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Pour un plan global de gestion des eaux pour limiter les risques d'inondation et de secheresse dans le pays: Sécheresse et inondations (Première partie)

par Ben Amara El Habib*

Changement de paradigme, l'eau de pluie n'est pas un déchet à drainer vers les égouts via les avaloirs.

C'est dans le but de proposer des solutions, d'initier des actions, mettre en valeur des expériences, vulgariser des connaissances, et promouvoir un Plan de Gestion Durable de l'eau sous ses diverses formes (pluviales, usées, souterraines...) dans l'aménagement de la parcelle au territoire de la ville, en passant par l'îlot, le quartier et l'agglomération, à l'intention de tous les publics concernés, décideurs, responsables, élus, constructeurs, promoteurs, médias, propriétaires, étudiants, architectes, ingénieurs, techniciens, mouvements associatif, que nous prenons la parole, en réponse à une actualité brûlante caractérisée par :

1. Les changements climatiques brusques, où les inondations sont chroniques; quand les ruissellements non contrôlés des eaux de pluies diluviennes, dans les zones urbaines presque totalement imperméables, deviennent des crues; et provoquent des dégâts désastreux dans leur passage.

2. La multiplication des problèmes d'approvisionnement de l'eau pour les habitants, quand les pénuries se posent avec acuité, surtout dans les villes au climat aride, où la sécheresse est récurrente. Le manque d'eau en pleine canicule pousse alors à l'émeute désespérée.

3.Les pollutions des eaux usées déversées dans les oueds, les rivières, et les mers, sans aucun traitement avec ses risques sanitaires avérés, et ses spectres d'épidémies.

A la sécheresse du milieu, la négligence humaine y ajoute la pollution du peu d'eau disponible, et la perte de beaucoup d'eau, en cas de pluies dans des crues à dégâts. Des inondations, des dégâts, et pourtant, quelques semaines plutôt, on se plaignait de la sécheresse et des pénuries d'eau.

Après chaque inondation l'on parle de nettoyage des avaloirs; solution répétée par les medias à longueur de journée, selon le parti pris du média l'on accuse soit les citoyens pour leur incivisme, soit les responsables pour la negligence et la défaillance du réseau d'assainissement. Notre position est scientifique issue de quelques années de recherche académique.

Une simple question tapée à la fenêtre du moteur de recherche «google» comment lutter contre les inondations?

Google nous donne la réponse

La lutte contre les inondations nécessite de réduire fortement les nouvelles imperméabilisations des sols et de dés-imperméabiliser certaines surfaces. Ainsi, l'eau de pluie s'infiltre là où elle tombe et va recharger les réserves souterraines, limitant le ruissellement, à l'origine d'inondations.

Les solutions visent à influer sur les conditions d'écoulement des crues et leur hydrologie pour réduire le risque d'inondation.

La correction des lits, l'emploi judicieux des barrages et la construction de digues, la protection et l'aménagement des bassins sont les principaux aspects de la lutte contre les crues.

Sept solutions pour se protéger des crues ou les limiter:

1. Repenser la ville. 2. Repenser la gestion de risque. 3. Revoir les pratiques agricoles.

4. Favoriser les zones humides. 5. Créer des bassins de rétention. 6. Améliorer la prévision scientifique. 7. Sensibiliser les populations.

Ainsi donc, l'opinion publique nationale aussi bien officielle que populaire est peut-être mal éclairée, mal informée, d'où cette contribution.

Mais d'abord, est-il normal de drainer l'eau avec tous ce que l'on pourra dire sur sa valeur vers les égouts?

Des solutions existent pourtant, pour limiter les risques d'inondations, récupérer et stocker les eaux pluviales. L'approche que l'on fait de la question des inondations nécessite un changement de paradigme:

l'eau de pluie n'est pas un déchet, pour s'en débarrasser au plus vite dans les égouts via les avaloirs, en pleine crise de disponibilité d'eau pour des millions de ménages à travers le pays. C'est une ressource, et non une nuisance.

L'eau de pluie est un trésor et doit être gérée là où elle tombe. Ce qui suit est une introduction, présentation d'autres Techniques Alternatives de gestion des eaux pluviales pratiquées dans le monde depuis un demi-siècle, et qui ne trouvent pas leur chemin dans le pays.

L'option du « tout à l'égout » est dépassée, et n'est ni efficace, ni sûre encore moins rentable.

Les avaloirs de collecte des eaux pluviales sont souvent obstrués, leur nettoyage fréquent devient problématique.

Dans les villes du Sud, à forts vents de sable leur présence est une aberration coûteuse...

