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La politique, cet univers impitoyable

par Cherif Ali

Dans le dérapage verbal, le risque est permanent comme a eu à le constater, à ses dépens, le président français François Hollande qui aurait fort à faire face à ses opposants qui chercheront à l'affaiblir davantage, au moment où il peine à remonter dans les sondages.

Dans ce cas là, même après les excuses officielles, il faut rechercher le silence, surtout en politique où s'est installée, durablement, une crise de confiance vis-à-vis de la parole politique. Alors, pour vous faire sourire, grincer des dents-ou réfléchir-, il vous est proposé, aujourd'hui, une sélection subjective, la même de ce qui a été dit ou écrit au cours de cette fin d'année 2013, par des hommes et des femmes politiques, d'ici et d'ailleurs, qui avaient ou pensaient avoir des choses intéressantes à nous dire.

Chez nous, par exemple, les médias bruissent, l'élection présidentielle, sujet de l'heure, se dessine ; des rumeurs et polémiques s'annoncent pour ouvrir la voie à tel ou tel candidat.

Certains rêvent de Benflis le septuagénaire, d'autres de Taleb El-Ibrahimi l'homme à la belle tignasse, d'autres encore de Hamrouche qui ne fume plus le cigare.

Les Amaryïnes (Ghoul.Benyounés.Saïdani) pour leur part, appellent de tous leurs vœux le président actuel à se déclarer candidat et se font fort de créer un semblant d'agitation électorale.

Saïdani a demandé qu'on l'appelle, dorénavant, par son nom Saâdani ; le chef du FLN, lequel FLN, se présente émietté et dispersé nonobstant sa place de parti majoritaire, après avoir été prolifique, accuse le coup et ne fait plus de déclaration , malgré le coup qui lui a été donné par l'ancien S.G déchu, Abdelaziz Belkhadem qui est sorti de son silence pour dénoncer " l'incursion des pro-Benflis dans la composante du nouveau B.P du FLN ".

En Algérie, pas de débat politique et pourtant il existe 12 chaines de télévision privées et, paradoxalement, les partis politiques de l'opposition et les anciens candidats à la présidentielle, restent étrangement silencieux.

Même ceux qui se sont déclarés ne sont pas sortis de l'ombre. En tout sept ou huit candidats : Benbitour, Benamari, Nekkaz (le Franco-Algérien vivant à paris), Benkoussa (l'autre Franco-Algérien, vivant à Londres), Soufiane Djilali et Yasmina Khadra et Allalou. Mention particulière, cependant, aux candidats Franco-Algériens que sont Rachid Nekkaz et Kamel Benkoussa qui disposent de sites internet et qui font le buzz sur la toile.

Un mot aussi sur celui qui a écrit " ce que le jour doit à la nuit " qui n'a pas besoin de notoriété, lui qui l'a conquis par la plume.

A moins qu'il ne soit à la recherche d'une inspiration de la prochaine trame de son roman qui tirerait son essence à partir de ce qu'il compte entreprendre en politique ; dépassera-t-il, pour autant, la barre " fatidique " de candidat à la candidature ? Ce sera son prochain challenge peut-être.

Oui mais tous ces candidats, que pèsent-ils, combien de divisions, comme dirait l'autre ?

Sont-ce des lièvres ? Sans doute, cela découlerait, peut-être, de l'ambition mégalomaniaque d'individus pour qui la politique n'est pas qu'une question de rapport de force, de conflits d'intérêts et de consensus entre êtres et forces rationnels, comme l'analysait déjà Aristote, mais quelque chose de métaphysique, où une forme de messianisme désigne les impétrants. J'y suis parce que c'est écrit, voilà tout ! Mon destin, qui me dépasse, me commande de? cet aplomb venant de candidats sans expérience des affaires politiques, provient sans doute, au mieux d'une conception religieuse de la fonction de président de la République, au pire d'une dangereuse dépréciation qui fait croire que même un néophyte ferait mieux qu'un vieux roublard aguerri. Tout vaut tout, c'est la renverse (*)

Ceci étant dit, évoquons également, tous ces partis qui se sont engouffrés dans un soutien total et entier à l'actuel président, l'invitant, le forçant presque, à briguer un quatrième mandat, alors que lui-même, à ce jour, n'a rien demandé encore moins, sollicité (FLN-MPA-TAJ-RND).

