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Face aux salaires, la circonspection

par Abdou BENABBOU

Bien qu'il le fasse à demi-mot, le gouvernement reconnaît la légitimité d'une revalorisation des salaires. Le marché de la consommation est en feu et très peu d'Algériens privilégiés réussissent à joindre les deux bouts en cette rentrée sociale pas comme les autres en se faufilant au travers de l'incendie du marché où tous les prix ont doublé, parfois triplé.

Le coup de massue donné aux ménages ne s'est pas contenté de mettre en sourdine les réfrigérateurs, mais a fait perdre aussi tous les sens à l'électricité qui leur donne vie. Les défauts de paiements sont pluriels et variés et aux impondérables de la lumière se sont joints ceux de l'eau, du loyer et des fournitures scolaires. Les embûches sont infinies pour gêner l'espoir d'une rentrée sereine que semblait permettre le recul de la pandémie.

Si on comprend les préoccupations terre à terre de tous face à la sensible situation sociale, on ne peut ne pas comprendre qu'il faille d'abord réfléchir à des mesures importantes et innovantes pour soutenir et accompagner le peu d'entreprises qui restent encore vivantes avant de se fourvoyer dans le lourd dossier des salaires. Avec une légitimité incontestable, le monde du travail malmené par un coût de la vie infernal a de sérieuses raisons de réclamer l'amélioration de l'ordinaire et de l'élémentaire.

Mais lutter contre l'inflation n'est pas un exercice commode et la solution ne repose pas uniquement sur le dossier des rétributions salariales. Pour calmer l'énorme pression sociale et les dangereuses perturbations qu'elle manifeste, ne s'en tenir dans la hâte qu'à se préoccuper de ce paramètre ne ferait qu'à faire endosser aux entreprises qui peinent à rester encore debout une lourde charge qui finira par leur donner le coup de grâce. D'anciens fleurons de l'industrie algérienne peinent à marcher. Nombre d'entre elles sont aujourd'hui à l'arrêt. Leurs travailleurs sont à mille lieues d'exiger une revalorisation salariale et ils ne sont que dans l'attente de voir leurs insuffisantes paies actuelles assurées et garanties.

Il est indispensable d'admettre que le secteur non productif entièrement à la charge du contribuable et de l'Etat serait aujourd'hui le seul bénéficiaire heureux d'une revalorisation salariale telle qu'elle a été réclamée par certains députés.

Fort heureusement, lors de la présentation de son programme, le Premier ministre a souligné avec recul et pédagogie que le dossier des salaires est une énorme pieuvre qui réclame large analyse et profond discernement.