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Chronique (Massacres aux États-Unis- Les «non-alignés» de retour- Ukraine )

par Djamel Labidi

Massacres aux États Unis

24 mai 2022, Uvalde, Texas. Nouveau massacre aux États Unis. Cette fois-ci ce sont des enfants. Des enfants d'une école primaire. L'Humanité a toujours placé les enfants, la protection des enfants, la vie des enfants, comme la plus grande valeur humaine.

C'est la 27ème tuerie de l'année. Quelques jours auparavant, le 14 mai, c'était le massacre de 10 noirs, par un suprématiste blanc, dans un magasin d'alimentation de la ville de Buffalo dans l'État de New York. En Avril 1999, cela avait été le massacre de l'école secondaire de Colombine, dans l'État du Colorado. 25 élèves y avaient trouvé la mort. La liste est interminable.

Est-ce donc là le pays qui parle de défendre les valeurs de la civilisation, et qui veut donner des leçons au monde entier ?

L'argument, l'excuse devrait-on dire, donné en Occident est que les armes sont en vente libre aux États Unis. Faux.

Depuis la nuit des temps, dans bien des pays, les gens ont été armés, sans qu'il y ait de tels massacres chroniques. Cela n'arrive qu'aux États Unis. Pourquoi ?

Les États Unis sont un pays qui s'est bâti, sur l'anéantissement de toute une ethnie, de toute «une race» pourrait-on dire, sur un génocide, celui des amérindiens. N'est-ce pas ce crime originel qui les hante, qui réapparait parfois, que ce soit dans la violence interne aux États Unis ou dans leurs aventures sanglantes dans le monde

Les États Unis sont un pays qui a participé grandement aux progrès du monde, sur le plan économique, technologique, scientifique, culturel, bref dans tous les secteurs, et le monde lui en est reconnaissant, l'admire. Mais, en échange de ces bienfaits, pourquoi faudrait-il que le prix à payer soit cette domination implacable qui dure depuis un siècle ? Faudra-t-il toujours que le côté sombre, effrayant, de ce pays pèse ainsi sur le monde comme l'envers de sa face si attractive.

Ces États Unis là, cruels, dominateurs, obligent, en tous les cas tous les peuples du monde, même s'ils lui reconnaissent bien des mérites, à se méfier d'eux, à ne jamais baisser la garde devant eux.

«Non alignés», le retour

Dans les pays, qu'on pourrait de nouveau appeler « non alignés», ou même «Tiers-Monde», c'est-à-dire ici la plupart des pays du monde, la sympathie populaire va vers la Russie. On en connait la raison principale : l'hostilité à l'hégémonie occidentale et donc le soutien à une nation qui ose la remettre en cause. Mais dans ces pays, il y a, inévitablement, une minorité « occidentaliste», résultat, comme ailleurs de l'hégémonie occidentale. Cette minorité interprète le soutien à la Russie, et la popularité de Vladimir Poutine, comme la manifestation de la «culture de peuples qui admirent l'homme fort». N'est-ce pas là un argument finalement raciste ? Et donc l'indication du mépris qu'a toujours eu pour le peuple ce courant occidentaliste ? Les peuples du «Tiers Monde», ont eu bien des dictateurs dans leur histoire, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, qui n'ont jamais été populaires et contre lesquels ils ont lutté. La question n'est donc pas là.

Elle est celle de la lutte pour l'émancipation des nations qui rebondit actuellement, de la lutte contre la persistance de l'hégémonie occidentale, contre «le deux poids deux mesures» et toutes les formes de discrimination internationale.

Bref, pour des relations démocratiques entre nations. Telle est la vraie question. Mais la tendance occidentaliste peut-elle la comprendre, elle qui a toujours abordé les problèmes à partir de la culture du dominant.

Ukraine

Certains aspects de la guerre en Ukraine sont étonnants, voire contradictoires.

C'est le cas par exemple de l'information sur l'ampleur des destructions causées par la guerre. Le récit officiel ukrainien, comme celui en général des médias occidentaux, décrit, tous les jours, un pays détruit systématiquement, un pays rasé.

Pourtant, les bâtiments gouvernementaux, le palais présidentiel, le parlement ukrainien, les services publics fonctionnent. Les visites des plus hauts responsables européens et américains se succèdent à Kiev sans que la Russie n'intervienne. Les trains circulent, la connexion internet existe et donc aussi l'électricité presque partout.

D'ailleurs ce sont les Russes qui semblent contrôler une grande partie de la production d'électricité, notamment à travers le contrôle des centrales nucléaires.

Ils n'ont, semble-t-il, entrepris aucune action systématique de destruction des infrastructures électriques ou d'opposition à la fourniture de l'électricité sur le territoire ukrainien. Rien n'est dit à ce sujet par les autorités ukrainiennes. C'est un des aspects étonnants de cette guerre.

Pour les villes détruites, il semble que ce ne soit que le cas des villes, Marioupol, Severodonesk et autres où se sont déroulés des combats acharnés à l'intérieur de la ville.

Le spectacle est terrible. Mais, il y a là, ce choix stratégique fait par l'armée ukrainienne de ne jamais combattre en rase campagne et de se retrancher dans les villes, avec toutes les conséquences prévisibles pour la population et la ville, comme c'est le cas toujours dans les combats urbains.

Kiev aurait pu être bombardée et détruite, mais cela n'a pas été le cas. Bizarrement, cela est rarement commenté.

Il semble que Kiev a été respectée par les deux belligérants, comme un trésor historique et civilisationnel commun. Le récit, fait au départ, de l'objectif russe de la conquête de Kiev ne repose sur aucune donnée factuelle et il n'y a aucune déclaration russe dans ce sens. Il a surtout apparemment servi à interpréter le retrait volontaire russe des environs de Kiev comme une victoire ukrainienne voire comme une « débâcle».

Il ne faut jamais sous-estimer l'adversaire. On ne peut en effet écarter une manœuvre tactique des russes pour faire croire que leur objectif était Kiev afin d'immobiliser à l'autre bout du pays une grande partie des forces ukrainiennes et cacher, au départ, leur objectif réel, celui du Donbass.

Un autre aspect troublant de ce conflit, c'est celui de l'attitude de la population, tant envers les autorités ukrainiennes qu'envers les russes. Au fond nous n'en savons pas grand-chose.

On a beaucoup épilogué sur une guerre qui aurait soudé les ukrainiens, y compris ceux russophones, contre la Russie. Le soutien au pouvoir ukrainien est en général déduit de la combativité des troupes ukrainiennes ainsi que du résultat de l'élection du président Zelenski en mai 2019 avec 73% des voix, mais une popularité qui va très vite fortement chuter dans les deux années qui suivront.

Mais il est étonnant qu'il n'y ait eu à aucun moment, depuis la guerre, des grandes manifestations de masse de soutien au pouvoir à Kiev et dans les grandes villes.

D'autre part l'exode massif des ukrainiens vers les autres pays, dès le début de la guerre est lui aussi sujet à interrogations sur la confiance faite aux autorités et celle placée dans l'avenir du pays.

Il en reste l'impression souvent, d'une population dominée ici et là par ceux qui détiennent les armes, ukrainiens ou russes selon, d'une population souvent résignée, qui souhaite avant tout le retour à la paix, et qui ne voit absolument pas l'utilité d'une guerre qui est vécue en sorte comme une malédiction.