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Les incertitudes d'une évolution économique

par Driss El Mejdoub

Notre pays semble détenir dans le monde la place du 5ème producteur et 4ème exportateur de gaz et du 13ème producteur et 9ème exportateur de pétrole.

Cela lui vaut par ailleurs, eu égard à la place qu'occuperaient ces hydrocarbures dans la croissance, d'être un pays à économie mono industrielle (industrie des hydrocarbures) et non diversifiée. Le secteur pétrolier et gazier représente 97,3 % des exportations et 70% des recettes budgétaires. Une cinquantaine d'années d'investissements de centaines de milliards de dollars dans l'industrie ont donné en fin de parcours une économie sans cesse dépendante des hydrocarbures, non engagée sur la voie de l'émergence et sans impacte sur la compétitivité et l'influence économique mondiales ou même régionales. Aussi longtemps que le prix du baril le permettait, il est vrai que le PIB resterait marqué par une augmentation qui se situerait entre 2,5 et 4%. .Plus d'une décennie d'embellie du cours du pétrole a permis au pays de se libérer d'une manière appréciable de sa dette extérieure. Le FMI et la banque mondiale classent l'Algérie comme le moins endetté des 20 pays de la région MENA. L'encours de sa dette extérieure passait de plus de 33 milliards de dollars en 1996 à moins de 3 milliards de dollars en 2013 soit moins de 2,4 % du PIB. Tout en étant un acte de gestion financière salutaire, le désendettement ne mettrait pas l'Algérie à l'abri des enjeux économiques et financiers multinationaux.La dimension financière relativement modeste de la finance algérienne a fait que la crise 2008 n'ait pas été ressentie en Algérie. Mais l'apparence trompeuse laisserait croire que notre économie aurait échappé au ralentissement économique mondial ce qui serait une étrangeté pour une économie assujettie au dollar et à l'Euro et où la crainte du « social » marque la démarche économique. En vivant leurs crises respectives les zones « Dollar » et « Euro » se sont imposées des mécanismes de sortie. Comment ? L'auto suffisance industrielle relative leur permettait d'élaborer leur stratégie économique à long terme ; celle-ci acceptait les hausses successives et transitoirement durables du prix du baril de pétrole qu'elles ne produisent pas. C'était semer, chez l'exportateur de pétrole, un satisfecit velléitaire qui n'est autre qu'un retard de phase d'une crise qui frapperait notre économie au PIB dominé par les exportations de pétrole et de gaz. Leurs plans directeurs décrétaient, au risque de faire dans l'impopularité du pouvoir en place, des mesures qui allaient toucher aux facteurs déstructurant les équilibres macroéconomiques des comptes. Ils décident de faire acheter par leurs banques centrales les bons et titres dits « hypothécaires », de réduire les importations notamment les hydrocarbures, de solliciter davantage la contribution fiscale, de redéfinir les critères ouvrant droits aux avantages sociaux, de motiver l'employeur se distinguant par la création d'emplois, d'encourager les crédits affectés aux investissements nouveaux, d'éliminer au maximum les fastes de la représentation publique.. Voilà qu'avec son dispositif pareil, de sortie progressive de la crise, la zone Euro assiste au résultat indirect qu'elle a planifié sur « ses partenaires ». Dans cette perspective un fléchissement programmé, durable et déterminant des cours du pétrole ajouté à la dévaluation monétaire fait passer en l'espace de deux années de 115 à 81 dollars US le cout du baril soit une réduction de 29,6 %. Alors que le salaire moyen mensuel dans notre Pays, lui, a augmenté à la même période de 13,7 %. La gouvernance ne peut qu'en être préoccupée. « Il n y a pas le feu » disait-il. Mais effectivement il y a le feu et la vitesse de ce feu risquerait d'être exponentielle si des mesures d'ajustement budgétaire ne sont pas prises. Toute gestion financière de la répartition et des transferts budgétaires notamment sociaux, est dimensionnée en rapport avec le revenu national. Penser émergence économique non pas au détriment du vrai social non accru, mais en faveur d'une exploitation rationnellement ciblée des ressources est un objectif. Les agrégats et les ratios devraient retrouver leurs sens normatifs.

L'objectif d'émergence s'atteint) partir des spécificités du Pays. L'expansion de la croissance mérite une telle projection. La ressource financière est disponible. Une base industrielle à « normer » et à diversifier existe. L'expertise et la ressource humaine qualifiée existent. Un marché porteur de près de 40 millions de consommateurs existe. Les structures de formations universitaires et professionnelles disponibles et largement réparties sur l'immensité du territoire existe. Une position géographique face à l'Europe et rayonnant sur le marché africain (six frontières terrestres) existe. Une communauté de langues existe. Les moyens de communications avec vulgarisation généralisée des TIC existent. Une distribution énergétique disponible sur tout le territoire existe. L'espace foncier à promouvoir en faveur d'un développement économique existe. Une population à 60% de moins de 30 ans et prometteuse existe. L'ensemble de ces atouts et d'autres autoriseraient l'économie du Pays à ne pas se suffire d'une croissance flottante entre 2 et 4 %.Tous ces atouts ne justifient pas un fonctionnement à deux inflations. L'une nominale ou théorique, celle de l'analyste, et l'autre, celle échappant à tout contrôle, mais subie par le consommateur.

