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Scrutin, participation, abstention et vote blanc

par Abdelkader Leklek

L'acte politique a-t-il besoin d'être à chaque évènement légitimé, sinon démenti ou contredit ? Et quitte à remâcher les sorties médiatiques du secrétaire général du FLN, j'y reviens pour faire avancer le schmilblick, en prenant le risque de m'exposer, pour harcèlement de lecteurs.

Le dirigeant en chef de l'historique parti, devenu marque de fabrique pour de nantis actionnaires, alors que le pays vit des circonstances délicates à la veille d'une élection présidentielle qui va connaitre un autre rythme ,d'autres positionnements et de nouveaux replacements depuis l'annonce de la candidature du président Bouteflika, faite par le premier ministre Abdelmalek Sellal, le samedi 22 février à partir d'Oran , s'était comporté comme un éléphant dans un jeu de quille ou bien dans un magasin de porcelaine. De sorte qu'il a fallu, la première fois, d' une malheureuse actualité, le crash de l'avion militaire de transport à Djebel Fartas à Oum El Bouaghi, et une deuxième fois, l'occasion de la célébration du 25ème anniversaire de la journée du chahid, deux opportunités que choisit monsieur le président de la république, pour recadrer les choses. Etait-ce un démenti, une réfutation, ou bien une légitimation, comme persiste à le clamer tonitruant le leader conjoncturel de l'historique parti ? Pour apaiser le lecteur, c'est d'une simple trivialité que les propos balancés par le SG du FLN, sont, si ce n'est déjà fait, dépassables. Ce qui n'est pas le cas du suffrage universel, un des socles de la démocratie. C'est un penseur qui s'intéresse à la question qui disait que, l'élection est à la démocratie, ce que le vol est à l'oiseau. Et jusqu'à la rédaction de ce billet l'esprit humain n'a pas encore inventé de substitut pour contourner cette métaphore populaire. Dans nos discussions à ce propos, Hama El Fahem, m'a toujours proposé, le tirage au sort comme succédané à l'élection. Est-ce sérieux pour le sort de tout un peuple ? Toute élection prise comme une fin en soi, n'a rien à voir avec l'utilité du vol à l'oiseau. Le suffrage qui ne marque pas le départ ou bien la continuité de la réalisation des idéaux démocratiques, ne possède des attributs de la démocratie que l'habillage.

Au-delà de choisir un homme ou bien une femme, par le biais du vote, les citoyens doivent avoir la possibilité de choisir une politique, un programme, ou un projet. Et là aussi diverses options se présentent. Doit-on revoter pour réélire un candidat dont le programme est en cours, ou bien élire un autre, pour découvrir et attendre la réalisation de son programme de campagne ? Les tentations que suscite ce mode de désignation, conditionnent souvent le taux de participation, que beaucoup d'analystes classent parmi les indicateurs déterminant pour évaluer d'un coté la légitimité de l'élu, et de l'autre, apprécier le niveau de la culture politique de l'espace concerné par l'élection. Il va sans dire qu'un fort taux d'abstention dénoterait, non seulement le faible degré de culturel politique, mais peut pareillement signifier le rejet d'une routine électorale, comme également exprimer un niveau de liberté ,d'autonomie et de distance, par rapport à la chose politique, des gens vivant dans ce même milieu. Mais au final il y aura toujours quelqu'un pour rappeler, que les deux taux, participation et abstention, doivent être perçus équitablement. La démocratie qui permet cette comparaison exige aussi et parallèlement d'en tenir compte. Si pour la participation le commentaire est aisé, il en va tout autrement pour l'abstention. S'agit-il de déception, de refus et de contestation ? Qui peuvent se décliner en boycott, émeutes et désobéissance civile, ou bien en indifférence.

