
Dans cette
vie mouvementée et perturbée par des parasites qui nous regardent méchamment du
coin de l'œil, le pauvre chef de famille, perdu dans son douar immobile, court
du matin jusqu'au soir pour remplir son devoir d'infortuné. Aussi, chaque jour
négatif qui se lève, on tente, tant bien que mal de remplir les formalités
morales et sociales pour être à jour avec le temps et essayer de profiter, un
tant soit peu, au bonheur de l'existence. Dans cette vie désœuvrée, il y a des
gens qui ne font que quémander de quoi se nourrir et remplir leurs tous petits
couffins chaque jour pour rassasier leur progéniture. Et comme la quête n'est
pas aisée avec les pénuries cycliques, les traces sont visibles sur le citoyen.
Ainsi, beaucoup de gens se sont vus collés de drôles de surnoms par leurs pairs
et avec lesquels ils sont reconnaissables au milieu de la rue, tels que « batata », bidoune-zit, chkara-hlib et on ne sait quoi encore de risible, à cause
de la rareté de ces produits très recherchés. Il y en a d'autres, et ils sont
nombreux, qui remplissent les trottoirs du matin au soir sans but lucratif. Il
ne faut pas oublier aussi ces oisifs qui remplissent les cafés et qui papotent
entre eux de matchs de football jusqu'à la tombée de la nuit. Quant aux
absurdes et les chauvins de la balle ronde, ceux-là ne sont là que pour faire
du bruit pendant 90 minutes. Il y a aussi des gens qui semblent satisfaits et
remplis de joie mais qui ont le cœur rempli de haine également, et qui sont
aveuglés par la colère qui les hante depuis qu'on les connaît. Ailleurs, les
plus malins font leur beurre et se remplissent les poches dans la discrétion,
loin des yeux et des doigts accusateurs. Le remplissage est un acte expéditif
qui consiste à remplir un espace ou un esprit naïf pour l'utiliser à des fins
biens calculées. Les individus pas trop sympathiques et qui semblent remplis de
joie, il n'y en a pas beaucoup chez nous.
Ceux qui
sont pleins de tristesse comme des oiseaux en cage sont cajolés avec des
paroles, pour leur faire oublier cette vie qui sent le renfermé. Il y a une
belle expression qui dit : qu'on ne remplit pas un panier avec des mots. « Maamar », le brave homme qui ne connaît personne pour lui
donner un coup de pouce dans sa requête, a reçu une réponse négative à sa
demande de recrutement pour un poste de travail qu'il attend depuis belle
lurette. On lui a répondu tout simplement qu'il ne remplissait pas les
conditions requises. Exaspéré et plein de chagrin, il a quitté le pays
clandestinement avec ses frères harraga.