L'eau ce trésor, cette bénédiction cette aménité, demandée au prix de prières et de prosternations chez les musulmans, une fois tombée du ciel, n'a pas sa place, absolument pas, dans les égouts, avec les eaux vannes. Ni l'Economie, ni l'Ethique, ni la Sécurité, ni la Santé publique ne sont épargnées par cet acte irrationnel de continuer à drainer les eaux de pluies dans les égouts.

Notre région est particulièrement sensible à ces questions. Nous prions Dieu pour qu'il donne cette eau, et nous bâtissons des villes sans que cette eau ne soit récupérée, pire nous la drainons vers les égouts.

Pourquoi d'autres pays plus riches le font, et nous ratons à chaque fois, l'occasion de profiter de cette bénédiction et continuons à la déverser dans les réseaux d'assainissement, et c'est comme si cette eau se fâche du sort qui lui est réservée avec les déchets et les saletés une fois tombée du ciel - comment ne serait elle pas vivante si elle est source de vie- elle se révolte et se venge de la schizophrénie générale et de l'accueil ingrat qui lui est destiné.

Les eaux pluviales : Une ressource inestimable, gratuite, mais méprisée en Algérie.

Les eaux pluviales sont encore considérées en Algérie comme une nuisance à éliminer de suite, et non comme une ressource précieuse, propre, gratuite, qu'on devrait au contraire récolter, gérer, exploiter, recycler et rendre purifiée à la nature ou la consommer, comme le veut la logique d'une gestion véritablement intégrée et durable digne de ce nom.

Les aménagements ont un impact, qualitatif et quantitatif sur la ressource eau et sur les risques d'inondation. L'urbanisation grandissante et la densification de l'habitat, ont entraîné une imperméabilisation croissante des terrains par les revêtements des sols. Avec l'imperméabilisation des sols, l'urbanisation a détruit le cycle naturel de l'eau.

Le ruissellement est l'écoulement temporaire de l'eau dans le tissu urbain résultat de l'incapacité des sols et des réseaux à absorber le volume de pluie à un instant donné. L'eau de pluie n'est plus absorbée par la terre, elle ruisselle, et s'écoule dans les réseaux qui ne sont pas calibrés pour de telles quantités. Ne pouvant absorber autant d'eau, les réseaux débordent et provoquent des inondations...

La solution la plus courante pour gérer les eaux de pluie qui ruissellent sur les surfaces imperméables consiste à les canaliser, d'abord dans des caniveaux, puis dans des conduites souterraines de façon à les évacuer le plus rapidement possible de la ville. Cette évacuation est faite au moyen d'un gigantesque système de tuyaux qui, très souvent, recueille également les eaux usées.

Ce mode de gestion est extrêmement coûteux en infrastructures. De plus, il occasionne des dysfonctionnements multiples : débordements des réseaux provoquant des inondations dans les centres des villes, rejets d'effluents pollués dans les milieux naturels.

Enfin, les vitesses d'écoulement sont augmentées et l'eau rejoint encore plus rapidement les rivières, ce qui accentue également les risques de les faire déborder.

Les études des ouvrages d'assainissement sont réalisées traditionnellement à la suite des études d'urbanisation, c'est-à-dire après l'adoption du plan masse.

Ces ouvrages se sont longtemps limités à des conduites sous voiries, assez facilement intégrables au projet.

Cette solution technique classique aggrave donc les dysfonctionnements produits par l'imperméabilisation des sols.

Elle transforme une ressource précieuse, l'eau de pluie, en un déchet et en une menace pour la population. Ce mode de gestion, qui répond au principe du tout-à-l'égout pour évacuer le plus loin et le plus vite possible les eaux de toute nature, montre aujourd'hui toutes ses limites.

Son principal défaut est la concentration de flux souvent chargés de polluants (particules fines, hydrocarbures, et ordures de toutes sortes). L'urbanisation et le principe du tout-à-l'égout ont des impacts néfastes évidents sur les milieux récepteurs :

? le régime hydrologique est perturbé car les eaux pluviales ne sont pas restituées dans le milieu naturel.

? Concentration des flux d'eau et de pollution. ? l'augmentation brutale des débits lors des fortes pluies entraîne la montée des eaux, en particulier à l'aval des zones urbaines.

? la fréquence des débordements vers les milieux récepteurs, est plus importante.

? l'augmentation du phénomène de ruissellement pluvial se traduit par des risques d'inondation.

Comment récupérer et profiter de l'or bleu, des eaux pluviales, cette richesse tant convoitée qui se fait rare avec la sécheresse qui sévit dans la région menacée par la désertification et les réutiliser dans l'agriculture, l'arrosage, le lavage et les toilettes?

