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Depuis son indépendance, l'Algérie
fait face à des défis urbains et architecturaux croissants, marqués par une
dégradation progressive de ses villes. Ces difficultés découlent de pratiques
inadéquates et d'un manque de rigueur dans la planification, rendant les
espaces urbains peu attractifs, mal aménagés et déficients en dynamisme,
socio-économique, esthétique et bien-être.
La réponse à ces besoins cruciaux reste insuffisante, impactant négativement la qualité de vie des populations et l'image des environnements urbains. Les tentatives d'amélioration de l'architecture et de l'urbanisme se révèlent largement inefficaces face à l'ampleur des enjeux. L'un des facteurs peut être attribué à l'affaiblissement des principes fondamentaux qui devraient normalement guider la conception des projets. Cet acte devrait reposer sur un processus de création méthodique, fondé sur l'émergence d'une idée, suivie d'une réflexion approfondie, de phases de conception et de consultations rigoureuses, menant à sa réalisation. Autrefois caractérisée par des échanges constants et des vérifications minutieuses, cette démarche a cédé la place à un désordre dans les méthodes de construction, aboutissant à des projets mal conçus et à des réalisations souvent décevantes. Le Bureau d'études joue un rôle crucial en matérialisant les souhaits et même les rêves les plus audacieux d'un client, qu'il soit privé ou public. Pour y parvenir, il doit mobiliser toute sa créativité afin de proposer quelque chose d'unique, qui s'harmonise parfaitement avec l'environnement et répond aux exigences spécifiques du lieu, aux attentes des utilisateurs, ainsi qu'aux aspirations contemporaines en matière de technologie et de tendances, tout en respectant les héritages traditionnels. Au sein de son bureau, il est essentiel de maîtriser à la fois l'art et la technique, d'établir des principes directeurs et d'accompagner le maître d'ouvrage tout au long du projet. Ainsi, le Bureau d'études est destiné à peaufiner l'œuvre, en prévenant les erreurs susceptibles d'être commises par les entrepreneurs, les maçons, les artisans, ou les ouvriers sur les chantiers. L'approche de la création architecturale et urbanistique s'apparente à une chaîne de tâches interconnectées, où l'importance de chaque élément est fondamentale. L'affaiblissement ou la disparition de maillons essentiels compromet sévèrement la qualité de ces organisations. L'absence de réflexions approfondies, de dialogues constructifs et de vérifications minutieuses dès le stade de conception contribue notablement à ce déclin. Aujourd'hui, le concepteur, dans la majorité des cas, présente un jeu de dessins qui ressemble davantage à un avant-projet qu'à un projet travaillé. Dans ce bouleversement, on observe la disparition du Dossier de Consultation des Entreprises (DCE), outil essentiel où le maître d'œuvre discute avec les entreprises, elles-mêmes soutenues par des bureaux d'études spécialisés. Cela témoigne de l'absence d'un autre jeu de plan final supplémentaire comprenant tous les détails nécessaires à la réalisation, notamment le Plan d'exécution pour tous les corps d'état, ainsi qu'un Cahier des charges exhaustif permettant d'éclairer les spécifications requises pour la concrétisation de l'ouvrage. Cette carence contribue à éviter des erreurs monumentales sur les chantiers. Malgré les avantages offerts par le Building Information Modeling (BIM), qui vise à optimiser la collaboration entre le bureau d'études du concepteur et ceux des entreprises de construction, un obstacle majeur persiste : parfois, les entreprises n'ont même pas de bureau d'études propre. Cette lacune entrave sérieusement la coordination et l'intégration efficaces des différentes phases de conception et de construction, compromettant la qualité finale des projets. À la source de ce désordre en Algérie, une crise idéologique et éducative profonde se dessine. Les critiques s'orientent vers les programmes d'enseignement pour leur incohérence et le manque de professeurs qualifiés, conduisant à la formation de diplômés inadaptés aux défis contemporains. L'attachement à des approches démodées et le décalage avec les besoins actuels du pays révèlent une absence criante d'innovation pédagogique. Ces étapes de la conception évoquées sont omises dans la formation des étudiants, compromettant ainsi leur capacité à aborder efficacement les défis réels de l'architecture et de l'urbanisme sur le terrain. Cette problématique est exacerbée par des conférences et séminaires qui se contentent de recycler des idées sans apporter de réelles nouveautés. La carence en publications avant-gardistes, conjuguée à une couverture médiatique insuffisante des thématiques architecturales et urbanistiques, marque un déficit de créativité. Plus encore, l'absence d'une identité académique distinctement algérienne dans ces secteurs est