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Rachid Mekhloufi : «Allez battre la RFA et revenez en Algérie !»

par Slemnia Bendaoud

Rien qu'à évoquer le nom de Rachid Mekhloufi, et c'est déjà tout Saint-Etienne qui est en effervescence. En véritable ébullition ! Elle se met en boule et roule pour son joueur fétiche. La ville, telle un seul homme, se lève donc et son monde se met en position debout pour bien haut le saluer. Et pas seulement !

Il y eut jadis la France également, dans un premier temps. Ensuite toute cette Algérie, enfin indépendante et bien souveraine. Et au final : le foot dans toute l'étendue de son vaste territoire et sa grande dimension.

L'homme mérite tout le respect de cette balle ronde laquelle, en retour, le lui rend bien sur le terrain avant même que l'autre monde agglutiné dans les tribunes ne l'applaudisse et ne l'adulasse au sujet de sa haute technique de grande classe internationale.

Lui reconnaitre ses qualités humaines indéniables c'est déjà une grande marque de distinction pour un homme qui sait bien modestement se fondre au sein de la foule avant de la haranguer grâce à son jeu haut de gamme, fin et très fouillé, suffisamment dépouillé, très bien verrouillé...

Quant à le faire pour son talent hors du commun, là, le sujet renvoie à cette très riche rétrospective footballistique de la ville. Son histoire est donc intimement liée à celle de Saint Etienne. Elle en fait d'ailleurs la réputation de son football.

L'algérien aura été l'un des acteurs principaux de ce beau et très prestigieux football stéphanois du siècle dernier. Il appartenait à cette génération très douée qui savait gagner des titres et qui pratiquait ce football haut de gamme qui plaisait énormément aux nombreux spectateurs de la région stéphanoise, et de France de façon plus générale.

Ayant fait les beaux jours de ces fameux ''Verts'' de la France tricolore, il aura, plus tard, cette autre formidable occasion d'envoyer sur le podium ces '' Autres Verts'' du football algérien, enlevant haut la main ce trophée des jeux Méditerranéens de 1975 devant justement la formation olympique française (ces autres espoirs des bleus d'autrefois).

L'homme a le nom à jamais scellé au palmarès du beau football, le tir foudroyant synonyme de virtuel but, la touche subtile l'équivalent d'un geste digne du grand art, l'amorti de la poitrine la marque des grands joueurs de tous les temps, la silhouette familière propre à un personnage hors du commun.

Plus qu'un icône, Rachid Mekhloufi est une véritable légende vivante, parlante, ambulante, séduisante à souhait, se rappelant, à la moindre introspection de sa mémoire, ses grandes heures de gloire et ses moments douloureux ou de véritable galère et misère, l'instant magnifique des grands trophées et celui plutôt très fatidique des véritables raclées ou échecs répétés?

L'homme, aujourd'hui septuagénaire, fait parler cette formidable histoire et la véritable poudre de la balle ronde, très féconde en buts et bien spectaculaire dans ses grandes facettes où la pure technique se joue souvent de la plus drastique tactique statique.

Il est donc ce témoin vivant de ce beau spectacle qui fuit, à présent, nos stades, l'artisan de ce football de rêve qui nous faisait jazzer dans les gradins, l'auteur de ce spectacle plein-les-yeux qui nous faisait vibrer les spectateurs dans les tribunes, de cet art étalé avec splendeur et grand charme?

Inviter Rachid Mekhloufi sur un plateau de télé revient donc à revisiter tout un pan de la grande Histoire du football algérien et français. Tant ce joueur au talent incomparable était l'auteur de ces buts imparables, improbables, incomparables, tous acquis devant des défenseurs parfois vraiment intraitables.

Le laisser deviser est aussi une occasion inespérée pour cette jeunesse qui ne l'a jamais vu auparavant balle au pied ou à l'œuvre sur ses terrains de foot préférés. La France ainsi que les toutes puissantes chaines sportives qui lui reconnaissaient son grand talent lui ont déjà consacré un sacré numéro avec ce grand reportage qu'Al Jazzera avait minutieusement concocté, il y a quelques mois seulement, en plus de la grande distinction offerte par son club de toujours, en l'occurrence l'A S Saint Etienne.

Etre l'invité du prestigieux Bernard Pivot est déjà, en soi, un grand honneur pour un footballeur de métier. Tant l'écrivain-journaliste et critique littéraire, chef de la défunte émission ''Bouillon de culture'' à laquelle n'étaient justement invités que ces prestigieux prix Nobel ou leurs jumeaux et jumelles, ayant malheureusement raté lamentablement ou monumentalement cette dernière marche de la très grande gloire.

Mais Rachid Mekhloufi c'est aussi cet homme connu au travers de son franc-parler à côté du franc-tireur et grand buteur qu'il fut dans toute sa vie de footballeur au talent affirmé, affiné et bien confirmé.

