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Rebrab - Hafsi : «yes, you can !»

par Belkacem AHCENE DJABALLAH

On achète un ouvrage biographique pour découvrir un homme, une vie, une aventure? et l'on «découvre» un autre personnage, que l'on ne s'attendait pas à voir occuper une si grande place en si peu de pages : l'auteur. Ça, c'est du management éditorial digne des plus grandes Ecoles canadiennes de management ou je ne m'y connais pas !

L'ouvrage, c'est Issad Rebrab, voir grand, commencer petit et aller vite (sorte de slogan emprunté à celui destiné aux athlètes des Jeux olympiques, plus haut, plus vite, plus fort) publié récemment? et écrit par le Professeur Taieb Hafsi, un universitaire algéro -canadien, ingénieur en génie chimique mais spécialiste reconnu en management stratégique.

Isaad Rebrab n'est plus à présenter? que ce soit dans l'industrie et ses ateliers, la banque et ses agences, l'administration et ses bureaux, les salons des grands hôtels d'Algérie et ceux des grands palaces du monde, depuis un certain temps, les champs de tomates et les serres de fraise? mais aussi dans toutes les chaumières du pays, les épiceries et les grandes supérettes, les bureaux de tabac, les villas et les bidonvilles du pays. Une véritable et incroyable «success story» qui baigne dans les produits industriels, dans le sucre et la margarine, l'huile et l'eau minérale, la presse et le véhicule automobile , la carrosserie industrielle, le sport (ah, non? L'expérience ayant tourné court avec le Rc Kouba dont un de ses fils fut , un moment, président)? Une grande aventure qui dure encore allant se développant pour le plus grand bien de l'économie du pays et des ménages, il faut le dire. Taieb Hafsi vous le démontre fort bien, d'ailleurs.

Issad Rebrab est un grand capitaine d'industrie qui a commencé comptable au milieu des années 60 ?dans le secteur public? et qui, après avoir ouvert un cabinet d'expertise comptable ?en ces temps où les gestionnaires du public ne «comptaient» pas les sous, et ceux du privé ne savaient pas les «tenir», s'occupant surtout de la comptabilité de petites entreprises artisanales et semi-industrielles privées, en 1968, a pris, par la suite, une participation (20%) dans une Sarl de soudure qui «battait de l'aile».

La suite est connue. Des hauts et des bas, des réussites et des coups bas. Des coups qui auraient mis à terre définitivement bien des entrepreneurs. Des coups venant de tous côtés : bureaucratie, harcèlement administratif, menaces politiques et chantages, blocages, terrorismes (dont l'islamiste qui a failli le ruiner), marchés impénétrables car déjà «occupés», concurrents dépités et rancuniers et incompréhension d'Etat se mêlant et/ou relayant. Et, pour finir, la valse-hésitation gouvernementale continuelle en matière de réformes économiques rendant peu visible et pas lisible du tout le paysage économique du pays.

Issad Rebrab est un grand capitaine d'industrie qui, malgré tout, a su «mener sa barque» là où il voulait sans renier ses principes, sans s'éloigner de sa famille et de sa culture, sans oublier les intérêts fondamentaux du pays. Un grand capitaine que l'on nous envie. Que Dieu lui prête longue vie ainsi qu'à ses héritiers et accroisse sa fortune? et qu'il fasse tout pour maintenir ses produits à des prix de vente publics à la portée des bourses petites et moyennes. Bien !

Ce qui est extrêmement gênant dans l'ouvrage, c'est cette tendance assez prononcée de l'auteur à multiplier des analyses et des commentaires sur une réussite économique uniquement centrée sur l' «entrepreneur» et sur le libéralisme économique le plus... libre. Du western-economy ! Ensuite, c'est cette propension que l'on retrouve chez beaucoup de nos cadres des années 70 (et 80, en pire, la rancune aidant ) à tout mettre «sur le dos» du système politique de l'époque. Comme si Boumediène et Chadli, tout seuls, avaient «inventé» l'industrie industrialisante puis la GSE puis le PAP puis la dette extérieure, puis la corruption, puis? Alors que les «piliers» des deux régimes (comme pour ceux qui ont suivi, dailleurs), le premier comme le second , ont été des cadres gestionnaires aujourd'hui sexagénaires ou plus ou un peu moins? qui ne veulent faire aucun acte de repentance, rendant encore plus difficile l'élaboration d'une philosophie économique (libérale, cela s'entend, car on ne peut plus y échapper ; humaine à défaut d'être sociale, car on ne peut se départir de notre passé récent et des habitudes acquises) adaptée, n'arrivant pas à se dégager de cette satanée serial-economy : «Une sorte de positionnement bâtard entre centralisme étatique et libéralisme tôt apparu avec le clientélisme» selon un autre spécialiste de l'économie algérienne et du management, le Professeur Omar Aktouf, un autre algéro-canadien, «ami» de T. Hafsi (Note : il s'en est pris, fin octobre 2011, à «l'américanisme du think tank algérien pour l'entreprise» initié par des chefs d'entreprises algériens . Voir synthèse de Samy Injar, parue dans Le Quotidien d'Oran du mardi 1er novembre 2011, p 13) . Des va-et ?vient, au rythme des changements de décideurs , avec cette impression de déjà vu, qui donnent le tournis aux investisseurs, les nationaux comme les étrangers, les partenaires amis comme les ennemis intimes.

Cependant, et au final, on ne peut qu'être d'accord avec l'auteur. Ce livre - à lire absolument - est «triste et joyeux» :

«C'est une grande tristesse de voir que des Algériens sont empêchés par leur Etat de construire leur pays, avec des décisions formelles prises déconnectées de la réalité (?)

Mais ce livre est aussi joyeux et plein d'espoir, car on y voit comment un entrepreneur déterminé est capable de construire des merveilles, malgré?»

Taieb Hafsi : Isaad Rebrab, Voir grand, comment commencer petit et aller vite. Casbah Editions, Alger 2012 . 390 pages, 950 dinars.

Avis : Fortement conseillé aux entrepreneurs des Tpe - Pme-Pmi. Par ailleurs, il fourmille de «révélations» : par ces temps de réchauffement climatique, on se contente de la partie émergée des icebergs. Le reste viendra seul... plus tard.