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Liberté, identité, quotité

par Remmas Baghdad *

«Notre planète est un tissage serré de populations différentes, toutes conscientes de leur identité, conscientes du regard qu'on leur porte, conscientes des droits à conquérir ou à préserver, persuadées d'avoir besoin des autres et d'avoir également besoin de s'en protéger». Amin Maalouf

En divulguant les inconcevables quotes-parts en joueurs de couleur en équipe de France, le journal en ligne Mediapart a marqué un joli but dans les cages esclavagistes de la fédération française de foot-ball. Laurent Blanc et ses pairs veulent dorénavant laver en plus blanc les «colorés» de l'équipe de France. Les nouveaux maîtres à penser du foot français ont ainsi effacé d'un revers de la main la gloire apportée au foot hexagonal par la prestigieuse contribution des black et des beurs à sa consécration. Les Mekhloufi, Zidane, Benbarek, Boli, Thuram, Tigana Trésor et consorts ont marqué d'une pierre angulaire la formidable épopée du jeu à onze apportant, de par leur technique chatoyante, la splendeur d'un spectacle haut et en «couleurs» mémorable à l'histoire du foot français.

Etre favorable à la discrimination d'enfants de douze ans dans les écoles de football, cela dépasse tout entendement et dénote que la France d'aujourd'hui commence à s'enfoncer vraiment dans la gadoue xénophobe en s'attaquant à un domaine épargné jusqu'à cette exécrable réunion. Les valeurs humanistes prônées par le sport commencent à être entachées par des apprentis-sorciers aux perspectives futuristes discriminatoires et cupides. Trente pour cent c'est le quota envisagé pour les B.B ( black et beurs ) ou plutôt les français d'origine étrangère, les étrangers d'origine française !?(Guadeloupe, Guyane?), les trop visibles, les sans-souche, les sans origine fixe !! ... On pourra désormais s'imaginer dés à présent la future équipe de France concoctée par ces experts, exorcistes voyants du ballon rond.

Une équipe de joueurs de type armoire à glace dénués de toute technicité ayant la qualité d'être blanc comme le veut Mr Blanc saupoudré d'un black occupant de préférence le poste de gardien de but, un portier quoi, et puis un goal ça a l'avantage de ne pas bouger trop dans un terrain pour ne pas troubler la sérénité du blanc de l'œil de Mr Blanc. Il nous reste à placer encore deux colorés puisque 30 pour cent dans une équipe de onze joueurs, c'est trois et des miettes de gouache. Un basané nord africain de retour du bled virant au blanc de temps en temps ferait l'affaire dans le poste d'ailier ou d'arrière, au mieux à gauche ou à droite du terrain car la périphérie depuis la nuit des temps c'est son espace d'expression. Le dernier capé serait remplaçant, black ou beur le sélectionneur en décidera à «égalité de chance» avec la consigne de remplacer spécialement le banlieusard d'ailier ou d'arrière. Cette équipe sera enfin prête pour remporter les prochaines échéances de coupes du monde de l'art esthétique du plâtre ou du plastique.

Les doués en foot ne s'inventeront  jamais. Les Zidane, Benzema, Anelka, Vieira et autres ne courent pas les rues. Ce sont des talents à l'état pur, école ou pas la maestria avec un ballon ne se conçoit pas, elle vit dans ces artistes de la balle comme une seconde nature. Ce ne sera jamais une prévision météo, c'est une assurance garantie estampillée à vie. Le clonage, c'est pour les brebis et : les critères, quota ou tutti quanti en foot ne donneront jamais de résultats préétablis. Le sport et le football en particulier ont toujours été un jeu qui illumine les cœurs et les illusions des nantis et des moins nantis. Il a permis à certains de fuir la misère et la discrimination grâce à leur talent. On ne construit pas un futur footballistique florissant avec des quotas. Cette politique n'a jamais fait avancer les choses d'un iota. Inefficace et stigmatisante, au contraire elle susciterait plus de repliement, plus de méfiance. «La prise en compte systématique des traits distinctifs contribue à cloîtrer les gens dans leur appartenance, et à les enfermer dans leurs «tribus» respectifs.» cette spécificité à ne considérer l'Autre qu'à travers sa couleur et non à travers son talent est une vision distordue et infirme. Le coq français risque d'y laisser des plumes et s'abreuvera en signe de désarroi, des écumes de la nostalgie des artistes de couleur bannis pernicieusement par ces stratèges de la honte

Le football reste et restera un engouement populaire sans limites, ni une répartition communautaire au rabais. On va au stade pour apprécier un jeu. Vivre une aventure purement humaine dénuée de non-dits. Ce sport populaire draine toutes les foules qu'importe la couleur, on vit au rythme de la trajectoire du ballon et de l'art des vingt deux acteurs qu'importe leur couleur. Il en a été toujours ainsi et que le meilleur gagne. Ni la mise au placard de Blackard le directeur technique, ni les excuses tardives de L.Blanc ne nous gâcheront le plaisir de continuer à aimer ce jeu devenu mythique, ni à nous faire oublier qu'il fut un certain juillet au stade de France une diversité multicolore black-blanc-beur conduite par un banlieusard talentueux nommé Zizou, remporter ensemble toute en liberté, en égalité et fraternité le trophée le plus prestigieux de notre colorée planète.

* Universitaire