement d'attelage devient donc imminent afin de s'assurer que l'étape suivante est déjà conquise avec force. Et tout est donc concocté de manière à ne laisser aucune place au secret de l'urne, la réduisant tout bonnement à une banale formalité d'usage purement protocolaire. Ni la chute vertigineuse des prix du brut, ni même l'énorme retard accusé face à des pays pourtant de moindre carrure et importance, ne peuvent véritablement décider cette équipe gouvernante à carrément ouvrir le jeu ou même à aller vers une pratique démocratique saine et transparente, où seule l'urne désigne « l'heureux élu » aux charges et affaires de l'Etat.

Ainsi, jour après jour, par bribes habilement distillées, insinuations insidieusement maquillées et informations au timing parcimonieusement calculé, des flashs codés sont donc jetés à titre de ballons de sonde via des canaux spécialisés à la face d'une foule politique bigarrée et d'un peuple depuis longtemps égaré, à l'effet de scruter de très près une opinion nationale plutôt inerte, ayant en grande partie déjà déserté une arène politique devenue de plus en plus hypocrite et des plus insolites.

Il est quasiment ridicule de demander de la magie à une gouvernance qui manque d'objectivité, d'âme et de stratégie, puisque ne partageant pas les mêmes valeurs et préoccupations que le petit peuple. Cependant, à vouloir oser ce scénario qui consiste à revenir à ces années de plomb, ne risque-t-on pas de rééditer celui plutôt très dangereux de ces années de braise, ayant tout naturellement débouché sur cette décennie noire ou rouge, aux couleurs de la fumée qui aura tout détruit de nos ressources matérielles et de ce sang innocent qui ne cesse manifestement de couler sur cette terre de grands sacrifices, au seul profit de cette liberté non encore complètement recouvrée ?