Mais alors qu'est ce qui fait voter les populations. Sont-ce les idées? La réponse ne peut être que nuancée. Ce n'est pas noir ou bien blanc, sinon salé ou bien fade. Les idées qui croissent et surfent sur le mécontentement citoyen, commandent et orientent régulièrement un vote sanction. Cependant ce vote punition fait vite de se périmer et conduit à l'impasse. Parmi les exemples qui illustrent de tels cas de figures, on peut citer, l'échec des élus du FIS dissout, aux Assemblées Populaires Communales en Algérie en juin 1990. Et qui s'était terminé par la dissolution des assemblées et leur remplacement des délégations exécutives communales. Aussi la poussive et pénible gestion des affaires en Tunisie, où le suffrage du 23 octobre 2011 était essentiellement un vote sanction et qui au bout contraignit le pays à connaitre trois gouvernements successifs en 25 mois, sous la pression de la rue, qui avait-elle-même ramené les islamistes d'En-Nadha au pouvoir, pour sanctionner le système Ben Ali. Rien n'échoue comme le succès disait un écrivain anglais. En Egypte, ce sont des officiers qui avaient déboulonné le pharaon Hosni Moubarak et l'avaient poussé à la démission, avec à leur tête le général Omar Souleiman chef des services de renseignements. Et sera un autre général, Abdelfatah Sissi, promu depuis le 27 janvier 2014 au grade de maréchal, qui annonça, la même journée de sa promotion, accepter la charge de présenter sa candidature à l'élection présidentielle, qui dira répondre à l'appel des égyptiens manifestants à la place Tahrir, quand il prendra le pouvoir, en arguant que ?'les forces armées doivent intervenir pour empêcher l'Egypte de plonger dans un tunnel de conflits et afin de prévenir l'effondrement des institutions de l'état''. Ainsi, les élections qui avaient ramené les frères musulmans d'Egypte au pouvoir, pour brutalement le perdre, dans des affrontements sanglants, avaient pour résolutions incitatives, la sanction du régime Moubarak. Alors sont-ce les idées politiques que soumettent les candidats aux électeurs ou bien les promesses électorales, qu'ils proposent qui conditionneraient la participation ou l'abstention ? Si pour les idées les exemples qui ont été citées plus haut donnent un aperçu sur la force de leur finalité, les promesses électorales quant à elles, peuvent être plus motivantes considérant leur matérialité. Elles sont plus ou moins mesurables et quantifiables pour ce qui est de leur concrétisation, par opposition aux idées politiques. Donc à la veille de cette élection présidentielle, des opportunités se présentent, pour qu'en dehors du temps réservé à la campagne électorale, les candidats proclament et révèlent leurs promesses aux citoyens. Il est d'usage en Algérie, que les politiques, pour cette occurrence candidats à la présidentielle, profitent de célébrations, de commémorations et autres anniversaires, pour faire des promesses électorales d'ordre socio-économiques. Et ainsi, la 16ème tripartite du genre avait eu ses promesses, dont un prélude optimiste avait été dévoilé par Sidi Saïd, patron de l'UGTA, qui affirmait qu'elle sera porteuse de bonnes nouvelles. Cependant le conclave tripartite a fait quasiment du sur place, concernant les deux points essentiels.

L'abrogation de l'article 87 bis de la loi 90/11 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail, qui a trait à la structure du Salaire National Minimum Garanti (SNMG) sera traité à l'occasion de l'élaboration de la loi de finances 2015, ce qui laisse en l'état, mais électoralement exploitable, l'espoir suscité. Et aussi le second point concernant la dépénalisation de l'acte de gestions par les opérateurs économiques publics. Selon ce qu'avaient rapporté les journalistes présents, il ne s'agirait désormais plus de dépénalisation, mais d'encadrement de cet acte de gestion. Ce qui en clair signifie, pour ceux que cela intéresse, est une réponse sibylline à une brulante attente. Il en fut de même ce 24 février, à l'occasion de la double célébration de la création de la centrale syndicale UGTA, en 1956, et la nationalisation des hydrocarbures en 1971. Le 19 mars date qui marque la fin de la guerre de libération nationale ne manquera de donner des possibilités aux candidats de faire moult proclamations de promesses électorales. Ainsi les taux de participation et celui de l'abstention sont les indicateurs de ceux qui sont inscrits sur les listes électorales et qui se seront déplacés, pour voter, et ceux qui se seront abstenus de se rendre aux urnes. Mais ce n'est pas tout, car il y a un troisième segment de la population, concerné par le suffrage, qui pour diverses raisons, qui ne seront pas traitées ici, veut à l'occasion de scrutins signifier aux politiques, qu'il refuse tout en bloc, les idées proposées et les promesses annoncées.

