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L'escroquerie, autre fille de la corruption

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Après la corruption, après la violence urbaine, après les morts accidentelles en quantité quasi-industrielle, après les vols des matériels publics (câbles de cuivre, compteurs d'eau, avaloirs...), l'Algérie se retrouve avec un autre mal, celui-ci assez incompréhensible dans une société devenant, depuis quelque temps, assez suspicieuse et méfiante, la «tolérance religieuse» déclarée, cachant mal les déviances sociétales. Il s'agit de l'escroquerie !

Non l'escroquerie habituelle; celle pratiquée par un quidam qui sait faire passer des vessies pour des lanternes. On le voit bien dans le domaine des transactions immobilières où la masure toute pourrie se fait passer pour un «château en Espagne» ou une «villa à Dubaï». Dans le domaine touristique où l'excursion pénible et coûteuse arrive à se faire passer pour une croisière de luxe. Dans le domaine alimentaire où le plat immangeable arrive à se faire passer pour un «plat du chef». Dans le domaine de (faux) importateurs. Dans de la vente en ligne où une pâle copie arrive à se faire passer pour un produit original de marque connue. Dans le domaine de l'obtention de (faux-vrais) diplômes scolaires et universitaires. Souvent, hélas, avec la complicité visible ou non, d' «Autorités» ou de «Issabate», réelles ou supposées.

On peut dire que, hélas, c'est la rançon du progrès technologique qui ne laisse pas le temps au consommateur de vérifier la qualité du produit commercialisé et proposé, d'autant que les services autorisés de contrôle, enfermés dans la pratique bureaucratique et la gestion étatique n'arrivent pas à se développer au même rythme que la nouvelle économie et les nouvelles demandes sociales de plus en plus nombreuses et variées de la plus simple à la plus inattendue.

Il s'agit de l'escroquerie à la fonction. Celle qui frappe au cœur l'Etat et ses institutions, souvent les plus crédibles. On a donc des hurluberlus sans foi ni loi qui empruntent des identités et des fonctions de prestige pour extorquer soit des faveurs, soit des avantages matériels et autres.

On notera, en remontant le temps, pas si lointain, que ce virus né il y a deux à trois décennies, deux fonctions sont «exploitées» : celle de la parentèle, aussi proche que possible du sommet du Pouvoir (et on a, ici, quelques exemples récents fameux). Et, celle de fonctions réglementées civile et militaire dont l'uniforme le plus gradé possible.

Ce qui étonne le plus, c'est la facilité avec laquelle se pratique l'entourloupe. Parfois, sur simple coup de fil, comme pour ce jeune homme de 22 ans à peine, actuellement poursuivi par la justice pour de graves affaires d'escroquerie, dont ont été victimes d'anciens ministres, des personnalités politiques et des diplomates, et ce, depuis? la Grèce, pays qu'il a rejoint clandestinement. Et, tout cela avec une facilité déconcertante. Selon les détails fournis par le parquet, il entre en contact avec des personnes par téléphone pour les escroquer et leur soutirer des sommes d'argent en usurpant une fonction réglementée civile et militaire. Naïveté des victimes ? Tentations mal placées ? Désespoir ? Ignorance ? Un peu de tout, de tout un peu. Selon le diagnostic d'un chroniqueur, fin observateur (H. Dilmi), «l'escroquerie marche bien en Algérie». Une autre excroissance de la corruption, celle-ci déjà bien en place, amenant les aigrefins et autres charlatans à oser tous les coups. Et, pour la route, une citation guère optimiste : «Le phénomène grandissant de la corruption, les énormes excroissances de la bureaucratie et l'incivisme tapageur ont, peu à peu, justifié des «états» dans l'Etat pour que des acteurs basiques parfois autoproclamés endossent les prérogatives du pouvoir légal» (Abdou Benabbou. Editorial Le Quotidien d'Oran, samedi 26 juin 2021). Une malédiction ?