Quant à Louisa Hanoun, même si elle ne s'est pas encore déclarée, sera, à coup sûr, candidate elle qui est déjà en campagne ; elle a, d'ailleurs, dressé un long réquisitoire contre les partis de l'opposition et les personnalités nationales qui ont lancé une initiative politique visant la mise en place " d'une commission indépendante pour superviser les élections présidentielles ".

La présidente du parti des travailleurs, élue pour un septième mandat, accuse cette même opposition d'être responsable de la " bipolarisation de la scène politique ", qui peut ouvrir, selon elle " la voie à l'intervention étrangère " Rien que ça !

Plus encore, Louisa Hanoun, réitérant son aversion pour le système bicaméral qui n'est pas, toujours selon elle, conforme à la démocratie, semble, accréditer l'idée d'une révision prochaine de la constitution ce que l'opposition rejette.

En l'état, l'atmosphère électorale est somme tout routinière : absence de candidats sérieux, de programmes, et d'idées, présence massive de " souteneurs " et de " démarcheurs " y compris dans le camp de Benflis.

Il y a eu, en revanche, des déclarations du style : " ma candidature dépend de la décision de la commission nationale (Faouzy Rebaïne) ou du Madjlis ech-chouri (Saâdallah Djaballah). Ça promet et ça agace en même ; n'oublies pas tout de même qu'on est en Algérie.

Il y a aussi ce compromis difficile à réaliser, affublé de l'étiquette " homme du consensus " que le MSP a cherché, désespérément, à faire avaliser, entre des acteurs politiques qui hormis leur positionnement anti-pouvoir ont des visions et des projets politiques antagonistes.

Il y a aussi cette espèce de bizarrerie émanant de Hanoun et même de Benyounés ; question : continueront-ils encore longtemps à brouiller les pistes concernant leur propre positionnement, ce qui mériterait d'être clarifié ?

Sont-ils dans l'opposition et contre l'opposition ou dans le camp présidentiel, eux qui critiquent le bilan du gouvernement ou d'un secteur particulier, sans toucher au président ? Drôle d'exercice tout de même !

A moins que pour tout programme à proposer au pays, les formations politiques notamment de l'opposition en viennent à n'en avoir que celui de barrer la route à un quatrième mandat pour Bouteflika s'il se présente et à la candidature officielle, quelle qu'elle soit, en cas de renoncement du premier nommé.

Ou plus encore, pour faire dans l'absurde, comme le groupe des 20 partis politiques qui s'opposent au quatrième mandat de Bouteflika et qui " rejettent les accords et partenariats signés entre les gouvernants Algériens et Français à l'occasion de la visite du Premier Ministre Jean Marc Hérault " comme l'a rapporté le journal électronique Algérie-Patriotique, qui se réfère à une déclaration rendue publique par cette alliance, conjoncturelle, de formations politiques. Quant à ceux qui engagent leur joker dans le quatrième mandat du président de la République en exercice, et au cas où ce dernier penserait à se retirer sans pour autant cautionner telle ou candidature, fut-elle celle du pouvoir, ils seraient vraiment au plus mal et à ce niveau il faut noter la prudence de Bensalah qui s'est confié dans une prudence anormale.

Je vous le dis, la politique c'est un univers impitoyable.

Et les président des clubs de football l'ont, peut-être, compris, eux qui préparant la présidentielle à leur manière, ont demandé à rencontrer le Premier Ministre pour l'effacement de leurs dettes et pour ce faire, ils ont fait fi du Ministre des sports et du président de la fédération de football qu'ils ont driblé pour la circonstance, sans état d'âme.

Dans le même ordre d'idées, d'aucuns s'interrogeraient sur ce qui faisait courir des hommes d'affaires, des chefs d'entreprises, lors des précédentes campagnes électorales, devant des citoyens sidérés d'entendre le bruit du tiroir-caisse au lieu et place de débat d'idées. On commence à avoir un début de réponse : la défiscalisation.

L'on est loin, n'est-ce pas, du lobbying des forces économiques dans les instances parlementaires.

L'évacuation de la menace du redressement fiscal contente amplement les soutiens politiques dénichés, méthodiquement, dans le tiroir clientéliste économique. Evoquons aussi parmi ceux qui s'invitent " au débat " de la présidentielle, l'Académie de la Société Civile Algérienne qui réapparait en ce moment précis de la vie politique, pour parler au nom de la société civile qui ne lui a pas conféré mandat pour autant ? mais qui s'agite et fait des appels du pied, " opportunément ".

