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Le plus haut des paradoxes

par Abdou BENABBOU

Une banque nationale vient de décider d'accorder des crédits aux futurs pèlerins ne disposant pas de ressources financières pour accomplir un devoir religieux. L'initiative pose cependant de multiples questions car le cinquième précepte sacré de la religion musulmane n'est que facultatif. Ne sont tenus d'effectuer ce voyage que ceux détenant des moyens suffisants pour l'entreprendre. Mieux, le périple aux lieux saints est supposé caduc pour ceux qui s'y engagent sans apurer au préalable leur moindre petite dette.

Avant qu'elle n'ait été prise, la décision a certainement soumis un grand débat au sein des cercles officiels concernés par la question.

Néanmoins, le Haut Conseil islamique et certains doctes en la matière ont avancé les argumentaires en faveur d'un «crédit utile» pour justifier l'initiative bancaire sans pour autant départager les nombreux avis contradictoires qui animent en ce moment la scène nationale.

Face à l'augmentation des frais du pèlerinage cette année avec une montée sidérante à la hauteur de presque le double des montants financiers coutumiers, on peut comprendre l'embarras à gérer la délicate situation. L'Etat ne pouvait rester les bras croisés face à un problème épineux pour laisser coi les chanceux bénéficiaires d'un passeport particulier mis à mal par une terrible pandémie et ses folles conséquences. Pourtant l'augmentation astronomique des frais de séjour à La Mecque a été en grande partie du ressort et de la responsabilité du pays hôte.

Encore une fois, et là aussi, le fabuleux dérèglement économique et social généralisé à l'échelle planétaire, causé par la colère de la nature n'a pas manqué de démontrer qu'il a bouleversé l'ensemble des pratiques religieuses jusqu'à contraindre la fermeture des portes des mosquées et des lieux saints dans un passé très récent.

L'extraordinaire dilemme posé brille par le plus haut des paradoxes en mettant en conflit la nature contre la religion sommant l'intervention du politique au nom d'une aléatoire paix sociale.

Il n'est pas dit que les postulants au pèlerinage déjà harassés aujourd'hui par la nécessité de joindre les deux bouts pour vivre soient disposés à s'empêtrer dans un crédit bancaire malgré sa noblesse supposée.