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Serguei Lavrov en Algérie: Alger et Moscou veulent renforcer leur partenariat

par Ghania Oukazi

Le chef de la diplomatie russe est arrivé lundi soir à Alger pour mener des discussions avec les plus hautes autorités du pays, dans le cadre du bon niveau des relations bilatérales qui lient l'Algérie et la Russie et aussi sur le conflit russo-ukrainien qui pose un grand nombre de problématiques entre autre l'approvisionnement de l'Europe en gaz naturel.

«Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger, Ramtane Lamamra, s'est entretenu mardi à Alger, avec son homologue russe, Sergueï Lavrov. L'entretien a été élargi, par la suite, aux membres des délégations des deux pays. Auparavant, le ministre russe des Affaires étrangères s'est recueilli, au sanctuaire du martyr, à la mémoire des martyrs de la Guerre de Libération nationale où il a déposé une gerbe de fleurs», rapporte une dépêche de l'APS.

Bien que le séjour de Lavrov coïncide avec le 60ème anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays, il est aussi clair qu'il fait suite à l'entretien téléphonique effectué le 18 avril dernier par le Président russe Vladimir Poutine avec le Président Abdelmadjid Tebboune. Un entretien durant lequel les deux chefs d'Etat ont évoqué «la coordination au sein de l'Opep + ainsi que la situation en Ukraine,» tel que rapporté par l'Agence russe Tass. Et certainement dans cet ordre d'idées que le chef de l'Etat a accordé, hier, une audience au chef de la diplomatie russe en présence de Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger et de Abdelaziz Khellaf, le directeur de Cabinet à la présidence de la République. Les deux dossiers cités par l'Agence Tass dans sa dépêche rapportant l'entretien téléphonique du 18 avril dernier entre les deux chefs d'Etat contiennent les deux grandes problématiques qui se posent avec acuité en particulier au monde occidental depuis le déclenchement du conflit entre Moscou et Kiev. Compté parmi ses alliés stratégiques de premier plan et ce, dans plusieurs domaines, avec en tête l'équipement en armement et les rapports «d'équilibre» au sein de l'Opep+, l'Algérie et la Russie veulent accorder leurs positions pour trouver «un juste milieu» à l'approvisionnement en gaz naturel de l'Europe après le boycott du gaz russe par les Etats Unis et les pays membres de l'Union européenne.

Un approvisionnement que l'Algérie pourrait assurer puisque l'histoire lui retient qu'elle a toujours été considérée en la matière par les pays européens comme un fournisseur «sûr». Reste qu'en termes de quantités, Alger ne pourrait se substituer à Moscou en raison de ses capacités d'exportateur de gaz à l'Europe qui ne dépassent pas les 11% alors que Moscou lui en garantissait 47%.

Dés la fin de ses entretiens avec Lamamra, Lavrov a d'ailleurs dans une déclaration, mis en relief l'ensemble de ces aspects de la coopération algéro-russe en affirmant que «nous avons soutenu l'initiative de nos amis algériens visant à élaborer un nouveau document stratégique interétatique qui sera le reflet de la nouvelle qualité du partenariat bilatéral». Il a noté que «notre dialogue politique se développe de manière active, tout comme celui économique, militaire et technique et les liens humanitaires et culturels».

Les positions algériennes à l'Assemblée générale de l'ONU

L'on rappelle que depuis le déclenchement du conflit entre Moscou et Kiev, l'Algérie a refusé de soutenir l'orientation générale politique affichée par l'Assemblée générale des Nations Unies, à l'égard de la Russie. Alger a ainsi voté «non» contre l'exclusion de la Russie du Conseil des droits de l'Homme. Le représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations Unies, l'ambassadeur Nadir Larbaoui avait dans son intervention devant la session extraordinaire d'urgence de l'AG onusienne consacrée à ce vote, soutenu que «l'Algérie tient à réaffirmer son attachement aux principes et buts de la Charte des Nations Unies et aux règles du droit international fondées sur le respect de la souveraineté, de l'indépendance et de l'intégrité territoriales des Etats ainsi que le respect mutuel des obligations internationales et des garanties de sécurité». Larbaoui a aussi affirmé que «l'Algérie souligne également l'importance d'intensifier les efforts diplomatiques pour mettre un terme à la crise humanitaire actuelle en Ukraine et réitère son soutien aux efforts visant à apaiser les tensions à travers le dialogue et la négociation, seul moyen pour résoudre la crise, d'arrêter l'effusion du sang et prendre en charge les aspects humanitaires tragiques, sans discrimination face à la souffrance humaine, afin d'assurer la sécurité, la sûreté et la stabilité des pays et des peuples de la région». Le représentant algérien permanent aux Nations Unies a en outre précisé que «l'Algérie estime que l'action multilatérale internationale impose le renforcement du dialogue et de la coopération, loin de toute exclusion, afin de garantir son efficacité en dépit des divergences de position des uns des autres». Par la voix de sa délégation à l'ONU, Alger a ainsi noté que «la volonté de suspendre de tout organe onusien, un membre élu par l'ensemble de la Communauté internationale, n'est pas de nature à favoriser l'esprit du multilatéralisme». Et en déclarant réaffirmer «son soutien aux négociations directes entre la Russie et l'Ukraine afin de parvenir à une cessation des opérations militaires», l'Algérie a réitéré «son appel à l'intensification des efforts diplomatiques internationaux pour que les normes diplomatiques ne s'effondrent pas davantage afin de parvenir à une solution politique permettant de préserver la souveraineté, l'intégrité territoriale et les intérêts légitimes des deux pays».

Les efforts diplomatiques d'Alger

L'Algérie a conforté sa position en faisant valoir «son ferme attachement aux règles et principes fondamentaux du droit international humanitaire et des droits de l'Homme, notamment la Déclaration universelle des droits de l'Homme et les instruments internationaux de protection des Droits de l'Homme». Elle a, en même temps, «exprimé sa ferme condamnation de toute violation avérée des obligations internationales dans ce domaine».

L'appel lancé par l'ambassadeur Larbaoui à l'ONU pour «intensifier des efforts diplomatiques», l'Algérie le pratique concrètement. L'on rappelle qu'entre autres efforts, les plus récents à cet effet, l'entretien téléphonique de Lamamra avec son homologue ukrainien et aussi la visite effectuée récemment par la ministre des Affaires étrangères de la Bosnie Herzégovine. Le tout plaide en faveur d'un rôle de médiation important que la Russie et des pays de l'Europe de l'Est notamment, veulent que l'Algérie tient au regard de ses positions au sein des Nations Unies, et particulièrement après l'entretien téléphonique entre les deux présidents Tebboune et Poutine. Des efforts susceptibles de montrer selon des observateurs que «Moscou n'est pas si isolé comme le prétendent certains au plan international» et que «la visite de Lavrov à Alger est peut-être pour évaluer avec les autorités algériennes les possibilités de sortie de crise avec l'Ukraine après la récente communication de Lamamra avec son homologue ukrainien».