Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

«Donnez-moi, pour commencer, une faute d'orthographe !»

par Amine Bouali

Des fautes d'orthographe variées «agrémentent» parfois certaines enseignes de magasins et même certaines façades d'édifices publics, et apportent soit un zeste d'humour involontaire, soit un soupçon de malaise aux rues et placettes de nos villes. Qui, parmi ceux qui ont eu l'occasion de relever quelques-unes de ces relativement inoffensives bavures, n'a pas souri ou n'a pas été scandalisé (c'est selon !) en lisant, par exemple, sur la devanture d'un garagiste, «Station de lavache» (au lieu de «Station de lavage») ou sur une affichette placardée à l'entrée d'un service hospitalier, «Sévice de neurologie. Patiente en permission»(sic).

Chaque langue - comme chaque chose dans la vie - a des règles que ses usagers sont censés respecter, surtout dans son expression écrite qui est supposée être travaillée et dûment réfléchie. On peut, bien sûr, commettre une faute d'orthographe par inattention, mais on peut aussi être fâché définitivement avec l'orthographe. Le souci de la rigueur et du bien-faire (qui sont le contraire du laisser-aller et de la fainéantise) exigent, dans ce cas-là, de prendre la peine d'aller vérifier l'écriture correcte du mot qui pose problème dans un dictionnaire ou sur Internet, avant que l'erreur éventuelle ne soit gravée dans le marbre et ne devienne irréversible.

Nos braves instituteurs de jadis considéraient qu'un document quelconque (notamment un courrier), criblé de fautes d'orthographe, était non seulement à l'extrême opposé du travail soigné mais aussi un manque flagrant de politesse, quasiment une absence de savoir-vivre, une forme de mépris envers celui auquel il était destiné. Il est vrai cependant que ce sont rarement les fautes d'orthographe qui rendent un texte indigeste ou incompréhensible. Un écrit subtil et limpide mais bourré de fautes d'orthographe vaut cent fois mieux que des phrases parfaitement orthographiées mais formulées en une insipide langue de bois, par exemple. Cela dit, lorsqu'on peut faire bien et juste, pourquoi faire mal et de manière bancale ?

On raconte qu'un jour l'iconoclaste écrivain et humoriste français Alphonse Allais, alors qu'il se trouvait dans un restaurant, examina avec soin la carte et le menu avant de commander:

- Donnez-moi, pour commencer, une faute d'orthographe. Imperturbable, le garçon répondit: - Nous n'en avons pas, Monsieur Allais. - Alors, dans ce cas, pourquoi les mettez-vous sur le menu ?