Ce sont les promoteurs de la notion du vote blanc qui constituent cette portion du corps électoral. Et que l'on s'entende sur ce point. Il ne s'agit nullement de voter en glissant un bulletin blanc dans l'urne, et qui sera comptabilisé au décompte final des voix, à la fin de l'opération du vote, comme bulletin nul. Ce n'est pas un suffrage nul, mais un vote blanc. Voter c'est avant tout, choisir. Entre des programmes politiques, des projets de société, et aussi des hommes et femmes qui portent ces programmes et ces projets. Cependant ne pas s'inscrire dans cette vision classique, constitue également un choix, consistant à refuser ce qu'offrent les uns et ce que théorisent les autres, que des citoyens par ce vote blanc, veulent faire savoir aux politiques. Et pour cela il y a un militantisme en faveur de la reconnaissance de ce vote blanc en le comptabilisant comme suffrage exprimé et en tenir compte. En pratique il y aura matériellement, lors des opérations de vote, une pile de bulletins blancs, disposée avec celles des listes et des candidats que les citoyens pourront à leur convenance prendre et glisser dans l'urne. Néanmoins autant le phénomène semble marginal, autant il suscite quand même de la curiosité de la part des spécialistes des élections. Au-delà d'être un choix en plus, qui pourrait s'avérer, éventuellement perturbant, le vote blanc atteste que le citoyen s'est effectivement déplacé, et ne s'était pas abstenu et n'avait pas gardé un mutisme face à l'offre politique. Il démontre au contraire, que les citoyens qui auront choisi le vote blanc n'ont pas trouvé, ni de propositions, ni de candidats qui répondent à leurs besoins et à leurs demandes. Il est proposé par le vote blanc, s'il venait à être reconnu et institutionnalisé, au citoyen la possibilité de se déplacer au bureau de vote pour ne pas choisir. Est-ce logique ? A chacun sa conception, mais c'est Jean Jacques Rousseau qui disait à propos de principes, ceux de la démocratie y compris :« les principes c'est comme les chaussettes plus on s'y enfonce, plus en fait des trous».

Je regardais Hama et lui dis. Tiens-tu toujours à remplacer le suffrage, la participation, l'abstention et le vote blanc, par le tirage au sort ? Oui, me répondit-il, car toi et tous les autres vous demeurez prisonniers de cette équation qui voudrait que démocratie égale élections. Moi je connais beaucoup de pays où les gens votent, mais les urnes n'ont pas encore ramené la démocratie. Et, même si c'est la fatalité qui décide et choisit à la place du peuple lors du tirage au sort, il me parait plus équitable. Alors, quand je lui rétorquais, que le sort et son tirage ne peuvent, ni juger des programmes politiques, ni des promesses électorales, encore moins jauger les compétences des candidats. Il me dit avec détachement que les idées politiques généreuses, les programmes parfaits et le candidat idéal, ne sont pas de ce monde. Et heureusement d'ailleurs pour la continuité de la vie, poursuivit Hama, toujours égal à lui-même. Car tant qu'il a des imperfections, il y aura souvent de la place à l'éventualité, pour essayer la perfectibilité. C'est cela qui crée le mouvement, mon ami. Alors scrutin, participation, abstention, vote blanc ou bien tirage au sort, conclut-il....