Voilà l'ambiance électorale qui va prévaloir prochainement en attendant la décision du président de la République Abdelaziz Bouteflika dont le silence intrigue tout le monde sauf Sâadani qui a réitéré son soutien indéfectible à un 4e mandat.

On aura encore à subir les farfelus qui vont proposer qui " de marier tous les jeunes gratuitement ", " de signer des accords d'immigration vers l'Australie pour des harragas officiels ", ou plus encore " donner un logement, un travail et une voiture à tout le monde ", " tripler le smig ", " créer un RSA algérien ", et j'en passe et des meilleures ".

Pas de programme donc, pas d'idées non plus et pourtant il n'y a qu'à se baisser pour en ramasser et appâter le chaland et faire rêver les algériens.

Tenez, par exemple, l'Islande va effacer une partie de la dette des ménages qui s'élèvent à plus de 1,2 milliard d'euros. Cela concernerait principalement les islandais ayant contracté un emprunt immobilier qui verront une partie de leur endettement effacé, dans la limite de 24 000 euros.

Le gouvernement reprendra cette dette à sa charge et la remboursera, progressivement, sur quatre ans.

Autre mesure : les ménages qui le souhaitent pourront pendant trois ans, utiliser une partie des cotisations qu'ils versent à leur fond de retraite pour rembourser plus vite leurs emprunts. Un effort que le gouvernement soutiendra en réduisant les taxes habituellement perçues sur ces versements.

Et au final, les deux mesures contribueront fortement, à la réduction de l'étranglement des ménages et à la relance de la consommation jusque là en berne dans ce petit pays.

L'autre exemple est assurément à méditer par tous les candidats à la candidature.

Il s'agit de celui de Dominique Voynet, l'actuelle maire EELV de la ville de Seine-Saint-Denis en France, qui ne sera pas candidate à sa réélection. " Pour être réélue, dit-elle, je devrais me résoudre à des compromis, à des alliances, à des prises de position qui bousculent mes valeurs et mes convictions et me conduiraient à ne plus me ressembler " Poursuivant, elle a dit aussi " qu'elle refuse de rendre coup par coup, d'user du mensonge, de la calomnie et de l'insulte, de la démagogie la plus abjecte et d'arguments aux relents lepénistes et de partir en campagne en promettant logement et jobs à tour de bras, de garantir à toute personne rencontrée dans la rue que sa demande, même injustifiée, sera traitée en priorité ". Respect !

Nous avons entamé cette contribution par la vanne de François Hollande, restons dans l'hexagone pour prendre la mesure de la parole politique qui, souvent, peine à prendre de la hauteur. Deux exemples pour illustrer ce propos.

Tout d'abord, Henri Guaino, député, ancien conseiller et plume de Nicholas Sarkozy qui a déclaré : " Nicholas Sarkozy a eu à affronter la pire crise depuis l'après-guerre et si le système bancaire s'était effondré, le G 20 n'aurait pas existé sans Nicholas Sarkozy, et bien, il aurait emporté avec lui nos sociétés et la démocratie. Au moins à cause de cela, l'histoire lui rendra justice. Si Sarkozy n'avait pas été là, il n'y aurait plus de démocratie en France, plus de démocratie en Europe et plus de démocratie dans le monde ". Rien que ça !

Ensuite Nadine Morano, ministre dans le gouvernement Fillon-Sarkozy a eu cet éclair : " le vol des portables à l'arraché est un phénomène récent qui n'existait pas avant les téléphones mobiles ".

A ce stade là, de la politique c'est de l'art ! c'est aussi un univers impitoyable !

Revenons chez nous, enfin, pour savourer cette sortie de Karim Younes, (qui s'en souvient ?), qui a déclaré lors de la présentation de son livre -Aux portes de l'avenir, vingt siècles de résistance, cinquante ans d'indépendance- : " Algériens, Algériennes, je ne parodie personne lorsque je vous dis, lorsque je vous écris, lorsque je vous crie : l'avenir commence aujourd'hui, il suffit de s'unir pour soulever les montagnes. L'avenir est aux mains du peuple ". Sans commentaire, même si, faut-il le dire, l'ex-président de l'APN reste l'un des rares politiques algériens post indépendance à se mettre à l'écriture.

Il n'est pas bon de considérer la politique, ce lieu où se joue le destin collectif, comme un terrain d'édification des narcissismes. Le bien commun et le respect des électeurs exigent des candidats un minimum de pudeur et de l'humilité (*)