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Les efforts, la sueur et la providence

par Abdou BENABBOU

La viande ovine est à 2.200 dinars le kilo ! L'effarement est à son comble quand le consommateur a l'impudence de s'approcher d'une boucherie. On aura beau expliciter cette folie par les lois et les théories sur les mouvances habituelles du marché, le coup d'estoc démontrera l'empreinte de l'arrivée d'un nouveau démon. La hache et le couteau du boucher n'ont jamais eu un rôle aussi saignant et les carcasses des agneaux n'en sont plus les seules victimes sur les étals et les esses de plus en plus dégarnis.

Il est inutile de s'égarer dans les explications coutumières sur la chaîne des intermédiaires agissants dans la commercialisation d'un produit emblématique connu depuis toujours pour n'être abordable que par les familles nanties. Sa proximité et sa consommation ont souvent été une référence sociale pour distinguer le riche du pauvre et un baromètre de l'aisance ou de la misère des porte-monnaies.

Mettre en cause les maquignons ou les bouchers pour les incriminer serait trop simple car l'énorme impondérable est le résultat d'un réel tsunami économique qui ébranle le monde entier avec ses effets déchirants et défigurant un mode de consommation coutumier régissant la vie jusqu'ici.

Mais pour la société algérienne, la fête du mouton, arrivant à grands pas dans quelques semaines, va poser un véritable problème de fond. La sagesse et le rationnel seront opposés frontalement avec la religion. La piété et la foi étant devenues très affirmées, il est certain que l'on se pliera avec bonne ou mauvaise grâce au dogme rigide de la saignée financière familiale quoi qu'il en coûte comme conséquences menant à une onéreuse fuite en avant.

La liberté des familles de s'endetter et de se laisser aller dans des acrobaties financières douloureuses est certes sacrée. Mais la bourrasque provoquée par la mortelle flambée de tous les prix aura peut-être l'avantage d'inciter la population à mettre les pieds sur terre et à apprendre à compter. Elle incitera surtout chacun à consommer selon ses moyens et à adapter sa vie à son budget en espérant que ses efforts, sa sueur et la providence apporteront un mieux.