Il est remarquable que tous ces atouts résultent de l'effort d'investissement de milliards de dollars US et qui s'avèrent aujourd'hui sans impacte sur la croissance réelle. Y aurait-il sur dimension des infrastructures économiques et une ressource humaine qualifiée pléthorique ? .Des infrastructures et des actifs dormant et inopérant ne feraient-ils pas dans la pénalisation de la croissance ? Le manque de diversification patronale de l'économie génératrice de croissance vraie n'encourage-t-il pas cet atermoiement de l'activité ? Ne freine t-il pas la réhabilitation de ces infrastructures convoitées au dinar symbolique. Le manque de diversification du marché salarial n'ajoute-t-il pas aux aléas de la croissance ? Un salaire n'est ni une donation ni un legs au gré d'une humeur ou d'une conjoncture. .Il n'y a pas de doute que la gouvernance en soit préoccupée. Il devient à cet effet utile de libérer le citoyen de l'assistance multidimensionnelle dans laquelle il s'enferre. Cette assistance est reflétée par des comportements misérabilistes d'une part et par un standing de vie sans mesure ni avec la productivité ni avec la croissance du ménage d'autre part. C'est une culture qui n'habilite pas le citoyen à réussir sa citoyenneté et s'insérer dans la dynamique de création de la valeur ajoutée nationale. Travailler n'est ni dévoyant ni dévalorisant. Travailler et gagner sa richesse n'est pas un hobby ; c'est un devoir. S'enrichir au prix de l'effort serait légitime. S'enrichir sans mérite est condamnable. Il est paradoxal que ni le milliardaire ni le smicard, ne soit satisfait de son « art ». Le riche se plaint et imite le pauvre et le pauvre se plaint et imite le riche. Mais c'est dans la distribution des chances d'entreprendre que se ressource la diversification du patronat et de l'économie pour sortir de la « rentière ». Le plan quinquennal 2015-2019 (plus de deux cents soixante milliards de dollars) devrait prioriser le Pays à s'insérer dans la nouvelle vocation industrielle du 21ème siècle. Celle de la production de l'intelligence. Les 50 millions de citoyens de l'année 2030 vivront dans un asservissement du rapport homme/occupation. Le 21ème siècle sera marqué par la technologie, la technique et le service virtuels.

Percevoir et discerner la parole et l'initiative économiques en faveur d'une relance au dessus de toute couleur politique et réfutant toute ascendance opportuniste, plaiderait en faveur de la révision immédiate des prévisions budgétaires et des transferts sociaux non avérés. En invoquant les spécificités, c'est pour dire qu'elles diffèrent de celles des économies des pays du MENA (Bahreïn, Égypte, Iran, Jordanie, Koweït, Liban, Lybie, Oman, Qatar, Arabie Saoudite, Émirats arabes unies, Yémen) où le FMI évalue l'Algérie. Les réserves constituées par ces Pays sont estimés à plus de dix fois celle de notre Pays. L'aspiration de l'Algérie n'est pas celle d'être un exportateur d'hydrocarbure mais celle d'un émergeant économique et industriel qu'elle aurait du être eu égard à ses atouts. Est-il économique de se suffire de cet écho sur les perspectives économiques qui attèlent notre économie à celle d'une majorité d'économies des pays du NENA ? C'est pourtant bien l'Arabie Saoudite et le Qatar qui s'associent à la «zone Dollar et Euro » pour réussir la chute de presque 30 % du prix du baril en moins de 18 mois. La lutte commerciale autour du prix du baril entre les plus grands producteurs pétroliers et non moins alliés (les États Unis, l'Arabie Saoudite, le Koweït et le Qatar) pour consolider leurs parts du marché, ne renforce pas l'évolution économique de l'Algérie. Elle sème les graines d'une crise financière qui s'avèrerait désastreuse. Il serait affirmatif de croire que la gouvernance à l'échelle macroéconomique ait pris les dispositions à cet effet.

La Méditerranée met l'Algérie aux portes de l'Europe de l'Ouest. L'Histoire, La cellule culturelle, la structure sociétale, le modèle de consommation, l'aspiration économique et industrielle et l'expertise nationale ne s'y identifient pas à ceux des pays du MENA.La richesse due aux hydrocarbures est une richesse liée et transitoire. L'industrie des hydrocarbures est une industrie (60 % du PIB) relativement peu créatrice d'emplois et sans impacte sur la performance économique du pays. La fructification du revenu financier des hydrocarbures serait efficiente quand elle se réaliserait au profit d'une ascendance industrielle non pétrolière-gazière et d'une valeur ajoutée nouvelle et compétitive. Le champ opérationnel du commerce, quoi que libéré par l'État, n'a pourtant pas contribué à la transition vers l'émergence. Dans la disponibilité d'aujourd'hui, il n?est pas rentable de fonder sa croissance sur les importations des 70% du besoin alimentaire et de l'accessoire utilitaire alors que le patronat hors hydrocarbures se suffit de 3 % des exportations algériennes. La liberté des marchés ne devrait pas se substituer à l'économie de marché. La réactivité de la gouvernance à ce niveau serait contributive à une sérénité de l'évolution économique du Pays. La pénétration de sociétés financières est l'expression de l'attractivité du marché national et ne se substitue pas à une réglementation financière fluidique, rigoureuse et nécessaire aux opportunités d'une économie de marché en quête d'une autonome efficiente. Les opportunités économiques se projettent en tempsréel.et nécessitent une organisation aérée mais efficace. Une bonne organisation se structure telle que l'influence externe non conforme de l'homme est exclue en temps réel. La volonté de reconsidérer ses objectifs vers des priorités à forte valeur ajoutée est un signe de résistance aux aléas financiers impondérables. Tant que l'économie algérienne a encore les moyens de résister.