D'abord il faut définir une stratégie globale à l'échelle du bassin versant, où il faut traiter la goutte d'eau là où elle tombe, et ne plus la renvoyer dans le réseau d'égouttage qui arrive dans les rivières.

L'accroissement de la capacité d'absorption du bassin versant réduit toujours le ruissellement superficiel et l'érosion du sol. Le maintien d'une bonne couverture végétale réduit les apports du ruissellement dans le réseau hydrographique.

Il faut, veiller à mieux inscrire les projets d'aménagement de l'espace public dans le cycle naturel de l'eau pour limiter les impacts environnementaux des eaux de ruissellement et favoriser une nouvelle culture urbaine de l'eau.

Il faut définir une nouvelle façon de concevoir, la ville, le lotissement, et le logement, avec l'eau de pluie adoptée comme ressource, et non une nuisance dont il faut se débarrasser le plus vite possible....

Gérer la pluie là où elle tombe. La goutte d'eau, doit rester là où elle tombe. La gestion « in situ » des eaux pluviales, également dite « gestion à la source », vise d'une part à maîtriser localement le ruissellement, plutôt que de reporter le problème à l'aval, et d'autre part à réduire les coûts de transport et d'évacuation des eaux pluviales. La gestion à la source a une valeur pédagogique visant à responsabiliser les gens à la maîtrise des eaux et aux inondations.

Il est toujours préférable d'agir localement à la source, et d'utiliser des méthodes simples de rétention qui favorisent le retour dans le milieu naturel ou les nappes. L'eau pluviale s'infiltre naturellement, elle recharge les nappes, alimente les sources, elle crée des zones humides et des habitats pour la faune et la flore locales. Ralentir, retenir, infiltrer, les eaux de pluies en amont de chaque bassin versant à intervalles réguliers, pour une maîtrise des crues en aval.

Entendons-nous à interdire les réseaux unitaires d'assainissement regroupant les eaux pluviales et les eaux usées. Promulguée comme principe de loi, l'on remplacera le système du tout à l'égout, par les Techniques Alternatives.

Ces Techniques sont hélas, non appliquées, car non enseignées, et non décrétées dans notre cher pays. Le fait que les techniques alternatives soient généralement superficielles et qu'elles supportent plusieurs fonctions implique une conception particulière qui remet en question celle qui est pratiquée actuellement pour les systèmes d'assainissement.

Elles demandent donc une nouvelle organisation des études et un décloisonnement des compétences, voire des métiers. Elles exigent un nouveau processus de décision, basé sur la collaboration multidisciplinaire et le consensus entre différents acteurs.

Plutôt que cette gestion « tout tuyau », qui peut aggraver les inondations, il est préférable de favoriser l'infiltration sur place et/ou ralentir les écoulements (stockage et rétention de l'eau), notamment grâce aux solutions végétalisées. Il faut urbaniser en limitant l'impact des activités humaines sur le cycle hydrique naturel de l'eau :

? Minimiser le volume de ruissellement : Aménager les espaces publics en espaces verts ou avec des revêtements dont les coefficients de ruissellement sont extrêmement faibles, voire nuls.

- Prévoir des revêtements perméables avec des coefficients de ruissellement faibles, tel que gravier, pavés drainant, etc....

- Réduire les vitesses d'écoulement des eaux de ruissellement...

- Soustraire les eaux pluviales du ruissellement par infiltration et évaporation.

-Planter des arbres pour permettre à la pluie d'être interceptée par leur feuillage et leurs racines.

- Mettre en œuvre des ouvrages qui permettent l'infiltration vers le sol des eaux de ruissellement.

Il s'agit de dépasser le schéma traditionnel de Collecte via un réseau souterrain et rejet à débit de pointe instantané, et d'opter pour un schéma Alternatif de Stockage/Restitution au milieu naturel par infiltration ou à débit régulé et différé.

Par le biais de ces contraintes de rétention et de rejet des eaux pluviales, nous pouvons engendrer un spectacle de l'eau dans la ville.

Cette approche peut réduire les coûts d'infrastructure (tuyaux et égouts, par exemple) et aider à maintenir le bilan hydrique sur le site.

Les systèmes d'infiltration rechargent les eaux souterraines, rejettent les polluants des eaux pluviales et irriguent les plantes.

Les effets positifs de ces Techniques sur l'environnement sont:

-Augmentation de la qualité de vie. Réalimentation en eau de la nappe.

- Support à la biodiversité. Amélioration de la qualité de l'air.

