Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les voies de la migration

par Abdelkrim Zerzouri

Que serait-il arrivé si le drame survenu à Melilla, le 24 juin dernier, avait eu pour théâtre une ville autre que marocaine ? Imaginons un instant que les services de sécurité de ce pays soient derrière la mort des 37 migrants clandestins, qui ont péri parmi quelque 2.000 personnes qui ont tenté d'entrer en Espagne par cette frontière terrestre reliant l'Afrique à l'Europe. Dans ce contexte, on aurait fait tomber le ciel sur la terre pour condamner ce pays, l'accuser de fouler aux pieds les droits de l'Homme en tuant sauvagement des hommes sans défense.

Par un passé pas si lointain, quand l'Algérie avait engagé des actions pour le rapatriement des migrants clandestins vers leurs pays d'origine, cela avait provoqué des tempêtes médiatiques. On parlait de traitement inhumain réservé aux migrants subsahariens, alors que les migrants en question étaient transportés dans des bus jusqu'à la frontière, où ils étaient remis aux autorités nigériennes, avec lesquelles un accord a été conclu dans ce sens. Pas un seul migrant mort ou même blessé n'a été enregistré durant les opérations d'arrestation et d'évacuation des migrants. Et pourtant, on a exposé l'Algérie à un véritable lynchage médiatique. Quant au récent drame de Melilla, qui vient s'ajouter à d'autres drames similaires, les Occidentaux ne se cachent pas pour soutenir le Maroc d'avoir accompli un travail impeccable, en empêchant des centaines de migrants de pénétrer dans l'espace Schengen. Mieux, près de deux semaines après le carnage survenu à Nador et Melilla, la Commissaire européenne aux Affaires intérieures et le ministre espagnol de l'Intérieur sont arrivés à Rabat, vendredi dernier, pour signer avec le ministre marocain de l'Intérieur des accords d'un « partenariat rénové » afin de combattre les réseaux de traite humaine (entendre l'immigration clandestine).

Selon des comptes-rendus médiatiques, l'accord « porte entre autres sur la gestion des frontières et le renforcement de la coopération policière », mais on ne dit pas comment et par quels moyens y arriver ? L'Europe est toujours prête à payer cash les pays qui collaborent dans le cadre de la lutte contre l'immigration, selon leurs plans, bien sûr, qui prévoient l'usage de moyens musclés et l'installation de camps pour organiser des internements administratifs des migrants clandestins. Preuve en est, ni les autorités marocaines ni les pays européens ne s'émeuvent face aux évènements tragiques de Melilla. Plus entreprenant que jamais, le Maroc poursuit devant la justice (procès prévus les 12 et 13 juillet) 65 migrants clandestins, dont un mineur, arrêtés le 24 juin dernier lors des évènements tragiques, notamment pour « entrée illégale sur le sol marocain ». Les migrants clandestins vont faire face dans les prochaines semaines à une répression et une pression qu'ils n'ont probablement jamais vécues par le passé. Que va-t-il se passer par la suite, ces migrants vont-ils abandonner leur rêve de rejoindre les rives nord de la Méditerranée ? Bien naïf celui qui le croirait. Car, la seule donnée qui va changer, c'est le parcours des migrants clandestins. On ne serait pas étonné de les voir prendre d'autres chemins qui passent par l'Algérie, la Tunisie et la Libye, non pas parce que ces pays sont plus permissifs, mais juste pour fuir l'enfer monté par les Européens pour les accueillir au Maroc.