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Le consensus national est possible

par Abdou B.

«Un dévot est celui qui sous un roi athée serait athée» Molière

Sous la direction de l'armée, l'Egypte est allée vite en besogne, sous l'œil exigeant d'une opinion publique et d'élites qui sont parmi les plus éclairées du monde arabe. De son côté, la Tunisie, avec des démissions en cascade et des rebondissements spectaculaires, avance elle aussi, dans la voie de la démocratie, avec l'aide affichée de l'Europe, surtout de la France. En Algérie, certes à petits pas, le régime semble admettre même du bout des lèvres, que si l'Algérie n'est ni le Yémen ni la Tunisie et encore moins la Libye, elle a d'énormes points, des indicateurs pertinents communs avec le plus grand nombre de pays arabes et se trouve exposée à de sérieuses turbulences. Quelle que soit la forme de l'achèvement des processus en Tunisie, en Egypte, en Libye, au Maroc, où des réformes institutionnelles sont annoncées, l'Algérie ne peut rester en l'état, au plan politique et sous la seule perfusion des recettes du sous-sol.

L'injection massive de sommes colossales, dans tous les segments du «social» n'est pas aussi opérante que souhaitée, et les ravages de la bureaucratie, la faiblesse du management, les retards considérables dans l'informatique et les TIC aliènent la meilleure volonté et sabordent de nombreuses décisions politiques, prises à la hâte. Dans une longue séquence qui n'est pas encore achevée, les acteurs politiques, les élites, la jeunesse et même les partis de la majorité sont dans une stérile et impuissante attente. Mais de quoi ? Personne n'est en mesure de fournir des réponses cohérentes, une démarche planifiée ou simplement de grands principes et axes qui peuvent éclairer la confusion et le désarroi fort palpables. A part la direction du MSP qui semble avoir un cap et des formulations à 100% politiques, le chef du RND observe un silence très prudent et celui du FLN se contente de renvoyer n'importe quelle décision vers la présidence. Cependant, ces formations, avec des approches différentes semblent d'accord pour une remise en cause du code des assemblées communales. Ces dernières, selon la monture dénoncée semblent être de simples appariteurs aux ordres du wali et de l'administration. Cette observation, spécialement algérienne n'est pourtant soumise, du côté de la majorité, qu'à une fournée d'amendements. Si le document en question doit subir des centaines d'amendements et des heures de palabres, pourquoi ne pas en proposer un autre?. Parce que la majorité remet en question le code et ne veut pas, en même temps, signifier à «son» gouvernement son incompétence et surtout sa volonté de remettre le pouvoir des élus à des fonctionnaires en CDD. En effet, comment refuser un texte sans toucher à son concepteur et sans dénoncer la mainmise de l'administration ? Cruel grand écart !

Mais le pays n'est pas à un paradoxe près, dans un environnement international violent, observé par des soulèvements populaires que personne n'arrivera à minimiser et où les droits de l'homme et la démocratie seront initiés ou imposés. Parce que les intérêts des grandes puissances, qui intègrent vite, étape par étape, pays par pays, sont des déterminants qu'il faut prendre en compte, si possible avec intelligence, dans la dignité et la préservation du maximum de souveraineté. Celle-ci n'est plus celle des premières années des indépendances et encore moins telle qu'elle est psalmodiée par «la famille révolutionnaire» qui ne dénonce, à aucun moment, tous ceux qui refusant de déclarer leur patrimoine en violation flagrante de la loi. La souveraineté, dans la mondialisation, dans des économies managées par des technologies de pointe et les surveillances, au mètre près, par des satellites militaires de science-fiction, c'est de balayer devant sa porte avant que les autres ne le fassent pour des peuples qui seraient reconnaissants.

L'exemple du régime de Kadhafi, mi homme, mi fauve mangeur de Libyens est emblématique, riche en enseignements. «Merci la France» ont clamé des Libyens. Peu importe leur nombre, l'évènement impensable qui consiste à faire applaudir par des citoyens arabes des «croisés», des «impérialistes», des «mécréants» et des juifs, mérite d'être relevé. Qui a donc poussé des populations que l'on dit être dans des situations différentes (Tunisie, Egypte, Libye et demain le Yémen, la Syrie, etc.) à saluer des puissances étrangères qui «conseillent», proposent» et bombardent ? C'est à ce niveau surdéterminant qu'est la responsabilité des pouvoirs dans le monde arabe. Une fois dépassés la catharsis, l'exercisme, les slogans d'avant la chute du mur de Berlin, les envolées étroitement démographiques et petitement nationalistes, sans impact aucun sur des jeunesses branchées, que reste t-il ? La qualité d'une gouvernance, sa plus-value démocratique, la légitimité et la représentativité des élus, le respect des libertés et l'indépendance de la justice, la séparation surveillée des pouvoirs, font la différence. Cette dernière établit le classement entre des pouvoirs qui attirent tous les malheurs sur leur pays, et ceux qui construisent des Etats forts et justes, des citoyens libres et informés, des alternances enrichissantes et une morale sans faille, dans la lutte contre la corruption.

Les réformes radicales en Algérie sont incontournables, et le plus vite sera le mieux pour le pays qui transcende les groupes, les courtisans, les incompétences crasses et les «familles». Le premier magistrat le sait et le fait savoir. Son message du 19 mars dernier, le laisse entendre, même si le rythme adapté suscite des interrogations légitimes et des critiques. L'ampleur du chantier en question est colossale, qui concerne tous les rouages de l'Etat, les assemblées, la nature de la République, l'alternance, le projet de société, les services publics, le rôle de l'armée, les équilibres économiques, la diplomatie, etc. M. Bouteflika, dans son message, fait une référence explicite aux principes de Novembre 1954 et à ceux de la Soummam. Sur cette base, le consensus national serait facile et rapide à établir.