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Illusion sociale

par Abdelkrim Zerzouri

Pour aller de concert vers des licenciements massifs des travailleurs, les sociétés de la «Tech» qui ont recruté à tour de bras, ces dernières années, une tendance gardée jusqu'au début de l'année en cours, se sont-elles retrouvées face à une masse salariale qui dépasse leurs capacités financières, ou existe-il d'autres motifs qui peuvent éclairer sur ce changement de politique ?

11.000 travailleurs sur le carreau chez ?Meta', 4.000 autres remerciés par Twitter, les géants du numérique se délestent de leur personnel d'une manière plus discrète mais toujours plus violente, à l'enseigne d'Amazon qui prévoit de licencier 10.000 employés. Et, même si on ne licencie pas à tour de bras, tout recrutement est gelé, comme chez Apple et Google. En somme, ce ne sont pas moins de 50.000 postes de travail perdus dans la «Tech» américaine, sans compter les récentes pertes annoncées sur ce registre par Meta et Twitter, depuis le début de l'année 2022. Un phénomène qu'on n'arrive pas à expliquer d'une manière cartésienne, notamment quand on apprend que le nombre de nouvelles offres est en croissance dans le secteur de la ?Tech' aux États-Unis ! Et puis, pourquoi licencier des milliers d'employés quand les patrons de ces sociétés sont visiblement de plus en plus puissants et riches ? Prévision de croissance surestimée, crise énergétique, contexte économique et géopolitique global qui n'épargne aucun secteur de ses effets ravageurs, modèle de la publicité ciblée démodé, les géants de la Tech s'essoufflent. Peut-être qu'ils cherchent seulement un nouveau départ, dans une nouvelle vision qui n'a pas besoin d'un personnel étoffé. On ne sait pas ce qui tourne dans la tête des patrons de ces grandes sociétés technologiques, mais on sait pertinemment qu'ils ne sont pas faits pour des conduites d'échec. Cela pousse plus à se demander pourquoi ils agissent de la sorte en mettant à la porte des milliers d'employés ? Et si on peut considérer cela comme un échec de gestion des sociétés, naguère prospères ? Selon certains économistes, les patrons des sociétés en question se mettent au diapason d'une année 2023 qui s'annonce très difficile, les bilans du dernier trimestre 2022 le prouvent incontestablement. Pour eux, la seule solution pour échapper aux bilans en perte de vitesse, rien de mieux que de se délester du personnel.

C'est une règle générale adoptée par tous les employeurs, y compris ceux du secteur public, quand la crise s'installe, on recourt immédiatement à la compression du personnel, comme on l'appelle si bien dans le jargon juridique algérien. Mais, qui dit que 2023 sera sans faute une année de crise ? Tout dépend d'un seul détail, la guerre en Ukraine. Si on arrive à mettre fin à cette guerre avant le début de l'hiver, comme s'y attellent toutes les parties influentes, 2023 serait une année de relance de l'économie mondiale. Et, dans le cas d'un retour à la paix dans cette partie du monde, renouera-t-on avec l'embauche à tour de bras, du moins reprendre les employés licenciés ? Pas si certain. Car, on semble bien partis pour réduire les effectifs dans la durée, laissant croire que l'embauche à tour de bras n'était qu'une illusion sociale et pas économique.