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L'implacable mise au placard

par Kharroubi Habib



Evincé du gouvernement, puis peu après confronté au sein du RND qu'il préside à un mouvement de fronde revendiquant sa destitution en tant que secrétaire général du parti, Ouyahia n'est pas naïf pour ne pas avoir compris que ces deux faits étaient liés et destinés à lui signifier son lâchage politique par les cercles du pouvoir qui l'ont jusque-là protégé et encouragé à se croire investi d'un destin national.

De ces messages, il a tiré la conclusion qu'à vouloir s'accrocher à son poste de « patron » du RND, il irait au-devant « d'ennuis » qui lui fermeraient définitivement l'éventuelle possibilité de son retour un jour en grâce auprès de ces cercles du pouvoir. D'où son annonce jeudi qu'il démissionne de son poste de secrétaire général du RND. Il est vrai qu'en n'imitant pas le pitoyable exemple de Belkhadem qui s'est totalement discrédité en s'accrochant à son siège alors que sachant qu'il en sera tôt ou tard éjecté, Ahmed Ouyahia peut donner l'impression de partir avec « honneur » et même d'avoir préservé ses chances d'un futur politique personnel.

En « soignant » sa sortie, le désormais ex-secrétaire général a en tout cas ouvert la voie à toutes les supputations. Pour ceux qui le pensent « indéboulonnable », sa démission se décrypte comme un repli tactique qu'il aurait décidé d'opérer pour se consacrer libre de toute attache partisane à préparer la seule échéance qui compte pour lui, celle de l'élection présidentielle de 2014. Lecture à laquelle se refusent ceux qui ont toujours refusé à Ouyahia la stature d'un homme politique et d'Etat en capacité de faire face aux épreuves quand l'abandonnent les soutiens qui ont veillé sur la progression de sa montée en puissance dans la hiérarchie du pouvoir. Pour eux, sa démission est conforme à sa véritable nature, celle d'une « marionnette » qui a cessé de s'agiter dès lors qu'elle n'est plus animée par les mains qui la faisaient s'agiter.

Cette seconde appréciation sur la démission d'Ouyahia est plus plausible car conforme à la réalité politique nationale. Le devant de la scène politique en Algérie a toujours été peuplé de marionnettes dont les gesticulations permettent au véritable pouvoir de cacher au peuple ses véritables desseins lorsqu'il est question d'opter en son sein pour des successions. C'est une échéance du genre que prépare ce pouvoir. Ouyahia a eu le « tort » de se croire un acteur agissant dans les manœuvres qui vont déterminer le choix du type de succession pour lequel optera le pouvoir et surtout d'avoir ouvertement posé sa candidature. Dans le système politique algérien, cette prétention est un crime de « lèse-majesté » dont la sanction ne peut être qu'une impitoyable « mise au placard » d'où ceux qui y sont relégués n'en sortent pratiquement plus jamais.

Pour l'avoir oublié, certainement parce que ayant trop surestimé le poids des soutiens occultes qui l'ont encouragé à manifester ses ambitions, Ouyahia a péché par manque de cette lucidité dont il a été pendant longtemps crédité pourtant. Jeudi, il l'a retrouvée et c'est elle qui lui a dicté sa décision de quitter son poste de secrétaire général du RND. Lequel parti ne se mobilisera nullement pour le convaincre d'y renoncer comme l'espèrent secrètement les fidèles partisans de l'ex-Premier ministre qui s'accrochent à la fiction du renouvellement du scénario qui en 2004 avait permis à Ouyahia de reprendre le contrôle du parti après avoir donné sa démission au conseil national sous la pression de ses opposants. Cette fois la manœuvre contre lui est orchestrée de l'extérieur du RND et ne se limite pas à un « coup de semonce » lui intimant de renoncer à son ambition, mais vise à l'écarter définitivement de la course à la succession. Ouyahia l'a compris et a donné le gage qu'il n'entend pas se « rebiffer ».