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Un choc nucléaire inévitable ?

par Abdelkrim Zerzouri

A quoi peuvent bien servir des armes nucléaires si aucune puissance nucléaire ne doit, ou ne peut, y recourir en temps de guerre, à cause de leurs effets catastrophiques qui menaceraient l'avenir de l'humanité toute entière ? On ne peut pas croire que les pays qui possèdent des armes nucléaires, fabriquées à l'aide d'une haute technologie à coups de milliards de dollars, en font des objets de musée. Il est vrai que depuis la seconde guerre mondiale et les bombardements atomiques d'Hiroshima et de Nagasaki par les Etats-Unis, en 1945, le monde n'a enregistré plus aucune explosion nucléaire hors des essais menés dans ce domaine, qui, doit-on le préciser, ne se sont pas arrêtés. Mais, la menace n'a jamais été aussi forte depuis l'éclatement de la guerre en Ukraine, qui a remis au goût du jour le recours à l'arme nucléaire. La question a lourdement pesé sur ce conflit : est-ce que Poutine va un jour ou l'autre appuyer sur le bouton nucléaire dans cette guerre qui semble s'inscrire dans la durée ? Près d'un mois après le lancement de l' « opération militaire spéciale » en Ukraine, dans une déclaration publique, le porte-parole du Kremlin n'a pas écarté l'utilisation de l'arme nucléaire, tout en assurant que celle-ci n'aurait lieu qu'en cas de «menace existentielle» contre la Russie. Une déclaration qui avait donné lieu à des évaluations de la menace en question par les spécialistes, qui restent divisés sur la probabilité d'un passage à l'acte par la Russie. Tant qu'il n'y avait pas de « menace existentielle » contre la Russie, les responsables n'ont plus évoqué le recours à l'arme nucléaire. Jusqu'à ces derniers jours, quand le président Poutine, dans un discours prononcé le 21 septembre, avait clairement laissé entendre qu'il était prêt à utiliser «tous les moyens» dans son arsenal face à l'Occident qu'il a accusé de vouloir «détruire» la Russie. «Ce n'est pas du bluff», avait soutenu le président russe, en réponse à ceux qui ont sans cesse affirmé, en tant que consultants sur les plateaux de télévision et dans les médias, que le président russe bluffait quant à un probable recours de sa part à l'arme nucléaire. Le président Poutine ne bluffe pas, il l'a dit et toutes les données tendent à conforter tout le sérieux de la menace. En ce sens, il est utile de rappeler les derniers évènements, notamment les référendums d'annexion à la Fédération de Russie des deux régions de Donetsk et Lougansk, ainsi que deux régions du sud de l'Ukraine, Kherson et Zaporijia, en cours depuis vendredi dernier et prendront fin aujourd'hui mardi. C'est ce qui rend la menace du recours à l'arme nucléaire par la Russie très pesante. Car, une fois ces régions annexées à la Fédération de Russie, plus aucun pays ne pourrait porter ses attaques militaires contre ses populations sans allumer le feu rouge de la « menace existentielle » contre la Russie. Les référendums organisés dans les régions du Donbass ont été décriés par les Européens et les Américains, qui ne leur reconnaissent aucune légitimité, et qui de ce fait devraient tout faire pour que ces régions soient « libérées » et revenir sous le contrôle de l'Ukraine. Un choc nucléaire à éviter ou est-il, déjà, inévitable ?