-Diminution des îlots de chaleur. - Réhabilitation du cycle naturel de l'eau

Il s'agit ainsi des systèmes alternatifs de gestion des eaux pluviales tels les Noues, les Fossés enherbés, les Tranchées drainantes, les Puits d'absorption, les Bassins de récupération, les Chaussées à structure réservoir, les Toitures « végétalisées », et les Citernes. Appelées Techniques Alternatives au système du tout à l'égout, ou Sustainables Urban Drainage (SUD), ou Low impact Développement (LID) ou Best Mangement Practices (BMPs) dans le monde anglo-saxon.

Les solutions de récupération des eaux de pluies pour usage domestique connaissant une prolifération dans les villes occidentales (Rain Harvesting). Un bâtiment de qualité doit récupérer et réutiliser les eaux de pluies qui tombent sur son toit et ses cours, idem pour chaque quartier...

Ces Techniques permettent de:

Systématiser l'infiltration des eaux pluviales pour préserver durablement l'alimentation des nappes souterraines et leur renouvellement.

Systématiser le retour des eaux pluviales et des eaux de drainage vers les ruisseaux pour préserver leur alimentation et la biodiversité qu'ils abritent.

Déconnecter les eaux pluviales des systèmes unitaires pour limiter les pollutions.

Favoriser l'utilisation des techniques « alternatives » utilisant le végétal et le génie écologique pour participer globalement à la construction d'une nature et d'une biodiversité renouvelée pour le territoire.

Limiter l'aggravation des risques inondations pour les habitants.

Traiter la pollution des eaux de ruissellement en favorisant l'infiltration et la rétention dans des espaces « végétalisés « au niveau plus bas (des noues).

Leur utilisation est avant tout motivée par de nombreux avantages :

? Elles tendent à diminuer les débits et les volumes d'eaux pluviales dans les réseaux existants ou vers les exutoires; permettent de limiter les phénomènes de lessivage des surfaces urbaines et donc de diminuer les charges polluantes; présentent un intérêt épuratoire important; permettent d'urbaniser, souvent à moindre coût, les zones éloignées des exutoires de surface (réseau existant, rivière...).

Le principe en est simple. Contrairement au mode de gestion du toutà-l'égout, il s'agit de « déconcentrer les flux et de favoriser l'infiltration » en redonnant aux surfaces d'écoulement un rôle régulateur. C'est par la rétention et l'infiltration des eaux de pluies ? au plus près de leur lieu de production ? que se fait cette régulation. Pour éviter tout problème, il est donc important de dépolluer les eaux de ruissellement par des procédés tels que la décantation ou la filtration.

Les Techniques Alternatives permettent la régulation des volumes et débits des ruissellements, mais aussi leur traitement.

Si favoriser la réutilisation des eaux pluviales est important, il est également essentiel de promouvoir la ré-infiltration dans les réservoirs naturels que sont les nappes souterraines. Ainsi, il est possible de désengorger les réseaux, mais aussi de respecter le cycle naturel de l'eau et de minimiser les risques sanitaires (notamment les inondations)

Un objectif de limitation des ruissellements : pour une plus grande capacité de stockage et de restitution dans le milieu naturel.

Les principes: La gestion in situ des eaux pluviales. Favoriser l'infiltration. Limiter l'imperméabilisation. Limiter le ruissellement. Réduire les volumes et débits rejetés dans le réseau et dans le milieu. Rétention / régulation avec rejet a débit limite. Favoriser l'infiltration. Limiter l'imperméabilisation.

Intégrer l'eau dans les espaces publics, et privés en améliorant le cadre de vie. L'imperméabilisation : Augmente la quantité d'eau de ruissellement; et diminue l'infiltration de l'eau dans la nappe phréatique; réduit l'évapotranspiration et engendre des ilots de chaleur.

Commençons par un vaste programme de dés-imperméabilisation: favoriser l'infiltration des eaux tout azimut. Recenser les aberrations nombreuses dans nos cités et équipements, où les conduites des eaux pluviales sont drainées vers les avaloirs, ces derniers branchés au réseau d'assainissement, alors que ces eaux de pluies doivent être drainées vers les espaces verts, qui doivent être d'un niveau plus bas, et pouvant recevoir toutes les eaux tombant dans le secteur. Idem pour les trottoirs qui doivent être équipés de structures de bio-rétention accueillant les eaux se pluie des alentours.

Pourquoi nos écoles, nos collèges, nos lycées, nos mairies, nos bâtiments publics, nos bâtiments résidentiels (bref tout ce que l'Etat construit), ne sont pas dotés d'un système de récupération des eaux pluviales tombés dans leurs toits et cours; ces eaux peuvent servir à tous les usages. Comment? par des citernes incorporés au bâtiments, ou des toits « végétalisés « ou des jardins de pluies (rain garden). (à suivre)

*Architecte. Université de Mouloud Maameri.