manifeste, limitant le développement d'une élite en mesure d'articuler une vision urbaine adaptée aux spécificités nationales. Il devient alors évident que la tendance à écarter le rôle du concepteur et du bureau d'études, voire à centraliser l'acte de conception au sein d'une entité nationale, impacte lourdement tous les projets d'urbanisme. Cette approche globale s'applique tant aux vastes projets de déploiement de la fibre optique, à la rénovation des rues et espaces urbains, qu'aux rénovations et restaurations mal exécutées, toutes réalisées sans plans détaillés ni expertise de bureaux d'études. Les extensions urbaines, qu'elles prennent place dans le désert ou le littoral, adoptent un schéma constructif uniforme, sans considération pour la diversité des contextes locaux, de Annaba à Oran, y compris dans les nouvelles villes comme Boughezoul ou la ville intelligente de Sidi Abdallah, résultant en un clonage marqué par des défauts considérables. À ces erreurs de construction s'ajoute un manque flagrant de professionnalisme, traduisant une perte de compétences techniques et une indifférence aux normes de sécurité et d'organisation sur les chantiers. Cette situation révèle non seulement une standardisation regrettable mais aussi une dégradation des normes de construction, intensifiant les risques et compromettant la qualité de vie urbaine. Face aux multiples défis urbains et architecturaux en Algérie, aggravés par des processus de conception et de réalisation défaillants, il n'est guère surprenant que le secteur soit en proie à divers phénomènes parasites. Une régulation inefficace, le manque de surveillance, et une mise en application défaillante des politiques encouragent bureaucratie, corruption, et népotisme, nuisant à la qualité et à l'intégrité des projets urbains. Ces enjeux sont redoublés par des retards de construction qui, ironiquement, nourrissent la spéculation immobilière et intensifient une crise du logement. L'omission d'intégrer la protection environnementale dans le développement amplifie l'impact sur les écosystèmes et la vie des communautés. L'écart entre les infrastructures et les besoins réels diminue la qualité de vie, avec des conséquences allant de la mobilité limitée à un accès restreint aux services, isolant des zones entières. La persistance de méthodes obsolètes freine le progrès et perpétue des inefficacités. Une gestion désorganisée de l'urbanisation conduit à une exploitation inappropriée de l'espace et à la prolifération de quartiers sous-équipés. Le manque d'efforts en éducation et en sensibilisation culturelle autorise une réappropriation individuelle de l'espace urbain, entraînant une dégradation visuelle et fonctionnelle des villes et révélant une planification et une gestion urbaines incohérentes. Cette situation complexe dans le domaine de l'urbanisme et de l'architecture en Algérie, marquée par une série de défis structurels et opérationnels, ne doit pas être vue comme une impasse, mais plutôt comme une opportunité cruciale de transformation. Reconnaître les problèmes existants est une étape fondamentale vers une amélioration durable, exigeant une réévaluation approfondie de nos approches et l'intégration d'un savoir-faire aligné sur les normes internationales, tout en valorisant nos spécificités culturelles et environnementales. Une gouvernance urbaine renforcée, axée sur la transparence et la collaboration entre les diverses parties prenantes, est essentielle pour assurer le succès des projets d'urbanisme. Il est vital de mettre en place des mécanismes de contrôle efficaces pour s'assurer que chaque initiative contribue positivement à l'amélioration de notre cadre de vie. De plus, il est impératif d'élever la conscience publique sur l'importance de l'architecture et de l'urbanisme dans l'amélioration quotidienne de la qualité de vie, stimulant ainsi une participation active de la communauté dans les processus décisionnels et la conception des espaces urbains. Au cœur de cette transformation doit se trouver une réforme profonde du système éducatif, englobant tous les niveaux de formation, de l'enseignement universitaire aux compétences techniques du maçon. L'émergence d'une vision algérienne distincte en architecture et urbanisme, appuyée par le développement d'une école nationale dédiée, est cruciale. Cette réforme vise à forger une élite visionnaire, capable d'initier des projets innovants et d'offrir des conseils éclairés aux décideurs et aux acteurs sur le terrain. Seule une telle approche holistique, combinant améliorations gouvernementales, engagement civique et excellence éducative, permettra de construire des villes algériennes plus dynamiques, inclusives et esthétiquement enrichissantes, marquant ainsi le début d'une ère nouvelle dans la planification urbaine et architecturale du pays. *Architecte, Urban - Designer, Éditeur |
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