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A propos de l'annulation de la dette de certains pays africains

par Reghis Rabah *

Dans son dernier rapport annuel, la Banque Africaine de Développement (BAD) dont l'exécutif s'est réuni au Maroc la semaine dernière, tire la sonnette d'alarme sur les fuites de capitaux de nombreux pays africains vers ceux occidentaux.

Ces fuites cumulées ont fait de l'Afrique et il n'est pas exagéré de le dire un «créancier net» pour le reste du monde. En effet, la synthèse de ce rapport et celui du Global Financial Inegrity (GFI), un groupe de défense basé à Washington font état de près de 1500 milliards de dollars qui ont quittés l'Afrique au cours des 30 dernières années. Cette situation, selon toute vraisemblance surprenante, est un contraste frappant avec la réputation qu'on laisse planer sciemment d'une Afrique pauvre et qui ne cesse de demander de l'aide étrangère. L'Algérie est tombé de plein dans le panneau en contribuant à enrichir les dirigeants Africains au détriment des populations qui de toutes les façons n'en bénéficieront jamais. Il faut cependant signaler qu'en 2005, le Groupe des G8, pays les plus riches de la planète ont arrêté d'un commun accord une enveloppe de 50 milliards de dollars faisant ainsi de l'Afrique le continent le plus dépendant de l'aide au monde. En dépit de cela, les conclusions de la synthèse conjointe indique que rien qu'en activité criminelle, de l'effet réciproque de la corruption et de l'évasion fiscale, les pays Africains ont perdu près de 1,4 milliards de dollars chaque année entre 1980 et 2009.

Les experts de GRI s'expliquent : «Dans les milieux de développement, nous parlons beaucoup de la quantité d'aide qui va vers l'Afrique, et il y a ce sentiment parmi certains en Occident selon lequel bien que nous donnions cet argent depuis des décennies, c'est la faute de l'Afrique si les pays du continent ne sont pas encore développés. En effet, notre recherche montre qu'alors que l'Occident donne de l'argent à l'Afrique, bien plus en sort illicitement. En outre, vous pouvez supposer que les fuites illicites à partir d'autres régions entraîneraient probablement de transferts nets élevés de ressources provenant d'autres régions en développement, également».

Malgré les alertes continuelles des associations comme la SURVIE, SHERPA etc. qui sont des ONG de lutte contre la corruption en Afrique, cette tendance n'a fait que s'accentuer pour atteindre ces dernières années des montants intolérables. En effet, elle semble se renforcer cette dernière décennie pour atteindre un montant annuel de prés de 35 milliards de dollars qui sort illégalement des pays Africains dont les trois quarts des seuls pays de l'Afrique du Nord et notamment l'Algérie, le Nigeria, la Libye et plus loin l'Afrique du sud. Ces sommes considérables viennent de l'argent sale des contrats pétroliers, gaziers et miniers en général. Ces révélations ont été confirmées voire même renforcées par les indices de Revenue Watch Instutute (RWI), celui-ci, considéré comme un groupe de veille prospective. Cette analyse a clairement mis en évidence la corrélation entre la très forte dépendance économique et les indicateurs du développement humains (IDH).Cette étude porte sur un échantillon de 58 pays Africains dont le métier est en grande partie serait concentré dans l'extraction du pétrole, du cuivre et du diamant dans le monde. La marge bénéficiaire de leurs secteurs extractifs est estimée à plus de 2,6 milliards de dollars en 2012, dépassant de loin l'aide qui provient de l'occident. Pourtant, plus de 80 pour cent de ces pays n'avaient pas également réussi à mettre en place des normes satisfaisantes pour l'ouverture de ces secteurs et la moitié n'avait même pas pris de mesures de base à cet égard.

On lit dans ces rapport que «Dans les pays riches en ressources, le secteur des ressources naturelles est généralement la principale source de flux financiers illicites» signalant une conclusion du Fonds monétaire international (FMI) selon laquelle le secteur pétrolier en Angola n'a pas déclaré en 2002 près de quatre milliards de dollars. Ces pays manquent généralement de structures de bonne gouvernance qui permettraient aux citoyens de surveiller la quantité et l'utilisation des recettes provenant du secteur des ressources naturelles. Souvent, les loyers et les redevances provenant de la gestion des ressources ne sont pas utilisés pour soutenir le développement social et économique des pays riches en ressources, mais sont plutôt détournés ou dépensés de façon non productive à travers la corruption et le clientélisme». Les conséquences de cette fuite ?'entretenue» et parfois ?'encouragée» par les firmes multinationale et qui touchent à la fois les fonds publics et l'aide étrangère retarde selon les experts de ces associations le décollage économique et partant le développement de la majorité des pays africains puisque le montant des fuites de ces trois dernière décennies serait l'équivalent de leur Produit Intérieur Brut (PIB). Ce qui leur fait dire que le continent n'a pas de problème de disponibilité de ressources mais celui de la gestion de ressources, gaspillée par des dirigeant corrompues mais fortement soutenus par les pays occidentaux à travers leur compagnies multinationales. On lui vole des deux mains ce qu'on lui donne du bout des doigts puis on crie au scandale. Ces experts restent convaincus que grâce à une bonne gestion des ressources, l'Afrique pourrait être en mesure de financer une grande partie son propre développement. C'est une panne d'idée qui fait que l'Algérie par exemple avec une manne de prés de 200 milliards de dollars peine à redynamiser son industrie. Il faut toutefois souligner que ces rapports suscitent et alarment l'opinion publique Africaine et occidentale sur la nécessité de renforcer des mécanismes de régulation d'abord par les institutions africaines pour s'assurer que le développement en Afrique profite bien aux objectifs des secteurs d'intérêt général. Toutefois ils ?n'ignorent pas le rôle des pays occidentaux pour les inciter à sortir de cette ?' hypocrisie» et de jouer franc jeu car ils sont en grande partie responsable de cette situation.

De nombreux experts estiment que si ces chiffres étonnent quelques peu l'opinion africaine mais elles ne sont pas pour autant une surprise pour les banques occidentales et des Paradies fiscaux qui autorisent la création des sociétés écrans anonymes. Les gouvernements occidentaux qui contrôlent ces institutions ne partagent pas les informations avec les pays africains et continuent tergiverser sur une règle efficace sur le blanchiment d'argent .Eux même n'arrivent pas de sortir de cet imbroglio et le sommet des 27 du 22 mai dernier l'a très bien montré. Il ne s'agit donc pas d'une initiative des seuls acteurs nationaux mais d'une dynamique qui impliquerait à la fois les nationaux et les internationaux. Face à une telle situation, faudrait-il réfléchir avant de consentir des aides à ces pays qui se traduit dans les faits à l'enrichissement de leurs dirigeants pour les rendre encore plus puissants et parfois même contribuent à accentuer la misère. A moins qu'il s'agit là d'un aveu d'impuissance de recouvrement de ses dettes pour en faire un geste politique, auquel cas, on peut se demander que gagnera t-on d'une coopération sud - sud ?

* Consultant et Economiste Pétrolier