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Au bout de la trêve ?

par Abdelkrim Zerzouri

Y a-t-il une menace qui plane sur la paix fragile en Libye ? Le pays risque de sombrer de nouveau dans le chaos, selon des représentants du commandement général de l'armée libyenne, qui ont annoncé samedi 9 avril la suspension de leur participation au comité 5+5 et mettent en garde contre «une division politique qui conduira à un effondrement économique, social et sécuritaire » en Libye. Inévitablement, l'évolution de la situation en Libye est rattrapée par la nomination en février dernier, par le Parlement de Tobrouk, d'un deuxième Premier ministre, Fathi Bachagha, qui met le pays dans une posture de gouvernance par deux Premiers ministres !

Ainsi, après un calme de quelques semaines après cette nomination, les choses ont commencé à se détériorer sur le plan sécuritaire. Des affrontements entre deux groupes armés ont éclaté dans la soirée du 4 avril dernier dans la capitale libyenne Tripoli, sur fond de tensions politiques exacerbées, faisant deux morts et cinq blessés. Lesquels affrontements ont été suivis par une accalmie précaire. Mais cette présente sortie du commandement militaire, qui a suspendu sa participation aux travaux du comité 5+5+, augure d'un retour à la case départ dans le dossier libyen. En portant de graves accusations contre le chef du Gouvernement d'union nationale (GNA), notamment en lui reprochant de ne pas s'être conformé aux décisions du Parlement et remettre le pouvoir au Premier ministre Fathi Bachagha, les représentants du commandement de l'armée ont clairement annoncé la couleur, en l'occurrence leur opposition au Premier ministre Dbeibah.

La mise en garde contre un effondrement de la situation en Libye est à prendre très au sérieux par toutes les parties libyennes et par la communauté internationale, qui a les yeux rivés sur la guerre en Ukraine. Les représentants du commandement de l'armée n'ont pas seulement suspendu leur participation aux travaux du comité 5+5, appelé de fait à se désintégrer, mais ils ont également appelé Khalifa Haftar à arrêter les exportations de pétrole, à fermer la route côtière est-ouest et à arrêter les vols entre l'est et l'ouest de la Libye. De quoi provoquer le chaos en Libye et le renforcement de la division des rangs dans ce pays. Et, chose intrigante, ces menaces qui planent sur la sécurité de la Libye ne semblent inquiéter outre mesure ni la communauté internationale ni l'ONU, qui gardent un silence pesant face à cette montée des périls. Est-ce par crainte de s'engager en faveur d'un groupe ou d'un autre, qu'on risque de trouver demain aux commandes du pays ?

L'Algérie maintient clairement des relations avec le gouvernement de Dbeibah, qui a la légalité internationale, et le soutien de l'ONU normalement. Reçue, jeudi dernier, par le président Tebboune, la ministre libyenne des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Mme Najla Al-Mangoush, a déclaré au terme de cette audience que sa visite en Algérie «intervenait en vue de soutenir les efforts du Gouvernement d'union nationale libyen (GNA) et parvenir à des élections justes et légitimes». Ce qui résume la position d'Alger sur ce dossier: l'aboutissement du processus politique à des élections qui permettraient au peuple libyen de choisir ses dirigeants. Un chemin parsemé d'embûches mais pas totalement impraticable. Reste seulement à démasquer devant l'opinion internationale qui cherche à entraver ce processus ?