Au sujet du rêve inachevé de la phase finale de la coupe du monde de 1982, ayant eu lieu en Espagne, il répondra avec cet humour des grands Messieurs de l'art comique, dramatique et cinématographique : ''les tenants du pouvoir de l'époque nous avaient demandé de battre l'ex RFA et de retourner aussitôt en Algérie !''.

En effet, oui, la phrase avait été bel et bien prononcée par les hauts responsables de l'état et du sport algérien à l'intention du staff technique d'alors de notre équipe nationale dont Rachid Mekhloufi assurait d'ailleurs la coordination et la discipline du groupe. Mais, ce fut juste pour motiver davantage les joueurs et mieux les galvaniser. Sans plus !

Monsieur But * le sait très bien, lui aussi. Il s'en est juste saisi et rappelé pour nous mettre dans le parfum de la nostalgie d'antan de ce formidable jeu qui drainait la grande foule et faisait vraiment chavirer tous les cœurs des algériens ainsi que ceux épris de ce football de très grande facture et haute classe, alors produit sur les terrains de football.

L'homme n'a ni la langue dans la poche ni même la frousse des vieux chevaux de course, pour avoir été lui-même un véritable cuirassé capable de battre sur une très courte distance le plus terrible de ces hommes haut ou bien placés qui font peur à tout leur monde à la ronde.

Elevé dans le giron des pur-sang arabes, il sait qu'il peut rapidement semer dans le vent tous les supposés candidats autoproclamés à cette course au titre dont il aura autrefois tiré l'essentiel de ses grands et nombreux galons.

La preuve : au sujet du jeu pratiqué par l'équipe nationale actuelle, il dira que la cuvée ou version Saâdane de 2010 est de loin bien meilleure. Mais que les deux compositions se situant très loin du rang occupé autrefois par leurs devancières de 1982 et 1986.

Adepte du jeu court, spectaculaire, technique, académique, faisant dans le geste de l'art pur et de la touche de balle magique, il craint que notre jeu emprunte ces chemins tortueux et bien stéréotypés de l'occident qui nous éloigne davantage de notre pratique sportive qui a fait plier durant les grandes occasions les meilleures formations footballistiques de la notre planète.

En grand maitre du ballon rond, il sut souvent s'élever à la hauteur des grands Seigneurs des aires de jeu, lors des manifestations de prestige, propres à ce jeu séduisant qu'il savait étaler à profusion, durant toutes les occasions qui lui avaient offertes à cet effet.

En vieux briscard, il sait aussi cibler ses objectifs pour lancer ses flèches qu'il tire à la vitesse de ses nombreux bolides dont les grands gardiens de buts éprouvaient cette terrible trouille de les arrêter.

Connu pour sa grande maitrise du ballon dans la surface de réparation adverse, il a tout le temps été surveillé de près par les défenseurs dont il prenait souvent le dessus grâce à une technique hors-paire et un sens inné du but, faisant de lui un grand puncheur et le deuxième meilleur buteur de tous les temps de l'A S Saint-Etienne (151 buts contre 208 pour Hervé Rivelli).

Par conséquent, il aurait aimé que l'équipe nationale actuelle dispose, elle aussi, de ces grands artificiers de métier et de ces tireurs d'élite à la fine gâchette, de ces baroudeurs de grand bonheur et de prestige et honneur de haute portée ; raison pour laquelle il a failli lui-même marquer ce deuxième but qui devait complètement délivrer l'Algérie lors de sa seconde manche qualificative de son match-barrage disputé contre le Burkina Faso.

La grande star qu'il est n'a vraiment rien à envier à ces nouveaux numéros sportifs démesurément gonflés d'aujourd'hui, tout comme il se moque royalement de ces nombreux avatars politiques, en quête de célébrité imméritée, tous intéressés par l'instrumentalisation ou par l'utilisation à leur seul profit de son image de marque.

Il en aura fait part publiquement tout dernièrement sur une chaine de télé privée nationale qui l'avait invité sur son plateau sportif, en marge de la qualification du Mondial de 2014 devant se dérouler l'été prochain au Brésil.

L'homme dont le portrait est placé au beau milieu, entre celui de Robert Herbin et Michel Platini, au cercle de l'A S Saint Etienne, s'est vu tout récemment octroyer à vie un siège en son nom au sein de la tribune officielle du stade de Geoffroy Guichard, en signe du grand mérite et honneur dus à son grand talent et haut rang.

Monsieur But souhaiterait ardemment que la sélection algérienne marque, elle aussi, beaucoup de buts lors du prochain mondial afin de passer facilement l'écueil du premier tour éliminatoire de la phase finale.

(*) Surnom donné par Les fans de l'A S Saint Etienne à Rachid Mekhloufi.