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Quand les facteurs veillent sur les parents

par Amine Bouali

La Poste d'un pays européen a lancé, il y a quelques années, un service insolite intitulé «Veiller sur mes parents». Le clip publicitaire qui vantait à la télévision les mérites de ce nouveau produit, expliquait aux téléspectateurs en quoi il consistait en quelques images qui laissaient pantois l'observateur appartenant à une autre culture. On y voyait une vieille femme apparemment heureuse et en bonne santé en train d'offrir un café (ou une boisson quelconque) à son jeune visiteur; et tout le monde pensait qu'il s'agissait de son fils venu lui rendre visite. Erreur ! C'était le facteur du quartier qui était passé prendre de ses nouvelles et lui faire la conversation pour le compte de ses enfants, visiblement très occupés.

Mais ce qui frappait le plus dans cette réclame, c'était le discours que la vieille femme en question tenait à l'adresse dudit facteur : «Tu te rends compte qu'à l'époque, ils gardaient les parents à la maison» lui confiait-elle. «Ah moi, je n'aurais jamais voulu ça! On ne fait pas des enfants pour qu'ils s'occupent de nous. Je suis bien moi ici. J'ai mes petites habitudes. Et puis je t'ai toi! Ça me fait plaisir quand tu passes me voir.» («Toi», vous avez compris, c'est? le facteur !)

Et si en langage décrypté, la dame âgée voulait dire en réalité: «Moi j'aurais bien voulu que mes enfants me gardent auprès d'eux, s'occupent davantage de moi et me témoignent davantage leur amour. Mais je comprends: ils sont trop occupés! Alors ils t'ont envoyé, «toi»! Mais ils finiront bien par passer un jour.»

Pour 39,90 à 139,90 euros par mois (si les prix n'ont pas augmenté depuis!) les facteurs de ce pays du vieux continent dont il est fait allusion plus haut (mais aussi peut-être d'autres de leurs collègues en Europe) peuvent se déplacer une à six fois par semaine au domicile d'une personne âgée pour s'enquérir de sa santé, s'assurer que tout va bien et demander pour elle éventuellement une assistance médicale: c'est l'idée géniale qu'à eu la Poste de ce pays très civilisé pour venir en aide aux personnes du troisième âge. Dans ce pays ayant atteint le summum de la compassion, les citoyens inquiets quant au sort de leurs parents âgés mais qui n'ont pas le temps de leur rendre visite plus souvent, peuvent désormais dormir tranquillement: la corporation des facteurs est mobilisée et veille au grain !

L'Occident affairé et hédoniste a relégué la vieillesse (et la mort) dans des placards verrouillés à double tour et délégué à des secrétaires disponibles et dûment rémunérés la gestion de ce genre de «tracas» dont il ne veut plus entendre parler! C'est, paraît-il, l'avenir radieux que la civilisation du progrès prépare au restant de l'humanité.