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La tenue des gymnastes olympiques et le délire collectif

par Kamal Guerroua

Une simple photo de l'équipe algérienne de gymnastique artistique aux 19es Jeux méditerranéens d'Oran 2022, a suffi pour mettre le feu sur la toile ! Les sportives sont descendues en flammes pour avoir porté une tenue jugée provocante. Entre partisans et détracteurs, la guerre est vite déclarée. Qui a raison et qui a tort ? Inutile, à vrai dire, de jouer à l'arbitre dans une querelle sans objet. Après la polémique du cornet à glace vient celle de la tenue des sportives olympiques. Au centre des préoccupations de la masse : la femme. Toujours la femme. Mais quel danger risque-t-on de courir, si l'on regarde une fille qui sourit, épanouie et heureuse, s'apprêtant à entrer dans l'arène des Jeux olympiques ? Ou plutôt, je repose la question d'une autre manière pour être plus explicite, en quoi la tenue d'une gymnaste peut-elle être un danger ou une honte pour la santé morale du pays? A la limite de la schizophrénie, la société nourrit ses propres démons, au détriment du bon sens et de la lucidité.

Face à la logorrhée aussi haineuse que nauséabonde de certains énergumènes dopés par le dogmatisme religieux, un célèbre chroniqueur algérois ayant pris la défense des gymnastes, aurait écrit sur son mur dans les réseaux sociaux : «c'est un symbole fort de cette Algérie belle, ouverte, décomplexée que détestent par-dessus tous les ennemis de la beauté et de la lumière.» Deux Algérie(s) se crêpent les chignons en raison d'une tenue d'une gymnaste ! Quel piètre débat d'idées ! Au fond du trou, les nôtres galèrent dans l'engrenage de leurs contradictions soporifiques. Des questions de fond se trouvent, comme par hasard, traitées dans leurs aspects les plus superficiels ! Mais quelle place pour la femme dans la société ? Combien de femmes signalent-elles des cas de harcèlement sexuel de leurs supérieurs sur leurs lieux du travail ? Combien d'entre elles souffrent, dans le déni total, des traumatismes de viols domestiques, non déclarés à cause de la question des tabous ? Combien d'entre-elles souffrent de la maltraitance sociale et de discrimination de salaires au sein de leurs entreprises ? D'abandon familial ? De rejet de la société pour des raisons ou d'autres ? Ce genre de questions n'a jamais, il est vrai, créé la moindre polémique chez nous, et c'est bien dommage, car c'est là que le bât blesse. Où est le mal à parler des viols et des agressions quasi quotidiennes qui attentent à la vie de la femme ? Où est le mal à parler de la violence de la société dont la structure patriarcale a tué son élan d'ouverture et de progrès ? Où est le mal à engager un débat sérieux et dépassionné sur la question de l'égalité homme-femme ? Le temps est aux idées constructives et non pas aux polémiques oiseuses !