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Nomination d'un envoyé spécial onusien: Lorsque le Parlement libyen fait des siennes

par Ghania Oukazi

  Le président du Parlement libyen, Akila Salah, a affirmé vendredi dernier que «la nomination de l'Algérien Sabri Boukadoum en tant qu'envoyé spécial onusien exacerbera la crise et menacera l'unité de la Libye».

C'est par une lettre qu'il a adressée au Secrétaire général de l'ONU que le président du Parlement libyen a décidé de recourir à des propos accusateurs à l'égard de l'Algérie, pour justifier son rejet de la nomination de l'ex-ministre des Affaires étrangères Sabri Boukadoum au poste d'envoyé spécial du SG de l'ONU et chef de la Mission des Nations Unies en Libye (MANUL).

L'on rappelle que c'est lundi dernier, lors d'une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation en Libye, que Antonio Guterres a fait savoir qu'il a porté son choix sur le diplomate algérien pour le représenter et diriger la MANUL, une mission à charge de l'Américaine Stéphanie Williams depuis mars dernier, date de la démission du Slovaque Jan Kudis.

Après le rejet de ce choix par les Emirats arabes unis, soutenus par plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, à leur tête les Etats-Unis et la France, de pays arabes comme l'Egypte, le Maroc, d'autres africains «dont une grande partie sont membres de l'Union africaine», selon des sources diplomatiques sûres, c'est donc le président du Parlement libyen Akila Salah qui monte au créneau et décide d'exprimer un refus «catégorique» à la nomination de Boukadoum.

Tout en notant que «l'Algérie a ignoré l'autorité législative libyenne (le Parlement qu'il préside ndlr)», Akila Salah explique dans sa lettre que «l'Algérie a refusé la décision du Parlement libyen de charger un nouveau gouvernement en remplacement du Gouvernement d'union nationale, ce qui prouve que la position de son pays l'Algérie (Sabri Boukadoum ndlr) est biaisée et ne sera pas à égale distance de tous». Il note que «l'Algérie a réitéré à plusieurs reprises ses positions et ses déclarations unilatérales, en faveur d'une seule partie, ce qui oblige au refus de la nomination de l'Algérien en tant qu'envoyé onusien». Il déclare ainsi «plus encore» que «la nomination de l'Algérien Boukadoum exacerbera la crise et menacera l'unité de la Libye». C'est en janvier dernier, au cours d'une séance parlementaire, que Akila Salah a déclaré que «sur la base de la décision de retrait de confiance émanant du Parlement et l'expiration du délai du 24 décembre, le mandat de ce gouvernement est arrivé à son terme et il faut former un nouveau cabinet». Le Parlement que préside Akila Salah, appelé Parlement de Tobrouk avait nommé Fathi Bachagha pour diriger un gouvernement à l'Est de la Libye, une région sous le contrôle du maréchal Khalifa Haftar et de son armée, l'Armée nationale libyenne (ANL), mais surtout pour obliger Abdelhamid Dbaiba à mettre fin au Gouvernement d'union nationale (GUN) qu'il préside depuis Tripoli.

Notons, comme rapporté dans l'édition hier, samedi 2 juillet, que le représentant permanent de la Libye auprès des Nations Unies, Tahar Essimi, donc représentant au nom du Gouvernement d'union nationale que préside Abdelhamid Dbaiba à Tripoli, a lui aussi adressé une lettre au SG de l'Onu pour lui faire état de «réserves à propos du mécanisme suivi par le Conseil de sécurité pour choisir un envoyé spécial du SG de l'Onu pour la Libye». En préambule de sa lettre, Essimi a affirmé que «le peuple libyen est otage des divergences entre les membres du Conseil de sécurité et de certaines forces régionales». Des divergences qu'il juge flagrantes puisque, a-t-il dit, «depuis 2021, il n'y a pas eu de nomination d'un représentant onusien pour la Libye». Le diplomate libyen a demandé alors à Guterres «d'entamer des consultations avec les parties libyennes avant de proposer un quelconque nom».

Pour rappel, le 18 avril dernier, le Premier ministre de GUN, Abdelhamid Dbaiba a effectué une visite éclair à Alger où il a rencontré le président de la République Abdelmadjid Tebboune. Dbaiba a déclaré avoir présenté au président de la République «la vision de son gouvernement pour réaliser ce projet important (la tenue d'élections ndlr) et passer de la période de transition à la stabilité en Libye». L'on rappelle que l'Algérie a reproché à Akila Salah d'avoir soutenu Khalifa Haftar dans l'offensive armée qu'il a menée en 2019 pour tenter de prendre Tirpoli. «Tripoli est une ligne rouge», a lancé le président Tebboune à ce sujet. «On l'a dit et on le répète, il n'y a pas de solution en Libye sans le retour au peuple. Quand il y aura des élections parlementaires, un Conseil national libyen, à ce moment-là, la Libye retrouvera sa légitimité populaire», a-t-il encore soutenu.